Anticor, contre-pouvoir bientôt disparu ?
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Anticor, contre-pouvoir bientôt disparu ?

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L'association Anticor, qui lutte contre la corruption et la fraude fiscale, fête ses vingt ans cette année. Le dernier décret de renouvellement de son agrément, délivré par le gouvernement et qui lui permet de porter plainte avec constitution de partie civile "pour les infractions de corruption et trafic d'influence, de recel ou de blanchiment des revenus induits, de manquement au devoir de probité ou d'influence pour obtenir le vote d'électeurs", avait été signé en 2021 par le Premier ministre d'alors, Jean Castex. Mais tout cela est désormais fini : ce vendredi 23 juin, le tribunal administratif a célébré les vingt ans de l'association en annulant son agrément. Joyeux anniversaire... et clap de fin ?

L'association, qui dénonçait déjà une "procédure abusive" à "l'absence de fondement", alerte : "Cette annulation constitue une atteinte grave à la démocratie, ainsi qu’aux libertés associatives". Surtout, l'association s'inquiète que perdre son agrément n'annule "les instructions ouvertes à l’initiative d’Anticor et contre l’avis du parquet", dont "le dossier Alstom, le dossier Sylvie Goulard, le dossier des contrats russes d’Alexandre Benalla ainsi qu’une vingtaine d’autres procédures". Car l'annulation a un "effet rétroactif au 2 avril 2021".

Qu'ont en commun toutes les procédures citées ? Elles concernent toutes Emmanuel Macron. Il était ministre de l'Economie en 2014 lorsque l'Etat français "a perdu 500 millions d’euros consciemment au profit de la société Bouygues" dans la vente d'Alstom et président de la République lorsque son ex-ministre des armées Sylvie Goulard a été visée par une plainte d'Anticor pour des honoraires qu'elle aurait reçus d’un think tank américain pro-européen alors qu'elle était eurodéputée. Et Alexandre Benalla, qui est visé par une plainte d'Anticor pour des "contrats passés avec des oligarques russes proches de Vladimir Poutine", a été proche et garde du corps d'un certain... Emmanuel Macron (jusqu'à ce que le Monde ne révèle qu'il s'était habillé en policier et avait attaqué des manifestants le 1er mai 2018). Autres macronistes visés par une plainte d'Anticor : le ministre de la justice Éric Dupond-Moretti, le chef de file de la macronie et ex-président de l'Assemblée Richard Ferrand, et le conseiller de l'Élysée et macroniste de la première heure Alexis Kohler. Dès 2017, Anticor avait même saisi la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) afin "de vérifier le caractère exhaustif, exact et sincère" de la déclaration de patrimoine d'un certain... Emmanuel Macron.

C'est d'autant plus étrange que cet Emmanuel Macron semble bien connaître Anticor, et ne pas porter l'association dans son coeur. "En marge de notre Complément d'enquête sur Alexis Kohler, Emmanuel Macron s’en était pris à l’association", a rappelé le journaliste de l'émission, Tristan Waleckx. Avec une vidéo, diffusée par Complément d'enquête en mars dernier, dans laquelle un certain président de la République nommé Emmanuel Macron défend son fidèle soldat Kohler et déclare en toute tranquillité : "Je peux détruire n’importe qui avec une question d’exemplarité. Demain, je peux vous faire une procédure. Anticor, ils ne font que ça. Et les procédures, ils les font durer, ils les font durer, ils les font durer. Et même si les gens à la fin ne sont pas condamnés, vous les foutez en l’air."

Peu de temps après, Macron ajoute : "Ce que je vois, c’est que cette procédure [Kohler], elle n’est pas en train d’aboutir." Ce qui faisait alors dire à Mediapart que ces quelques mots sont "le pire de sa déclaration devant les caméras de Complément d’enquête" : "Comment, dès lors, ne pas prendre la déclaration du président sur la procédure Kohler qui «n’est pas en train d’aboutir» autrement qu’une pression à peine déguisée sur la justice ?"

Ce n'est pas Emmanuel Macron qui a retiré l'agrément d'Anticor : c'est le tribunal administratif. Mais à la lumière d'une telle citation, impossible de ne pas se souvenir qu'un certain Emmanuel Macron, arrivé au pouvoir en 2017, promettait comme premier engagement de son quinquennat une "moralisation de la vie publique", afin de garantir "l'exemplarité des élus", et voulait une "exigence de transparence" pour "la dignité de la vie publique". C'était sans doute un homonyme, qui n'aurait jamais accepté la perte d'un tel contre-pouvoir dans un contexte de dérive vers une démocratie illibérale.

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