Notre Angot face à Fillon
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Notre Angot face à Fillon

"Bon". Christine Angot sourit. Fillon aussi sourit mécaniquement. Jusqu'ici, toute l'émission est restée à peu près dans les rails.

Mea culpa : il a rendu ses costumes sur-mesure à 6500 euros (Pujadas n'en a pas donné le prix). Contre-attaque : il a dégainé une extravagante accusation de complot orchestré par Hollande (Pujadas n'a pas demandé de précisions). Victimisation : il a placé le nom de Bérégovoy (Pujadas n'a pas relevé le chantage au suicide). La conseillère Anne Meaux a bien travaillé. Mais voici l'invitée surprise : Angot, donc. "Bon. Vous vous êtes pas retiré. Vous êtes là". Elle prend son temps. "Vous savez que si vous êtes élu, on aura un président en qui une large partie de la population n'aura pas confiance". "SI vous êtes élu. Parce que vous savez qu'en cas de Fillion-Le Pen, beaucoup s'abstiendront".


A peine a-t-elle commencé, qu'on est déjà déchirés en deux. Celui qui jubile d'entendre enfin balancés à Fillon les mots que chacun a envie de lui balancer, tout son paquet, et sur le ton de colère idoine, le ton interdit à tous les Pujadas, tous les Thomas Legrand, tous ceux qui respectent, eux, la sacro-sainte règle du mi-chèvre mi-chou. Et celui qui tremble qu'elle le victimise aux yeux des hésitants, les fameux hésitants au coeur d'artichaut, qu'elle le transforme instantanément en martyr de cette gauche bobo que les fillonnistes savent si bien haïr, et qu'elle incarne au millimètre.

Elle commence soft. Les costumes. La Revue des deux mondes. Elle raconte une sombre histoire de tentative de corruption au bracelet exercée sur elle (elle a gardé le bracelet, elle le porte). Pujadas : "peut-être la réponse de François Fillon ?" "Non"."Pour que ce soit un dialogue !" "Mais c'est pas un dialogue. C'est pas un dialogue".Avantage Angot. On s'en fout, des "dialogues" de Pujadas. Pas de "dialogue" possible avec Fillon, tant qu'on ne lui a pas balancé tout son paquet, tout ce qu'on garde emmagasiné depuis bientôt deux mois, dans le rêve fou qu'il comprenne enfin.

Dopée par les réactions du public filloniste, elle pousse son avantage."Votre parole est malhonnête. Parce que vous savez ce que c'est le pompon dans cette histoire ? C'est le coup de Bérégovoy, que vous avez fait tout à l'heure ! Ça ça passe pas." Pujadas, machiavélique : "Pourquoi ?"Angot, crescendo :"Pourquoi ça passe pas ? Ma question, si j'en ai une, est la suivante : est-ce que vous faites un chantage au suicide ?" Huées d'indignation des fillonistes du plateau, sur le mode : là, trop c'est trop. Mais non, ce n'est pas trop.Bien sûr, que le "je pense souvent à Pierre Bérégovoy" était un pervers chantage au suicide. Appeler les choses par leur nom.

Si ça s'arrête là, le match est plié. Mais ça ne s'arrête pas là. Viennent ensuite les minutes de trop. Et la contre-attaque de Fillon."Le coiffeur de François Hollande, ça vous a pas choquée, naturellement ?" Elle encaisse. "Vous parliez de votre bracelet, moi j'ai rendu les costumes". Elle encaisse.Ce don qu'elle a, notre championne, de se tirer des balles dans le pied ! Cette histoire du bracelet, quelle idée. Et pourquoi lit-elle ses feuilles ? Lève la tête ! Regarde-le ! Tu es si bonne, en impro ! Fillon, pour finir : "on est deux sur ce plateau à être mis en examen" (tiens tiens ! Il était quand même sacrément bien préparé, pour avoir révisé sa fiche Angot. L'invitée surprise était-elle vraiment "surprise" ?)

Sept minutes seulement sont passées, mais la séquence a tué toute l'émission. Oublié même,l'autisme de Fillon face aux soignants épuisés d'une maison pour personnes âgées, qu'il veut ramener à 39 heures.Pujadas : "Christine Angot, vous avez quelque chose à ajouter ?" "Non c'est bon, là. Ça va. Ça ne m'intéresse pas". Grand geste de ras le bol. "Le pompon", "c'est pas un dialogue" "ça va" : c'est quand elle prononce des mots comme ça, quand elle tue le parler-télé à coups de mots de tous les jours, qu'on aurait envie de l'embrasser. "C'est à ça, que ça sert, la littérature, parce qu'on ne peut pas parler avec des gens comme vous." Mission accomplie. Pour le meilleur et le pire.

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