Somalie : les morts dont on se fiche encore plus que les autres
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chronique

Somalie : les morts dont on se fiche encore plus que les autres

On n'en finit jamais, d'ajouter des codicilles à la loi du mort kilométrique.

Je vous en rappelle la philosophie, enseignée dans toutes les bonnes écoles de journalisme : plus un mort est lointain, moins son sort est censé intéresser les lecteurs / auditeurs / télespectateurs / internautes. Il faut parfois nuancer. Une couleur de peau, une religion partagées, une instrumentalisation idéologique possible, peuvent compenser quelques milliers de kilomètres (ainsi pour les "chrétiens d'Orient"). Voilà la vérité nue, au-delà de toutes les contorsions justificatoires de la profession, dont je vous parlais hier.

Encore, parmi les milliers de morts dont on se fiche, faut-il bien distinguer ceux dont on se contre-fiche. Dont on se contre-fiche sans avoir besoin d'alibis. Ainsi, le Guardian nous apprend ce matin que le kamikaze de Mogadiscio (plus de 300 morts dimanche) était originaire d'un village de Somalie, victime d'une attaque conjointe des troupes somaliennes et  des forces spéciales américaines en juin dernier. L'attentat de Mogadiscio serait donc une monstrueuse opération de représailles.

Cette attaque de juin dernier, aux alentours de la ville de Bariire, a fait dix morts, dont trois enfants, et une femme. C'est toute une famille d'agriculteurs, désarmée, qui a été attaquée au petit matin, et décimée dans son sommeil "un par un, sans pitié", selon un officiel local. Apparemment, une famille concurrente, ou rivale, de la localité, aurait assuré aux Américains que la famille victime était sympathisante des Shahab islamistes. Après avoir, dans un premier temps, démenti toute perte civile, l'armée somalienne a fini par admettre quelques dégâts collatéraux, sans plus de précisions. L'appui américain aux forces somaliennes s'est accru dans les dernières années Obama, et s'est encore intensifié depuis l'arrivée de Trump, lers forces sur le terrain bénéficiant d'une plus grande capacité d'initiative.

D'où tirai-je toutes ces précisions sur l'attaque de juin dernier ? D'un article en anglais du site de Al Jazeera, reprenant manifestement une dépêche de Reuters. Et comment ai-je trouvé cet article ? C'est le Guardian, qui en donne le lien, dans son propre article de ce matin. Habituellement, les journaux préfèrent renvoyer à leurs propres articles. Si le Guardian, en désespoir de cause, renvoie vers Al Jazeera, c'est que le Guardian lui-même, à l'époque, avait totalement ignoré ces dix morts civils, cette femme, ces trois enfants, abattus par les troupes somaliennes et américaines, et situés en bas, tout en bas, de la compassion occidentale, sous les radars du Guardian lui-même, qui n'est pourtant pas le plus mauvais des journaux occidentaux.

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