Après avoir reproché à Hillary Clinton sa "soumission aux lobbies sionistes" américains, Jean-Frédéric Poisson se défend en invoquant... les médias américains. Dans une interview sur une double page, parue dans l'édition papier de Nice Matin du mercredi 19 octobre, le candidat à la primaire de la droite et du centre était interrogé sur les élections américaines : "Si vous étiez citoyen américain, voteriez-vous pour Clinton?" lui ont demandé les journalistes. Réponse du président du Parti Chrétien-Démocrate (PCD) : "Je serais très ennuyé ! Je considérerais que Mme Clinton est la pire des candidates démocrates et que les deux mandats d'Obama sont une catastrophe. Mais je suis français, pas américain, et la proximité de Mme Clinton avec les super-financiers de Wall Street et sa soumission aux lobbies sionistes sont dangereuses pour l'Europe et la France."

Extrait de l'interview de Jean-Frédéric Poisson
(édition papier de Nice Matin, 19 octobre 2016)

La phrase a fait réagir notamment le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). Dans un communiqué, celui-ci a demandé une "sanction exemplaire" de la part de la commission d'organisation de la primaire de la droite et du centre. "Au-delà de leur caractère insidieusement antisémite, ces propos relèvent des thèses conspirationnistes", reproche le CRIF. Et les réactions ne se sont pas faites attendre non plus au niveau politique: Nathalie Kosciusko-Morizet a par exemple annoncé avoir saisi la Haute Autorité de la primaire de la droite et du centre pour qu'elle statue sur la candidature de Poisson. Thierry Solère, le directeur de la commission d'organisation de la primaire, a fait savoir à Franceinfo jeudi qu'il "condamne avec la plus grande force", à titre personnel, les propos de Poisson et a annoncé que la question serait examinée le 26 octobre.

Des propos des médias français et américains ?

En réponse, Poisson a notamment envoyé un courrier au CRIF, dans lequel il dit "regrette[r] que [s]es propos aient pu [les] blesser ou causer des craintes ou des doutes dans [leur] esprit". Il affirme "condamne[r] avec la dernière énergie toute forme d'antisémitisme". Avant de se défendre : "Le soutien des géants de la finance américaine à Madame Clinton n'est pas une nouveauté", ajoute-t-il. "L'existence de groupes de pression sionistes à Washington non plus : il y a profusion d'informations disponibles sur cette question, des plus tendancieuses (comme par exemple celles qui sont publiées par les musulmans radicaux) aux plus factuelles". Un argument que Poisson reprend sur son site internet : "Ma réponse relayait simplement ce que la presse spécialisée a écrit elle-même, en particulier à propos du discours du 16 mars 2016 de Hillary Clinton devant l'AIPAC [American Israel Public Affairs Committee, ndlr]. Et ce que les sites d'information, en France comme aux États-Unis, ont publié."

Qu'ont publié les médias sur l'AIPAC ? Le groupe se présente bien comme un "lobby pro-Israël", une appellation reprise dans les médias français (Médiapart, Le Monde ou encore Le Figaro), comme américains (à l'exemple du Wall Street Journal ou de NBC News). Aucun mystère donc sur le fait que l'AIPAC soit un lobby. Idem, sur la proximité de Clinton avec les marchés financiers, la question a été largement traitée par les médias américains (suite notamment à la publication par Wikileaks des mails de son directeur de campagne, dont @si vous parlait ici).

Article du Monde, 5 mars 2014

Si le statut de lobby de l'AIPAC semble admis, impossible en revanche de trouver le terme "sioniste" dans les articles de grands médias américains (New York Times, Washington Post, Wall Street Journal, Fox News, NBC News) qui traitent du discours de Clinton devant l'AIPAC dont parle Poisson. Et en France ? Quasiment pas. Dans un article d'octobre 2016, le magazine Jeune Afrique qualifiait quand même l'AIPAC de "lobby sioniste". Mais le terme le plus choquant de l'interview de Poisson est sans doute celui de "soumission", que ne reprend pour son compte aucun media américain.