CNews : le jour où l'ARCOM a basculé dans une réalité parallèle
Est-ce parce que le nouveau président de l'ARCOM, Martin Adjari, s'est fait bousculer sur ses accointances PS passées, par le rapporteur ciottiste de la toute neuve commission d'enquête sur la "neutralité de l'audiovisuel public" ? Est-ce parce que des "journalistes" de Frontières
se sont introduits en mode intimidation dans les couloirs de l'ARCOM en janvier dernier ? Est-ce tout simplement la peur de l'avenir ? "Il n’y a pas de contournements des règles du pluralisme politique sur le mois de mars 2025 sur CNews, et s’il y en avait eu, nous les aurions identifiés et nous serions intervenus. Nous n'avons pas de doute" : cette déclaration surréaliste de l'ARCOM au Point
, puis à l'AFP, selon laquelle CNews
était irréprochable sur le plan du pluralisme , marque une étape supplémentaire vers le basculement général, institutions comprises, dans une réalité parallèle.
D'abord par son timing : ce démenti catégorique est intervenu jeudi 27 novembre, à quelques heures de la diffusion d'une enquête de l'émission Complément d'enquête
(France 2) justement consacrée à CNews
. Ce timing a obligé l'équipe de l'émission, incapable d'intégrer en quelques heures ce nouveau rebondissement au montage final, à couper une minute de son émission sous peine, confirment plusieurs sources, de déprogrammation totale.
Cette émission décortiquait la "méthode CNews", et ses arrangements avec la réglementation sur les temps de parole politiques, notamment par la diffusion à la pelle, en pleine nuit, des déclarations de responsablesde gauche. La minute coupée montrait notamment la diffusion nocturne d'un discours de François Hollande, au son problématique, manifestement destinée à "contourner" la réglementation.
"rendez-vous avec françois hollande"
Ce passage de l'émission de France 2 s'appuyait lui-même sur un rapport de Reporters Sans Frontières
, "sur CNews, le grand contournement"
. "Le 27 mars, à 23 h,
citait par exemple le rapport, la stratégie de contournement devient tellement caricaturale que le présentateur Gauthier Le Bret ne peut retenir un sourire en lançant à la fin de son émission “un rendez-vous avec François Hollande.”
Mais l'enquête de RSF était aussi fondée sur une technique novatrice : l'analyse des bandeaux de la chaîne (700 000 bandeaux analysés en mars 2025).
Comment l'ARCOM fait-elle ses propres calculs qui l'amènent à contredire RSF ? L'Autorité ne l'a pas précisé, ni à l'AFP ni au Point
, mais à ce stade, peu importe. Il n'est pas besoin d'autre instrument de mesure que ses yeux pour regarder, et ses oreilles pour écouter : CNews est une chaîne qui transpire le pré-fascisme. Dans les sujets (le tryptique islam, délinquance, migrants) qu'elle traite quasi-exclusivement, amalgamant à plaisir les trois ingrédients dans ses préparations . Dans son ton "nous sommes tous d'accord". Dans la personnalité de ses intervenants réguliers, essayistes aux essais incertains, présidents d'instituts variés, "journalistes" de provenances non précisées, ou bien appartenant à des rédactions Bolloré ou bollo-compatibles. Jusque dans ses chroniqueurs auto-étiquetés "de gauche", employés comme alibis esseulés des plateaux (voir notre émission avec le jeune philosophe transfuge Nathan Devers
). Ainsi, une intervention de l'ex-ministre PS André Vallini (habitué des plateaux) dans une émission sur l'immigration, sera comptabilisée par l'ARCOM comme du temps de parole socialiste, alors qu'elle concourt bien entendu, avec ses bémols, à l'obsession de la chaîne Bolloré. Si le prétendu "gendarme de l'audiovisuel" refuse de le reconnaître clairement, s'il souhaite garder une once de crédibilité dans son rôle d'arbitre, il lui faut d'urgence changer de lunettes. S'il en a la volonté, et encore l'autonomie.
Le blog Obsessions est publié sous la seule responsabilité de Daniel Schneidermann, sans relecture préalable de la rédaction en chef d'Arrêt sur images.
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