"Des modes opératoires qui relèvent de l'écoterrorisme." C'est ainsi que Gérald Darmanin qualifiait, en octobre dernier, les manifestations contre les méga-bassines à Sainte-Soline. Six mois plus tard, à Sainte-Soline justement, les affrontements entre manifestant·es et forces de l'ordre ont viré au drame : un manifestant est toujours entre la vie et la mort, touché par une grenade lacrymogène tirée par un gendarme selon les enquêtes de Libération et du Monde. En réponse, le ministre de l'Intérieur engage la dissolution des Soulèvements de la Terre, mouvement de rassemblement de diverses organisations écologistes. Mais Gérald Darmanin n'en a pas qu'après les mouvements écologistes. Il menace aussi les subventions de la Ligue des droits de l'Homme et accuse la gauche de "terrorisme intellectuel".
La dérive verbale du ministre sera-t-elle suivie d'effet ? Comment éviter de nouveaux drames une fois qu'on a qualifié le camp d'en face de terroristes ? Comment éviter qu'une justice d'exception ne se mette en branle pour museler les mouvements d'opposition ? Pour en débattre, nous recevons cette semaine Jade Lindgaard, journaliste à Mediapart, spécialiste des questions d'environnement ; Basile Dutertre, porte-parole des Soulèvements de la Terre ; ainsi que Marc Lomazzi, journaliste et auteur d'un livre-enquête sur le climat (France 2050, RCP8.5, le scénario noir du climat, Albin Michel).
Derrière les fiches S, le problème de l'eau
Serge D., grièvement blessé à Sainte-Soline, est toujours entre la vie et la mort. Rapidement, son statut de fiché S a fuité dans les médias – par exemple sur BFMTV dans la bouche de la cheffe du service police-justice Cécile Ollivier, déjà prise fin mars en flagrant délit de relais d'éléments de langage de la Préfecture de police. "Un problème déontologique" pour Jade Lindgaard, et "une diversion" pour Basile Dutertre qui rappelle que pendant que l'on parle de la question sécuritaire, on évacue le sujet central : le partage de l'eau.
Le modèle productiviste français au cœur du combat
Les méga-bassines retiennent l'eau et la réservent à une poignée d'agriculteurs. Mais pas n'importe lesquels, rappelle Jade Lindgaard : "C'est une agriculture de l'exportation, qui ne cherche pas à répondre aux besoins directs nourriciers de son territoire. On touche au cœur de l'État, au cœur de ce qui est l'intérêt général et l'intérêt public."
"Vous n'éteindrez pas la colère"
Alors que Gérald Darmanin a choisi la voie du tout sécuritaire en engageant la dissolution des Soulèvements de la Terre, Marc Lomazzi rappelle que cette solution n'est qu'un pis-aller : "Vous pourrez dissoudre les Soulèvements de la Terre ou n'importe qui d'autre, vous n'éteindrez pas la colère qui va continuer de monter."
Les Soulèvements, un "réseau de résistance"
Menacés de dissolution, les Soulèvements de la Terre ne sont pas une "organisation", rappelle Basile Dutertre. Il rappelle que la "résistance" qu'ils prônent peut prendre une "forme infinie", et détaille : "Ça peut être quelqu'un qui fait fuiter une information dans une administration, un média qui s'engage et qui enquête, une manifestation de masse."
Pour aller plus loin
- La réponse des Soulèvements de la Terre à la menace de dissolution de Gérald Darmanin.
- Les enquêtes de Mediapart sur les méga-bassines, dont celles de Sainte-Soline.
- Le livre de Marc Lomazzi, France 2050, RCP8.5, le scénario noir du climat.
- Notre émission sur les violences policières et le déni au sommet de l'État.
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