Antisémitisme : où sont les Moldaves ?
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Antisémitisme : où sont les Moldaves ?

Où sont les Moldaves ? Au petit matin du 31 octobre, une cinquante d'étoiles de David bleues, peintes au pochoir, sont découvertes sur les murs d'immeubles parisiens. Effroi général. Volée de micros et de caméras vers le quartier ainsi attaqué. Une poignante Mamy Voise pleure en boucle devant les caméras. L'image est sinistre. Comment ne pas se souvenir du boycott des magasins juifs par les nazis le 1er avril 1933, avec son Deutsche kauft nicht bei Jude ? Mais au fil de la journée, les certitudes s'effilochent. Cette couleur bleue, la couleur du drapeau israélien. Les bâtiments en question ne sont pas spécialement habités par des occupants juifs. Virage sur l'aile. Et si les adeptes du pochoir avaient voulu manifester...leur soutien à Israël ? 

Six jours plus tard, l'enquête est comme gelée. Un couple de ressortissants moldaves sans-papiers, a annoncé la police, a été arrêté dès le 27 octobre, pour d'autres pochoirs dans un autre arrondissement, et interrogé (ce dont Darmanin, le 31 octobre, ne dit pas un mot). Ils ont déclaré avoir agi "à la demande d'un tiers". Et puis ? Et puis rien. Ils auraient été placés en rétention administrative, en vue d'une expulsion. Gérald Darmanin, Eric Dupond-Moretti, où sont les Moldaves ?  Où sont-ils ? Les avez-vous interrogés ? Cette situation de rétention interdit-elle de les interroger ?  Et pourquoi suis-je le seul, de tous mes confrères, à demander "où sont les Moldaves". Je ne sous-entends rien. Je ne sais rien. Je voudrais seulement savoir si les Moldaves ont été interrogés, et sinon pourquoi.


A chaque jour son micro-emballement estampillé antisémite. A peine BFM et les autres ont-elles fini de s'époumoner sur les étoiles bleues, qu'une jeune fille capte sur son smartphone dans le métro parisien un groupe de jeunes voyageurs chantant "Vive la Palestine Ouais ouais Nique les Juifs, nique ta grand mère, on est des nazis et fiers". Re-affolement. Re-fermeté des autorités. Re-tout sera mis en oeuvre. L'antisémitisme ne passera pas. A Marseille, une habitante poste un drapeau israélien sur son balcon. Des passants (ou des manifestants ? On ne sait pas) tentent sans succès de pénétrer dans l'immeuble. Breaking news de nouveau. Priorité au direct. En attendant, les chanteurs sont aussi introuvables que les Moldaves.

Il ne m'a pas échappé que des crimes antisémites ont été commis en France ces dernières années. La liste en est trop longue. Sans même remonter aux assassinats de Mohammed Merah ou au carnage de l'Hypercacher, ni à l'assassinat de Ilan Halimi, je me souviens de Sarah Halimi et Mireille Knoll. Antisémitisme crapuleux d'isolés (pour les deux derniers crimes), dans les vapeurs d'alcool et de hasch, nourri  le plus souvent de l'increvable fantasme de la richesse des Juifs. Et je ne parle pas des agressions de rue, du harcèlement de rue, des tags du quotidien (plus de 1000 actes antisémites et 486 interpellations depuis le 7 octobre, a annoncé Darmanin, sans en préciser la nature).

Roule ainsi, à chaque épisode, la même boule de neige. Les chaînes d'info s'emballent. Les Juifs tremblent. Les sondages révèlent que les Juifs tremblent. Les politiques accourent devant les caméras. Les chaînes d'info s'emballent de plus belle. L'emballement dans sa pureté chimique, que décrit Le Monde du jour (sans revenir sur les Moldaves).

Pour d'authentiques crimes, combien d'emballements finalement démentis ? Ont-ils seulement réfléchi, les emballés des télés, à l'effet d'imitation et d'incitation ? Vous vous souvenez de l'agression du RER D, en 2004 ? Une jeune femme se plaint d'une agression antisémite. Emballement général (on peut ici revoir trois JT de France 2, à l'époque). Le président Chirac jure que l'antisémitisme ne passera pas. La jeune femme a été condamnée à quatre mois de prison, pour dénonciation de délit imaginaire. L'épisode est devenu un cas d'école

Et tout récemment, cette sandwicherie casher taguée en août dernier. Alerte générale, une fois de plus. Le présumé coupable était un septuagénaire, propriétaire du magasin, et en litige avec le gérant. Il devrait être jugé en décembre prochain. Ô confrères emballés des étoiles bleues : ce précédent est récent. Deux mois. L'aviez-vous encore en mémoire ?

L'imputation d'antisémitisme rôde partout. Accusé Mélenchon, levez-vous ! Après avoir accusé Yaël Braun-Pivet de "camper à Tel-Aviv", au grand effroi de Ruth Elkrief, voilà qu'il récidive contre Patrick Drahi, à propos du comptage de la manifestation parisienne de soutien aux Palestiniens du 4 novembre, dont il accuse BFM et Libé d'avoir minoré les effectifs. Jusque là, rien à dire. Les deux médias cités ont en effet compté "quelques centaines de personnes" au départ du cortège, avant d'en compter à l'arrivée entre 19 000 (préfecture) et 60 000 (organisateurs). Ils ont expliqué ensuite que les manifestants étaient arrivés progressivement. Soit.

"Même propriétaire même mensonge, s'indigne Mélenchon. En fait les rues sont pleines de Bastille à Nation. Les soutiens inconditionnels du massacre mentent pour rien." Aie.  "Même propriétaire" : suivez mon regard du côté du franco-israélien Patrick Drahi. Aie aie. D'abord c'est faux : Drahi n'est plus propriétaire de Libé. Mélenchon est l'antisémite le plus mal documenté de la terre. Mais disons-le : oui, le rôle des télés Drahi est problématique. Ce n'est pas seulement Arrêt sur images qui le dit, ici, mais les journalistes de BFM eux--mêmes, qui, à force de voir leur chaîne confondue avec la chaîne israélienne i24News, du même Drahi, logée dans les mêmes locaux parisiens, à force de confusion d'antennes entre les deux chaînes, à force de voir des porte-parole de l'Armée israélienne présentés sur BFM comme de simples habitants de Tel-Aviv,  redoutent d'être confondus avec la chaîne de propagande franco-israélienne. Mais il parait que poser la question Drahi, c'est antisémite, crie-t-on ici, ici, ou ici . Je ferme donc la parenthèse. Revenons aux choses sérieuses. Où sont les Moldaves ?

Le blog Obsessions est publié sous la seule responsabilité de Daniel Schneidermann, sans relecture préalable de la rédaction en chef d'Arrêt sur images.

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