Procès de Kim Kardashian : ces mignons "papys braqueurs" qui ont violenté une femme
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Procès de Kim Kardashian : ces mignons "papys braqueurs" qui ont violenté une femme

Tous les samedis, l'édito médias de Pauline Bock, cette semaine signé Alizée Vincent, envoyé dans notre newsletter hebdomadaire gratuite, Aux petits oignons : abonnez-vous !

Dans les autres histoires de braquage, la presse parle de "malfaiteurs", de "préjudice", ils précisent : "aucun blessé n'est à déplorer" (le Parisien) ou emploient le vocabulaire du "saccage", de l'"attaque". Ils mettent parfois des citations des victimes en titre, car ça compte, les victimes (comme dans Sud Ouest : "« Il m'a regardé dans les yeux et m'a tiré dessus »"). Dans le cas du braquage dont a été victime Kim Kardashian, dont le procès a débuté le 28 avril à Paris, c'est une autre limonade.

Les faits ont tout d'un Tarantino. Une superstar ligotée dans sa chambre d'hôtel parisienne en pleine Fashion Week (en 2016), une bague à 4 millions d'euros dérobée, des bandits à l'âge d'être grand-pères, dont l'un est mort quelques jours avant le procès... Alors, forcément, dans les rédactions, on se lâche. On parle de "hold-up" au grand "retentissement", de "folle affaire" (France info) ou de faits "rocambolesques" (le Figaro). On s'attarde sur la "fuite dans un grand désordre" (BFMTV) des braqueurs. On part même en reportage pour voir les coulisses de l'hôtel secret où les faits se sont déroulés ("une résidence de luxe ultraconfidentielle, pionnière des nouveaux codes de l'hospitalité haut de gamme", raconte le Figaro). Mais surtout, on s'extasie sans cesse sur l'âge des mis en cause (71, 78 et 70 ans).

À leur sujet, on ne parle pas d'"assaillants", mais "d'étrange casting" (20 minutes), de "voyous à l'ancienne" aux parcours de vie "cabossés" (20 minutes, encore). Ils sont la "horde of the Ring" (petit jeu de mot avec Lord of the Ring, sur Libé). L'un d'eux, Yunice Abbas (71 ans), ferait preuve d'une "«franchise déconcertante»" (Libération). On souligne "l'âge et la santé vacillante des prévenus" (Paris Match) qui "n'avaient pas mesuré la célébrité de la star" (le Point). Et surtout, surtout, on leur accole un petit surnom : celui de "papys braqueurs". Pour le Parisien, peu importe que les accusés ne nient pas les faits : ils sont carrément "plus papys que braqueurs" (sic).

C'est que c'est marrant, un "papy braqueur". Ça attendrit. Ça fait très Bourvil-feat-de-Funès, façon le Corniaud. Ça fait limite Casa de Papel, la série espagnole où l'on se prend d'affection pour un groupe de résistance qui braque la fabrique de monnaie du pays. Ça fait surtout oublier que dans l'affaire, il y a une victime.

Kim Kardashian a beau être une "influenceuse vedette", elle n'en a pas moins été poussée sur un lit, ligotée et bâillonnée avec du Scotch. D'après le témoignage livré à la répression du banditisme, repris sur France info"elle n'est pas blessée physiquement, mais reste traumatisée par la peur de mourir : elle a ressenti «une terreur totale»". Elle dit avoir eu "peur de mourir", indique BFMTV dans l'un de ses titres, l'un des très rares à avoir mis en avant cette citation.

Heureusement, certaines rédactions ont pris de ses nouvelles, comme Paris Match. Mais ce n'était pas pour raconter son traumatisme. Ni son regard sur l'affaire. Le magazine nous montre moult photos la star qui "se détend au spa à Los Angeles avec North". Madame Figaro aussi a récemment parlé de Kim Kardashian. "À la plage", raconte le magazine, elle "exhibe ses bracelets de chevilles en pierres précieuses" qui "coûtent plus cher" que sa maison. De son côté, Charlie Hebdo l'imagine, dans un dessin de presse, "consolée" par un "papy escroc" : Mélenchon en pleurs. Parce qu'il faut toujours avoir du respect pour les victimes, le titre satirique a dessiné Kim Kardashian paraissant nue, sans montrer son visage, mettant en avant son "gros cul"

Il n'y a d'ailleurs pas qu'une victime, mais plusieurs. Le réceptionniste de l'hôtel a lui aussi été séquestré et ligoté. Il s'appelle Abderrahmane Ouatiki. Il était jeune chercheur, doctorant, et a "dû quitter la France juste après le braquage, son visa n'ayant pas été renouvelé", indique BFMTV"J'ai investi beaucoup de temps dans mes études en France", a-t-il témoigné sur la chaîne. "Tout s'est arrêté après ce drame". Il a abandonné la thèse qu'il menait au moment des faits. Son nom et son histoire ne sont que très rarement cités. 

Il est classique (et parfois légitime) que la presse se focalise sur les auteurs de crimes et délits, plutôt que sur les victimes. Il est moins classique que le regard porté sur eux soit si tendre. Il y a toutefois une autre actualité pour laquelle on regrette que le terme "papy braqueur" ne soit pas utilisé. Il se trouve qu'un autre homme âgé (71 ans), en plein procès lui aussi, risque 4 ans de prison avec sursis. Celui-là est accusé d'avoir braqué les caisses de l'État, en finançant des emplois fictifs. Mais pas de petit surnom le concernant. La presse le nomme sobrement François Fillon.

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