Quand la direction de BFMTV censure le sexisme d'un ministre
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Quand la direction de BFMTV censure le sexisme d'un ministre

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"Je constate que parmi les journalistes femmes qui m'ont interrogé, personne n'était devant moi les seins nus, hein. Il ne faisait pas assez chaud ?"

Ces mots d'un sexisme crasse ont été prononcés par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti lundi 28 août 2023. Il s'adressait à des consœurs journalistes qui couvraient son déplacement à Aurillac. Le ministre se rendait dans la ville du Massif central pour constater les dégâts subis par un tribunal en marge d'une manifestation de femmes qui avaient défilé seins nus le 26 août. Elles protestaient contre la verbalisation d'une femme qui avait refusé de se couvrir la poitrine, souhaitant pouvoir se promener torse nu comme "la moitié des hommes" durant le festival de théâtre de rue d'Aurillac en période de canicule.

La Société des journalistes (SDJ) de BFMTV a révélé ces propos le lendemain, dans un communiqué : "De telles déclarations, prononcées devant caméras et micros et en présence de nombreux témoins, sont inappropriées." La SDJ de la chaîne info précise que ces mots s'adressaient notamment "à deux consœurs de la rédaction", elle est soutenue quelques heures plus tard par celle de LCI.

"Les propos sexistes d'Éric Dupond-Moretti sont inacceptables", s'est également indignée l'intersyndicale de NextRadioTV (qui rassemble BFMTV, RMC et les autres médias du groupe Altice) dans un autre communiqué. "Ces propos, témoignant d'un sexisme crasse, ne sont pas acceptables, d'autant plus de la part d'un ministre d'État." Surtout, les trois syndicats soulignent un point que n'abordait pas la SDJ : "L'intersyndicale s'interroge sur le choix de notre direction de ne pas diffuser ces images sur nos antennes."

Contactée par ASI, l'intersyndicale confirme que "les images existent" et "s'étonne" du choix de ne pas les diffuser. La SDJ explique auprès d'ASI ne pas avoir pu les diffuser dans leur communiqué : "Ce sont les images de BFM, nous n'avons pas les droits. Alors, on a choisi de publier le verbatim." Mais pourquoi la direction a-t-elle refusé de les diffuser ? Marc-Olivier Fogiel a renvoyé ASI vers le service communication, qui ne "souhaite pas commenter".

Dans l'enregistrement sonore que s'est procuré la cellule investigation de Radio France, on peut reconnaître sans problème la voix du garde des Sceaux. On peut aussi entendre la lourdeur et le rire gras du ministre, qui pouffe après sa question. Mediapart, qui a pu visionner les images, y ajoute le clin d'œil du ministre à l'une des journalistes, et des rires esquissés par des membres de son équipe.

Dans ce rire gras, on entend l'impunité, celle des hommes puissants, celle d'un ministre qui n'a pas démissionné après avoir été mis en examen pour "prise illégale d'intérêts". Celle d'un avocat qui s'est toujours foutu des droits des femmes et qui, en plaidant faiblement des propos "sortis de leur contexte", ne fait que souligner ce contexte, justement : un ministre qui trouve normal de sexualiser des journalistes professionnelles avec des "blagues" dont aurait honte un collégien. Un ministre loin d'être un cas isolé : une journaliste souffle à ASI sa déception que la scène n'ait pas été diffusée, "pour une fois" que ce genre de sortie sexiste régulièrement subie par des consœurs était filmée.

Je constate qu'au gouvernement, personne n'a jugé bon de rappeler à l'ordre Éric Dupond-Moretti. Il ne faisait pas assez offense à la grande cause du quinquennat ?

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