Ecriture inclusive : panique quai conti !
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Ecriture inclusive : panique quai conti !

"Péril mortel pour la langue française".

Rien que ça. Comme elle y va, tout de même, l'Académie, contre l'écriture inclusive. N'empêche qu'il faut bien l'écouter. Elle connait le poids des mots, par définition. Ce que révèle son communiqué, c'est la panique. Pensez donc. L'écriture inclusive a atteint le mois dernier un manuel scolaire, avec des phrases comme « grâce aux agriculteur.rice.s, aux artisan.e.s et aux commerçant.e.s, la Gaule était un pays riche ». Tant qu'elle en restait là, avec les commerçant.e.s gaulois.e.s, on pouvait rire, en pensant à Ielosubmarine, la femme du marchand de poisson du village d'Astérix. Mais elle se déploie depuis la rentrée sur les réseaux sociaux. La vague monte quai Conti. Tou.te.s dans la Coupole ! Tout en haut !

Une parenthèse à ce stade. Tel que vous me voyez, je viens de passer un quart d'heure à tenter de trouver le "point milieu" sur mon clavier. Vous savez, le fameux "point milieu", qui affole tellement Finkielkraut et les camarades de sa secte. Il paraît qu'il faut faire Alt + 0183, mais, matinaute embrumé, je ne suis arrivé à rien. L'heure pressant, cher.ère.s lecteur.trice.s, ce sera donc, pour aujourd'hui, le point du bas. L'inclusion est un combat. Fin de la parenthèse.

Si je parle de Finkielkraut, ce n'est pas par hasard. Ce "péril mortel", ça sent tout de même son Finkielkraut. Il les a tous maraboutés, ou quoi ? Franchement, l'hommage rendu cet été par les Immortel.le.s à "notre confrère Simone Veil", qu'était-ce, sinon une provoc de groupuscule radicalisé ? Un pied de nez de vieux mômes dans leur cour de récré. Gnagnagna, vous allez voir ce que vous allez voir. Je ne dois pas être le seul à le penser. Si L'Obs, par exemple, a choisi cette photo pour illustrer son article, ce n'est peut-être pas par hasard.

Ainsi, quelques féministes sur Twitter, et les Editions Hatier, suffiraient à faire paniquer l'Académie ? Il faut croire que oui. Car l'inondation de l'écriture inclusive est portée par le tsunami Weinstein. Quel rapport ? Celui-ci. Tous les hommes un peu réveillés, ces jours-ci, sont en train de rembobiner le film de leur vie d'homme. De tenter de comprendre comment ils ont pu si longtemps prêter la main, être complices, et dans le meilleur des cas rester indifférents, trouver anecdotiques, tolérables, des comportements masculins qui provoquaient tant de souffrance. Comment ils ont pu rester prisonniers de phrases comme : "de toutes manières, les actrices ont toujours dû coucher pour décrocher les rôles". Ou bien : "quand elles disent non, ça veut dire oui".

Ce genre de phrases, on est en train de réaliser qu'on nous les a mises dans la tête. On n'est pas né.e.s. avec. Combien sommes-nous, à réaliser en ce moment que nous avons été prisonniers de notre regard d'hommes, et d'une vaste narration collective exclusivement construite par les hommes ? En prendre conscience, c'est déjà s'émanciper de cette narration. Et si nous avons été si longtemps prisonniers, alors pourquoi ne pas admettre l'hypothèse que nous le soyons encore aujourd'hui ? Un seul exemple : j'entends ce matin à France Culture qu'il existe, à l'Assemblée Nationale, un "référent harcèlement". Et qu'il (elle ?) refuse toute interview. Oui, nous ne rêvons pas. Aujourd'hui.

Or une narration, ça se déconstruit (c'est même notre spécialité, ici). On s'en détache. Tiens, c'est comme de récupérer un vieux rouleau de scotch. Le plus dur, c'est de détacher le premier coin. Ensuite, ça vient tout seul. La mainmise de l'Académie sur la langue, c'est la même chose. La règle "le masculin l'emporte sur le féminin" n'est ni une loi divine, ni une loi naturelle. C'est une grande fiction collective, avec des auteurs bien repérés, que de plus compétent.e.s que moi ont parfaitement identifiés. Elle peut très facilement se détacher, comme une vieille peau. L'Académie ne le sait peut-être pas, mais elle l'a senti.

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