De Mayotte à la République
Le matinaute
Le matinaute
chronique

De Mayotte à la République

Tiens, Mayotte, au journal de 8 heures de France Inter. Pourquoi Mayotte ? Parce que des voitures y ont été caillassées.

Plusieurs voitures. A la vérité, l'île est en grève générale depuis quinze jours, mais le journal de 8 heures de France Inter n'y avait pas prêté attention. Pas davantage que tous les autres medias métropolitains, comme nous le remarquions au même moment -pour être justes, il a fallu ces quelques caillassages pour que nous aussi nous émouvions du silence de nos confrères sur la grève générale à Mayotte. La leçon est claire : si vous voulez avoir l'oreille du gouvernement français, chers grévistes mahorais, ne vous contentez pas de revendiquer "l'égalité réelle", ou le retrait du projet El Khomri, caillassez donc !

Beaucoup moins de journalistes que la veille, mardi soir, à la République, où je suis retourné me promener. Beaucoup moins de CRS, aussi. Pas une seule camionnette de CRS. Disparus, les CRS. Envolés. C'était un mauvais rêve. Comprendra qui pourra. Jours pairs, jours impairs ? Existe-t-il un rapport arithmétique entre le nombre de CRS et celui de journalistes ? "C'est curieux, quand même, qu'il n'y ait plus de journalistes", me dit un jeune Nuitauboutiste, qui regardait Arrêt sur images à la télé, sur France 5, mais ne savait pas qu'elle avait migré sur Internet. "C'est une bonne chose, ou non ?" La question est sincère. Il se la pose vraiment. Il faudrait tout reprendre à zéro. Lui expliquer que dans cette obsession médiatique pour la violence visible, il y a de bonnes et de mauvaises raisons. Les mauvaises ? L'anxiogène fait vendre. Les bonnes ? Ce sont les points de crise, toujours, qui révèlent les rapports de force et les tensions d'une société.

Est-ce à dire que Nuit debout a raison de casser des vitrines de banques à proximité de la République ? Casser des vitrines ou planter un potager, quelle est l'action la plus efficace ? On pourrait en débattre des jours entiers. Tout dépend de l'objectif fixé, tout dépend s'il s'agit de "leur faire peur", ou de construire "un espace préfiguratif", comme dit l'anthropologue David Graeber. Préfiguratif ? Oui, d'autre chose. D'autres modes de production, d'autres rapports humains et politiques, d'une toute autre société. Et encore. Même s'il s'agit de "leur faire peur", la chose se discute. Casser des vitrines leur fait peur, c'est indiscutable. Mais c'est une peur que connaissent intimement, dans leurs gènes, depuis toujours, tous les possédants. Contre laquelle ils ont des techniques pavloviennes de rétorsion. Ils enverront la police. Peut-être retireront-ils le projet El Khomri. Que le gouvernement suivant re-présentera l'année suivante, le même ou pire. Tandis que le potager, ils n'y comprennent rien. Ils tournent autour en ricanant, ils se demandent si c'est du cerfeuil ou de la ciboulette. Mais écoutons bien ces ricanements. N'est-ce pas une peur, qu'ils masquent ? Pas la même peur, certes. Une inquiétude sourde, vague, informulée. N'est-elle pas, au total, plus déstabilisatrice ? Ce n'est qu'une intuition, n'est-ce pas. Je suis prêt à la discuter.

Partager cet article Commenter

 

Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.

Déjà abonné.e ?

Lire aussi

Comment un média indé peut-il sortir des normes du secteur ?

"Invendable" et "La Disparition" proposent d'autres journalismes

Les légumes secs n'ont pas les faveurs des médias

Bons pour la santé et le climat, ils restent perdants face à la viande, aux produits laitiers ou aux céréales

Voir aussi

Ne pas manquer

DÉCOUVRIR NOS FORMULES D'ABONNEMENT SANS ENGAGEMENT

(Conditions générales d'utilisation et de vente)
Pourquoi s'abonner ?
  • Accès illimité à tous nos articles, chroniques et émissions
  • Téléchargement des émissions en MP3 ou MP4
  • Partage d'un contenu à ses proches gratuitement chaque semaine
  • Vote pour choisir les contenus en accès gratuit chaque jeudi
  • Sans engagement
Devenir
Asinaute

5 € / mois
ou 50 € / an

Je m'abonne
Asinaute
Généreux

10 € / mois
ou 100 € / an

Je m'abonne
Asinaute
en galère

2 € / mois
ou 22 € / an

Je m'abonne
Abonnement
« cadeau »


50 € / an

J'offre ASI

Professionnels et collectivités, retrouvez vos offres dédiées ici

Abonnez-vous

En vous abonnant, vous contribuez à une information sur les médias indépendante et sans pub.