"VIDÉO. Religieuses contre écologistes." Le titre est frappant, l'image, diffusée par France 3 Ardèche, plus encore. Une vingtaine de nonnes de tous âges, habillées en bleu marine de la tête aux pieds - longues jupes, foulards et même impers assortis - chantent un chant religieux tout en formant une chaîne humaine autour d'une pelleteuse.

"D'un côté le collectif écologique Les Amis de la Bourges, de l'autre, des religieuses, explicite France 3 Ardèche. Les uns se battent pour l'arrêt du chantier de construction du complexe religieux à Saint-Pierre-de-Colombier, tandis que les autres tentent de protéger sa réalisation." Le média local décrit des "altercations violentes qui ont duré près d'une heure", durant lesquelles "militants écologistes et religieuses en sont venus aux mains". Avec pour résultat une vidéo hautement virale : celle d'une nonne courant après un militant écologiste et le plaquant au sol. Image frappante, surprenante, et même d'actualité avec la Coupe du monde de rugby, mais qui cache un contexte plus sombre. "Énorme ! Du grand spectacle", déclare sur X (ex-Twitter) un journaliste de la chaîne. 

Car France 3 Ardèche ne précise pas d'où viennent ces nonnes, ni qui elles sont. Il faut en fait aller lire un autre article de France 3 datant de février dernier, qui détaille le conflit autour de ce projet de construction, pour apprendre que "le Vatican et l'évêque de Viviers sont opposés à la construction du complexe, jugé trop grand". Et, surtout, qu'il s'agit des religieuses du culte de La Famille des Missionnaires de Notre Dame, une organisation citée dans un rapport de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) en 2021, selon le Dauphiné libéré et France Bleu. La Miviludes classait alors la famille missionnaire parmi ses "sujets d'inquiétude", notamment pour "plusieurs témoignages inquiétants qui montrent que certains membres de la famille missionnaire sont coupés de leur famille, les appels téléphoniques limités et la correspondance lue", selon France Bleu. Qui précise : "Certains parlent même de travail important de la part de certains bénévoles sans aucune compensation." La communauté est sous tutelle apostolique depuis 2021.

Dès 2020, Libération écrivait à leur propos : "La Famille missionnaire est proche de mouvements ultraconservateurs comme les Scouts d'Europe ou les Associations familiales catholiques, très en pointe contre le mariage pour tous et la PMA pour toutes. Bref, des tradis qui ont gardé les rites d'un catholicisme populaire façon XIX^e siècle. (...) Et s'il y a des velléités de départ de la communauté, cela se fait dans la douleur." Enfin, dans Politis, on apprend que les membres de la Famille missionnaire "représentent 60 % des électeurs de la commune ", et qu'en 2022, "le village a voté à 40 % pour Éric Zemmour au premier tour, à 65 % pour Marine Le Pen au second". La violence communautaire, sociale et politique de cette communauté religieuse est loin de s'exercer uniquement contre des militants écolos et des pelleteuses. Mais c'est plus difficile à filmer par les caméras de France 3.