Euthanasie : ce que Anne Bert a (vraiment) dit
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Euthanasie : ce que Anne Bert a (vraiment) dit

Anne Bert est donc morte en Belgique, le 2 octobre, date qu'elle avait choisie.

Atteinte d'une maladie neuro-dégénérative, la maladie de Charcot, qui l'aurait paralysée et conduite à la mort à brève échéance, cette écrivaine a choisi l'euthanasie. Elle l'a expliqué dans Le dernier été, ouvrage publié cette semaine, et dont elle ne verra donc pas la parution.

Depuis la rentrée, et sachant qu'elle vivait ses dernières semaines, Anne Bert avait accordé plusieurs interviews, notamment le 6 septembre à Léa Salamé, sur France Inter, où je l'avais découverte. A l'annonce de sa mort, Salamé s'est d'ailleurs dite "bouleversée" par cette femme "admirable".

Sur les plateaux, c'est en effet la femme "admirable" que l'on a invitée, celle qui est capable de considérer sa mort en face, celle qui regarde sans émotion fleurir ses derniers lilas. Je ne sais pas si Anne Bert était "admirable". Ce que disent ses écrits, c'est qu'elle était en guerre. Anne Bert est morte en guerrière. En guerrière furieuse contre l'hypocrisie de la loi française. Et disons les choses : contre l'emprise du religieux catholique sur le législateur français, comme elle l'écrit dans sa lettre d'adieu, publiée le week-end dernier par le JDD.

"Refusez le joug religieux qui entend soumettre tous les français à la crainte de la loi de dieu, n’acceptez pas plus que des médecins refusent de vous rendre le pouvoir qu’ils détiennent sur la fin de votre existence (...) Non, la loi française n’assure pas au malade son autodétermination et elle n’est pas garante d’équité. Chaque équipe médicale agit, in fine, selon ses propres convictions et non selon les vôtres (...) Non, la sédation profonde et censée être continue ne l’est pas, car fréquemment le médecin réveille l’agonisant pour lui redemander s’il persiste dans son choix, ce qui est contraire à la loi Leonetti".

La fin de vie, en France, est régie par la loi Claeys-Leonetti. Adoptée, en 2015, cette loi n'autorise pas l'euthanasie, mais y substitue "la sédation profonde et continue". De quoi s'agit-il ? Les médecins peuvent accéder à la demande du malade, de l'endormir, de suspendre ses traitements, ainsi que sa nutrition et son hydratation, jusqu'à la mort. Ils le peuvent, mais conservent de fait la décision finale.

A priori, quand on n'est pas au fait de ces choses, on se dit "finalement, le résultat est le même". Pourquoi donc Anne Bert est-elle partie mourir en Belgique ? Or, ce n'est pas du tout la même chose. En plongeant dans les rares articles explicites sur la loi Claeys-Leonetti, on apprend par exemple dans cette enquête de FranceTV que le processus de "sédation profonde et continue" peut durer jusqu'à... cinq jours. Cinq jours sans que le malade soit nourri ni hydraté. Avec "des signes de déshydratation qui se voient sur le visage", au risque de "choquer les proches", selon un député socialiste (anonyme) pour qui ce sont "des jours abominables".

Pour obscurcir encore le débat médiatique, les experts sollicités ne sont pas toujours complètement présentés. Ainsi, le docteur Marie-Sylvie Richard, seulement présentée dans l'article cité ci-dessus comme "docteure en éthique médicale" et "responsable de la maison de soins palliatifs Jeanne Garnier", est membre de la communauté catholique des Xavières, laquelle gère la maison Jeanne Garnier, sous l'autorité du diocèse de Paris. Pourquoi ne pas le préciser ? Tout se passe comme si les médias n'abordaient le débat sur l'euthanasie qu'à voix basse, comme on chuchote dans la chambre d'un mourant. C'est pourtant une question idéologico-politique qui mérite autant que d'autres que l'on parle clair. Ce que Anne Bert aura tenté de crier, sans grand succès.

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