Cinéma / sexe : censure renforcée ou assouplie ?
Brève

Cinéma / sexe : censure renforcée ou assouplie ?

Censure ou assouplissement ? La ministre de la Culture Audrey Azoulay doit modifier par décret début février les critères d'interdiction aux mineurs de films comportant des scènes de sexe et de violence. Un nouveau décret qui divise : si le journaliste du site de BFM, Jamal Henni, y voit un assouplissement de l'ancien décret, une tribune dans Libération dénonce des critères flous, qui pourraient pousser à plus de censure.

Vers plus ou moins de censure de films pour les mineurs ? La ministre de la Culture Audrey Azoulay devrait publier début février un nouveau décret. Ce décret devrait modifier les règles d'interdiction aux mineurs de films comportant des scènes de sexe et de violence.

Un nouveau décret qui laisse libre cours à des interprétations contradictoires. Ainsi, le 17 janvier, Libération publiait une tribune du réalisateur et ancien membre de la Commission de classification des films, Hervé Bérard. Une tribune incendiaire intitulée "Censure au cinéma : pas de clap de fin". Bérard y dénonce une "infantilisation du spectateur" à travers ce nouveau décret, qui doit remplacer un texte de 2003.

Tribune de Libération, 17 janvier 2017

Que dit le décret de 2003 ? Jusqu'à présent, doivent être interdits aux mineurs (avec une classification "-18"), les films qui comportent "des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence". Le nouveau décret, lui, viserait à interdire aux moins de 18 ans les films comportant des "scènes de sexe ou de grande violence de nature, en particulier par leur accumulation, malgré le parti pris esthétique ou le procédé narratif, à troubler gravement la sensibilité des mineurs, à présenter la violence sous un jour favorable ou à la banaliser", cite Bérard.

Qu'est-ce que ce nouveau décret va changer, selon le réalisateur ? Il va, affirme-t-il, tout simplement étendre la censure: "Désormais, sous la pression des ministères de la Justice et de la Famille, les classificateurs seront tenus de juger [...] en ignorant la volonté artistique de l’auteur pour ne retenir d’un film que les scènes de sexe ou de violence, et les juger d’une façon crue et détachée." Et Bérard de dénoncer les "critères tendancieux" et largement subjectif de formulations comme "sensibilité des mineurs" ou encore "présenter la violence sous un jour favorable".

Un assouplissement des règles ?

A cette vision catastrophiste s'oppose une interprétation opposée du journaliste Jamal Henni, sur le site de BFM Business. Il publie ce 19 janvier un article intitulé "Cinéma : le sexe non simulé n'entraînera plus une interdiction aux mineurs". Et Henni d'évoquer la décision de la ministre de la Culture Azoulay "d'assouplir le régime de classification des films". Des formulations qui laissent à penser que davantage de films pourraient à l'avenir être accessibles aux mineurs, contrairement aux craintes de Bérard.

Article de Jamal Henni, BFM Business,
19 janvier 2017

Citant le ministère de la Culture, Henni explique que le nouveau décret vise à interdire aux mineurs les films "comportant de scènes de sexe ou de violence de nature à heurter gravement la sensibilité des mineurs". Ce décret fait donc disparaître le critère de "scènes de sexe non simulées" présent dans l'ancien décret, insiste Henni.

En effet, ce critère était obsolète, estime un rapport du président de la commission de classification des films, Jean-François Mary, cité par Henni : "Le critère de la «non-simulation» a évidemment perdu son intérêt au cours des récentes années. Une scène peut être tout à fait explicite à l'écran tout en ayant été simulée lors du tournage". Le rapport critiquait le "choix binaire" qu'imposait la formulation (scène simulée ou non). Ainsi, le nouveau décret supprime "l'automaticité" d'une interdiction aux mineurs en cas de scène de sexe non simulée, note Henni. Qui n'évoque cependant pas le flou induit par les nouveaux critères.

Alors, meilleurs ou pire, le nouveau décret ? Difficile de tirer des conclusions sur un texte qui n'a pas encore été publié, et encore moins mis en application. Mais Bérard, comme Henni, s'accordent sur un point : ce décret intervient dans une situation tendue pour l'accord des visas d'exploitation. Depuis plusieurs années, l'association catholique traditionaliste "Promouvoir" mène un combat juridique acharné pour faire interdire certains films au moins de 16 et moins de 18 ans.

En 2015, l'association avait obtenu que La Vie d'Adèle soit interdit aux moins de 16 ans et non plus aux moins de 12 ans. Décision depuis retoquée par le Conseil d’État en 2016. Dernier coup d'éclat en date : le 13 janvier dernier, le Conseil d’État a donné raison à Promouvoir dans son combat pour faire interdire aux moins de 18 ans le film de Lars Von Trier Antichrist.

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