Taxe Zucman : Selon les hebdos de droite, les riches vont nous sauver
La semaine du 25 septembre, les hebdos de droite ont, semble-t-il, participé à une grande conférence de rédaction collective. Une seule ligne édito : à bas la taxe Zucman ! "Taxer les riches : la folie Zucman" (Challenges, 14 pages) ; "Pourquoi la haine des riches ?" (Le Point, 14 pages) ; "Entreprises familiales : ce que l'économie française leur doit" (L'Express, 10 pages) : ils étaient au diapason.
Le backlash médiatique face à une mesure extrêmement populaire, comme le détaillait récemment Maurice Midena dans sa chronique, s'illustre ici avec force. C'est pourtant sûr pour l'Express : "La taxe Zucman est une aberration économique, une construction idéologique et une vraie menace pour le pays" (l'Express) ; elle "porterait le coup de grâce à notre pays exsangue" et serait même "l'expression la plus aboutie de la préférence pour l'impôt, de l'ignorance dans l'entreprise et de la haine des riches" (le Point) ; elle est "risquée, voire absurde" pour l'économiste interrogé par Challenges - qui a tout de même l'honnêteté de rappeler que de nombreux économistes sont pour, de Joseph Stiglitz à Esther Duflo en passant par Thomas Piketty. Pire, cette taxe est "symbolique de ces moments tragicomiques où une démocratie, confrontée à une menace vitale, perd tout sens politique, intellectuel et moral, encenser tout ce qui la tue et condamner tout ce qui pourrait la sauver" (le Point, toujours).
Qui pourrait donc nous sauver ? Mais les riches, pardi ! Dans l'Express, qui consacre dix pages aux "entreprises familiales" qui sont un "trésor à préserver", le directeur de la rédaction Eric Chol va jusqu'à - très sérieusement - qualifier les Arnault, Saadé et autres Decaux de "vaches sacrées"... Ce ne sont pas des nepo babies comme les autres : eux ont du "génie français". Et ces barbares d'économistes zucmaniens "nient les vertus des sociétés dynastiques pour le PIB du pays" en voulant les taxer !
Lire les numéros de Challenges, le Point ou l'Express du 25 septembre devient bien plus agréable si l'on s'amuse à retrouver, dans le tableau de Challenges du Top 10 des plus riches, les patrons desdits journaux. Bernard Arnault - qui s'apprête justement à racheter Challenges, le plaçant ainsi en situation de quasi-monopole sur la presse économique - est numéro 2 du classement, donc une très grande "vache sacrée". François Pinault, qui possède le Point, est la "vache sacrée" numéro 9. Alain Weill, qui possède l'Express, ne figure pas au classement... mais il a revendu son groupe Altice Médias en 2024 à la "vache sacrée" numéro 6, Rodolphe Saadé. Quel hasard !
Autre jeu : comparer les déclarations des grandes fortunes françaises du XXIème siècle avec les arguments monarchistes d'Ancien Régime. Qui a dit : "Mon père et moi avons les mêmes intérêts : faire grandir l'entreprise puis la transmettre. Nous sommes tous les deux un trait d'union dans une longue histoire" ? Était-ce Louis XVII le 13 juillet 1789, ou Nicolas Houzé, nepo baby des Galeries Lafayette, dans l'Express en septembre 2025 ? Une autre citation, sans doute inconnue de nos amis les "vaches sacrées", et que vous ne lirez ni dans le Point, ni dans Challenges, ni dans l'Express, celle-là : elle est de l'autrice étatsunienne de fantasy Ursula Le Guin. "Nous vivons sous le capitalisme. Son pouvoir semble inéluctable – mais le droit divin des rois l'était aussi."
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