Le 8 juin, à Annecy, un homme a tenté de tuer des enfants dans un parc. Bilan : six blessés dont quatre enfants. Une attaque au couteau qui déclenche rapidement le dispositif tristement habituel. Chaînes d'info en boucle, live sur tous les sites d'information de France, spéculations en tout genre. Rapidement, on croit savoir, c'est forcément un attentat islamiste, comme la France en a connu ces dernières années. Mais tout aussi rapidement, la certitude s'enraye : l'assaillant est un réfugié syrien qui aurait agi au nom de Jésus et se revendique chrétien. Mais au milieu de la terreur que suscite l'attaque, six mots surgissent : "Le héros au sac à dos." Qui est ce héros qui a tenté de s'interposer entre les enfants et leur agresseur ? Il est vite identifié, il est catholique fervent, il met son courage sur le compte de sa foi, et sa présence dans ce parc sur celui de la providence. Aussi vite qu'il a surgi, on s'interroge : son discours n'est-il pas un peu trop politique ? Un peu trop religieux ? Finalement, les héros doivent-ils être parfaits ? 

Des questions que se sont posées nos trois invité·es du jour, en y apportant des réponses très différentes. Pierre Jova d'abord, journaliste pour l'hebdomadaire catholique la Vie, auteur d'un portrait élogieux d'Henri d'Anselme. Daniel Schneidermann ensuite, fondateur d'Arrêt sur images, qui a analysé dans Libération la récupération de la figure d'Henri d'Anselme par CNews. Marie-Hélène Lafage enfin, consultante en transition écologique, membre de l'association Altercathos, qui tente un juste milieu : ni l'excès de louanges, ni les moqueries faciles. 

Vidéo choc et course à l'audience

Le processus est connu, malheureusement répété à l'envi : à chaque attaque, les chaînes d'info courent derrière la vidéo choc, avec l'air de ne pas y toucher – nous l'avions raconté pour Annecy. Un choix qui choque Marie-Hélène Lafage : "Les médias sont débordés par les réseaux sociaux. Est-ce qu'on doit tout diffuser en fait ?" Daniel Schneidermann rappelle que rien ne les y oblige : "Si les médias professionnels veulent survivre à la concurrence épouvantable des réseaux sociaux, ils doivent marquer une différence."

Henri, héros sur-médiatisé

Il a été "le héros au sac à dos", puis "Henri", puis Henri d'Anselme, son nom complet. Sollicité à l'extrême, il a fait le tour des plateaux pour raconter son expérience, alors même qu'il sortait d'un événement traumatique. Une situation problématique pour Marie-Hélène Lafage qui pointe "l'emballement et la pression qui est mise sur les personnes par l'instantanéité médiatique". Et rappelle que ce schéma ne sert personne : "Il y a les victimes et les héros. Ces oppositions schématiques ne rendent pas du tout justice aux personnes."

Revoilà le débat sur l'immigration

Pascal Praud le sent, c'est le moment de rouvrir le débat sur l'immigration et le droit d'asile. Dans un édito rageur, il énumère les faits divers imputables, selon lui, à l'immigration. Une "litanie" que rejette Pierre Jova, qui se souvient de l'histoire de son grand-père, immigré yougoslave qui s'est jeté dans la Seine pour sauver un homme de la noyade, et de Nadir, immigré algérien qui en a fait de même dans la Meuse il y a deux semaines : "J'aimerais parler de ces immigrés qui, en tant qu'hommes, n'ont écouté que leur courage pour sauver leur prochain."

Pour aller plus loin 

- Le portrait de Henri d'Anselme signé Pierre Jova, paru sur le site de la Vie.
- La chronique de Daniel Schneidermann sur Cnews et Pascal Praud. 
- L'analyse de Marie-Hélène Lafage publiée sur son compte Twitter. 
- La fameuse interview d'Henri d'Anselme par Pascal Praud.