Oradour, impressions
Le matinaute
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chronique

Oradour, impressions

Ce ciel bleu d'Oradour, en ce 4 septembre, qui éclate en direct sur les images de France 2.

Ce ciel bleu insolent, incongru sur la scène de la barbarie, cette scène que l'on voudrait figée dans une condamnation à perpétuité au noir et blanc, cette "tempête de ciel bleu", tweete une journaliste. Mais on ne fige pas la météo. Et ces plans esthétiques sur les ruines, les pans de murs effondrés du village, ces plans aériens, cette imagerie qui hésite entre le Tour de France et la carte postale. Mais à quel spectacle va-t-on assister ?

"Une nouvelle image de la réconciliation franco-allemande" répètent mécaniquement les commentaires. Presque 70 ans après la fin de la guerre, en 2013, on en est donc encore à cette pénurie de vocabulaire ? On en est encore à marquer les étapes de la "réconciliation" ? On en est encore à avoir besoin d'un album photos ?

Entre Hollande et Gauck, se glisse le troisième personnage de l'histoire, Robert Hébras, l'un des deux rescapés vivants. L'heure étant à faire image, les commentaires le présentent comme le Rescapé, rien d'autre que le Rescapé. Pas question pour les scénaristes en direct d'épaissir le personnage (voir le matinaute d'hier), en rouvrant si peu que ce soit les plaies encore à vif, en rappelant par exemple que Hebras vient (oui, en 2012 !) d'être condamné à un euro de dommages et intérêts et dix mille euros de frais de justice pour avoir, dans un livre, émis des doutes sur le caractère forcé de l'enrôlement des "malgré-nous" alsaciens.

L'heure est à faire image pour l'Histoire. Mais laquelle ? Quand Hollande et Gauck se retrouvent tous deux dans l'église à ciel ouvert, on réalise ce que l'on attend : qu'ils se prennent la main. La simple réédition de la rencontre Mitterrand-Kohl. Notre manque d'imagination n'attend rien d'autre qu'un remake. Surprise : pendant la minute de recueillement, rien ne se passe. Ils n'ont donc rien prévu ? Mais quelques instants plus tard, alors que les a rejoints Robert Hébras, un zoom impudique trahit qu'ils ont enfin conclu, à contretemps comme des ados en boum. Les deux mains se sont enfin trouvées. dans le doute, le tremblement, la douleur peut-être : elles ne se sont pas saisies l'une de l'autre hardiment, franchement, bras décollés du corps, comme les mains de Mitterrand et Kohl. Elles se sont trouvées furtivement, clandestinement, exprimant tout ensemble le désir de "faire quelque chose", et l'inhibition devant le souvenir obsédant des deux grands devanciers. Il faut que le rescapé se glisse maladroitement entre eux deux, il faut que Joachim Gauck lui passe enfin le bras sur l'épaule, inventant une nouvelle image, à eux, rien qu'à eux, l'image 2013, pour qu'enfin s'impose quelques secondes l'émotion, si longtemps recherchée à tâtons.

 

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