Barbarin et Libé : une occasion manquée
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Barbarin et Libé : une occasion manquée

Sauver Barbarin par tous les moyens. Jeune journaliste-tweeteuse au Figaro et ex-activiste pro-Manif pour tous

, Eugénie Bastié (notre interview d'elle est ici) trouve un argument inattendu en défense du cardinal dans la tourmente pédophile. Reproduisant la Une de Libé (très jolie Une, bien trouvée) elle la renvoie, d'un tweet, à la face du journal :

Pourquoi "à géométrie variable" ? Attention, décodage nécessaire. Dans un autre tweet, Bastié renvoie à cette tribune libre publiée par Libé en 1979. Présenté comme un éducateur victime d'une campagne diffamatoire de Minute, un nommé Jacques Dugué, inculpé pour proxénétisme, y livre sa conception de la pédophilie, et de la sodomisation des enfants par les adultes. De ce texte, la phrase qui sera, par la suite, le plus souvent reprise dans les réquisitoires anti-Libé, anti Mai 68, anti-il est interdit d'interdire, est celle-ci : "un enfant qui aime un adulte (...) aime ressentir dans son corps le membre viril de celui qu'il aime, être uni à lui par la chair".

Mettons à part l'ironie de cette parade : pour défendre l'Eglise en 2016, une jeune catho s'abrite derrière les papys libertaires des années 70. Mettons à part cette différence fondamentale, qui invalide la comparaison de Bastié : Dugué, et les journalistes qui le soutenaient, assumaient en plein jour. Ils revendiquaient. Ils théorisaient, quand l'Eglise de 2016 n'est que honte et embarras. Mettons tout ceci à part, et regardons en face ce texte de Dugué, publié en 1979 par Libé avec, oui, une sympathie manifeste. Oui, Libé a publié ce texte, de même que Le Monde a publié des pétitions de soutien à des inculpés dans d'autres affaires de pédophilie. Non, ces textes ne choquaient pas particulièrement. Arrivant à l'époque, à peine post-ado, dans ce biotope largement incompréhensible qu'était la rédaction du Monde, y arrivant alors que les cendres des débats des années 70 fumaient encore, mais n'étaient plus que cendres, je les découvrais comme des opinions parmi d'autres, pas obligatoires, mais au moins défendables. Défendues (notamment) par le conseiller spécial du directeur Jacques Fauvet, le chroniqueur Philippe Boucher, mais ardemment combattues par les cathos du journal, elles étaient considérées comme discutables, mais légitimes. En tout cas, elles ne valaient pas enfer, ni excommunication.

Si l'on ne peut aujourd'hui, en 2016, les relire sans vertige, c'est sur ce vertige, qu'il faudrait s'interroger. Oui, dans une même vie, on aura connu ces deux époques. Non, plutôt que de choisir une époque contre l'autre, un camp contre l'autre, un bloc de certitudes contre l'autre, ce qui serait si simple, on aurait plutôt envie de comprendre comment basculent les évidences, sans qu'on s'en aperçoive. Oui, ce rappel est utile, il est un des éléments qui aident à comprendre la gêne de ce qu'il reste aujourd'hui de la "génération 68", dès que l'on prononce le mot pédophilie. Quant à Libé, disons que le "Libé des écrivains" d'aujourd'hui, en esquivant l'introspection vertigineuse que commandait le sujet, a raté une belle occasion.

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