Péan quitte le plateau, coulisses
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Péan quitte le plateau, coulisses

Pierre Péan sort de nos bureaux.

Je viens de raccompagner à la porte un homme blessé, blessé par mes questions, et qui a quitté le plateau avant la fin de l'interview. C'est la première fois, dans la courte histoire du site. Suis-je sorti de mon rôle en l'interrogeant sur les accusations d'antisémitisme qui lui sont adressées par Kouchner et ses défenseurs ?

Vous jugerez.

En arrivant, il m'avait dit ressentir douloureusement ces accusations d'antisémitisme. Je l'avais prévenu que je l'interrogerais notamment sur ce sujet. Nous savions tous les deux à quoi nous attendre. J'estime avoir été loyal.

Toute la première partie de l'émission s'est parfaitement déroulée, Péan nous racontant avec une certaine allégresse le lancement cahotique du livre. Il a découvert avec un plaisir manifeste les images d'Elkabbach posant une question embarrassée à Kouchner. C'est en regardant l'image de l'intervention du ministre à l'Assemblée que je l'ai vu se rembrunir, exactement à l'instant où Kouchner lance que Péan lui reproche d'être "un mauvais Français, aux origines douteuses". Le reste, à vous de le regarder.

A tous ceux qui verront notre émission, je veux préciser ceci: je n'ai pas de conviction personnelle sur l'antisémitisme, ou non, de Pierre Péan. Je ne le connais pas personnellement. Je connais mieux son ex-co-auteur Philippe Cohen, patron de Marianne 2, qu'il serait évidemment absurde de soupçonner de quoi que ce soit. S'agissant de Péan, je ne suis pas dans le secret de son âme (ou de son inconscient, selon les chapelles). J'essaie de m'en tenir aux faits, aux mots prononcés ou écrits.

Nous y voilà. Les quelques maladresses de formulation de son livre, dans lesquelles se sont engouffrés les défenseurs de Kouchner, sont pour le moins étonnantes, de la part d'un écrivain qui a été en butte plusieurs fois, lors de la sortie de plusieurs livres, à des accusations d'antisémitisme. Quand un écrivain comme Péan, homme de convictions, fin connaisseur de l'Histoire de France, écrit "cosmopolitisme", il sait que ce mot a été utilisé, galvaudé, rendu presque infréquentable, par les antisémites des années 30, qui stigmatisaient la finance cosmopolite, la banque cosmopolite, la ploutocratie cosmopolite, etc. A travers les décennies, ce mot pue encore. C'est bien dommage pour ce pauvre mot qui n'en demandait pas tant, mais c'est ainsi. Et pour ignorer cette puanteur, il faut avoir les narines sacrément bouchées. D'autant que Péan sait bien que le vaste réseau Kouchner, qui n'est pas composé de tendres, se précipitera sur l'aubaine. S'il est pourvu d'un bon dictionnaire des synonymes, l'écrivain peut trouver à sa disposition "universalisme", "mondialisme", et sans doute bien d'autres mots encore. S'il s'accroche, malgré tout, à "cosmopolitisme", ce ne peut être qu'en connaissance de cause, parce qu'il souhaite dire exactement ce qu'il dit, chatouiller ce qu'il va chatouiller, provoquer qui se sentira provoqué. Si par extraordinaire il ne s'en aperçoit pas, alors il a un éditeur, dont c'est le travail. Le patron de Fayard, Claude Durand (qui a été mon éditeur au siècle dernier, pour plusieurs livres) est un grand éditeur. Il est vrai, comme Péan nous le raconte dans la première partie de l'émission, que la dernière phase de rédaction du livre a été plutôt précipitée, Péan craignant d'être grillé par des concurrents.

Du reste, il admet sur le plateau qu'il n'utiliserait évidemment plus le terme "cosmopolitisme", si c'était à refaire. A cet instant, je le crois sincère.

L'émission ne se résume pas à ce dénouement mélodramatique, que je regrette. Pendant tout le début, Péan nous livre des informations crues, sur les mécanismes de lancement d'un livre, et évoque sans réticence sa principale motivation anti-Kouchner : le Rwanda, sujet d'un de ses précédents livres. Nous avons un échange intéressant sur le patriotisme et la recherche de la vérité. On plonge dans la mécanique d'un enquêteur de haute volée. De grâce, ne vous contentez pas de la fin de l'émission.

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