Aylan Kurdi, 3 ans
Brève

Aylan Kurdi, 3 ans

Ses petites semelles, son T shirt rouge, son short bleu.

Un petit corps sur une plage. Toute la presse britannique publie à la Une la photo de Aylan Kurdi, 3 ans, échoué sur une plage de Bodrum, en Turquie, après une traversée ratée vers l'île grecque de Kos, distante de seulement 3 miles.

Devant ce corps échoué, le nez dans la vaguelette, un policier turc immobile. Pourquoi est-il immobile ? Impuissance désolée, ou passivité indifférente ? On ne sait pas. On ne saura jamais. Il est de dos. Peut-être pleure-t-il, le grand gaillard. Peut-être attend-il des consignes. Peut-être est-il en train d'enfiler ses gants. La photo est cadrée en plan serré sur les deux personnages, on ne voit ni les autres policiers, ni les photographes, ni les autres corps, rien de toute l'effervescence qui, on l'imagine, entoure la scène.

L'instant d'après, sur une autre photo, le policier s'est saisi du petit corps et, délicatement, comme s'il était seulement endormi, le transporte sans doute vers une morgue.

Autant cette seconde photo est acceptable selon les critères de la presse (il y a une intervention humaine, les autorités remplissent leur rôle, même si ce rôle est dérisoire) autant la publication de la première est inhabituelle. Un corps mort d'enfant blanc : ces photos sont fréquentes (par exemple lors des bombardements sur les villes de l'Est de l'Ukraine), mais les journaux ne les publient pas. Cette fois, si certains journaux ont classiquement choisi la seconde, d'autres ont osé la première, ça se partage à peu près cinquante cinquante. L'impuissance immobile, contre l'impuissance en mouvement.

En Europe, seule la presse française n'a pas accueilli Aylan à la Une. La Bild allemande, lancée depuis quelques jours dans une grande campagne d'aide aux migrants, comme toute la presse allemande, en fait sa dernière page. Même le Daily Mail, habitué aux Unes anti-migrants, publie la photo. Ce qui ne l'empêchera sans doute pas, demain, la semaine prochaine, de publier d'autres Unes contre les millions de livres, que coûte au contribuable l'aide sociale aux oncles de Aylan.

Ce consensus matinal sur Twitter, dans les revues de presse radiophoniques : c'est la photo qui va faire bouger les consciences. Pourquoi celle-ci ? Des dizaines, des centaines d'enfants comme Aylan se sont noyés ces derniers mois en Mediterrannée. Mais Aylan s'est peut-être noyé au bon moment. Au moment où la banquise européenne commence à craquer, où dans les discours politiques le mot réfugié l'emporte sur le mot migrants, où Angela Merkel vient de décider de ne plus renvoyer d'Allemagne les réfugiés syriens. Aylan s'est endormi au bon moment et au bon endroit comme le résume, plus efficace que tous les discours, le photomontage d'un internaute.

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