Le bidonneur, cet "artisan consciencieux" (Obs)
Brève

Le bidonneur, cet "artisan consciencieux" (Obs)

Hommage à un grand reporter.

Le Nouvel Observateur, dans une double page, salue la mémoire d'un de ses anciens journalistes, François Caviglioli, décédé à l'âge de 77 ans. Comme dans toute nécrologie, l'Obs souligne les qualités du disparu. Caviglioli ? C'est une écriture toujours concise pour "ne pas lasser. Ne pas peser. C'était une exigence, une politesse faite au lecteur : une éthique de l'écriture. Sa déontologie à lui", écrit l'hebdomadaire. En clair, "on entamait un papier de Cavi en se régalant par avance. On l'achevait en regrettant que ce soit déjà fini". S'ensuivent des extraits de ces papiers et une succession de superlatifs ("le plus délicieux des hommes", "intelligence aiguë", "liberté de ton", "curieux de tout", etc.).

Ce n'est qu'en fin d'article que l'Obs précise une autre caractéristique du disparu, rarement perçue comme une qualité pour un journaliste : il bidonnait. Caractéristique évoquée en termes feutrés par l'hebdo : "Journaliste et écrivain, dit sa notice wikipedia. Journaliste-écrivain serait plus juste. Pour lui, c'était un tout. C'est l'occasion d'évoquer ici la rumeur selon laquelle François Caviglioli n'aurait toujours pas eu, comment dire..., la religion de l'exactitude que l'on est supposé enseigner dans les écoles de journalisme. Il a pu lui arriver, pour le plaisir d'un bon mot, de s'éloigner quelque peu de la... stricte véracité des faits. Lui en faisait-on la remarque qu'il s'empressait de rayer et de remplacer par une autre formule, aussi bien troussée. Cavi n'était pas contrariant". A lire la suite, le bidonnage est presque une qualité : "Sur le bidonnage, Cavi avait un point de vue très personnel. Dans un article à sa manière, ironique et subtil, et tout à fait bidonnant ("Alors, du saignant, coco...", novembre 1987), il vantait les mérites de cet art injustement décrié consistant à arranger les faits pour les rendre plus intéressants, plus authentiques, "plus vrais que la vie", comme Godard l'a dit au cinéma. Vu sous cet angle, le bidonneur n'est pas un fumiste, c'est un artisan consciencieux qui veille à ce que le public en ait pour son argent".

Dans le milieu journalistique, Caviglioli était effectivement réputé pour cette tendance à bidonner certains de ses articles. Mais concrètement, que faisait-il ? Pour en avoir une idée, il fallait lire l'autre hommage, celui du chroniqueur Delfeil de Ton, publié sur le site du Nouvel Obs. Quand il était au journal Combat, Caviglioli écrivait sous pseudo. Pourquoi ? Parce qu'il faisait des reportages... sans se déplacer. "Il signait Cardosa parce que comme il ne bougeait pas de Paris, les gens n’auraient pas compris comment il avait pu être à Perpignan ou à Saint-Brieuc, alors qu’ils l’avaient croisé la veille sur le boulevard Montparnasse, explique le chroniqueur. Il ne bougeait pas de Paris, parce que couvrir un voyage de De Gaulle, c’était trop cher pour «Combat»".

François Caviglioli était le père de David Caviglioli, lui aussi journaliste au Nouvel Obs, récemment mis en cause par l'écrivain Eddy Bellegueule, qui lui reproche des erreurs factuelles dans une enquête à son sujet (voir notre enquête sur "Eddy Bellegueule" et la polémique entre l'auteur et le journaliste). David Caviglioli a répondu dans un article publié sur le site du Nouvel Obs.

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