La une de Libération de ce jour nous présente un morceau de schiste…

…flottant dans un ciel bleu d'azur. Il s'agit d'une citation de Magritte :

…Le château des Pyrénées, peint en 1961. Un immense rocher qui flotte. Chez Magritte, les inversions de ce genre sont monnaie courante : ce qui est lourd devient léger, ce qui est petit devient gigantesque, ce qui est gazeux devient solide, etc. Le Belge, qui aimait répéter à l'envi ses trouvailles, peindra en 1964 un tableau similaire, La flèche de Zénon :

L'idée du château des Pyrénées sera reprise en 1986 par Miyazaki pour son Château dans le ciel (mais on verra plus bas que le scénario a d'autres sources) :

Ici, le château est emprunté à la tour de Babel de Bruegel :

La tour de Babel par Pieter Bruegel l'Ancien, 1563

Mais l'invention de Magritte n'en était pas vraiment une puisqu'en 1928, M.C. Escher gravait sur bois un Château en Espagne :

Escher était-il vraiment l'inventeur de ce château flottant ? Que nenni ! Peut-être avait-il lu les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, qui datent de 1726. Et plus précisément la troisième partie intitulée Voyage à Laputa, aux Balnibarbes, àGlubbdubdrib, à Luggnagg et au Japon dans laquelle on trouve une île flottante. L'illustration ci-dessous, réalisée parpar Edwin John Prittie pour une édition amerlocaine des Voyages, date de 1930 :

À noter que le Château dans le ciel de Miyazaki est une adaptation libre et revendiquée de cette partie du livre de Swift, dans laquelle ne figure, promis-juré, aucun morceau de schiste solide ou gazeux.

Quant à ceux évoqués par Libération, le mieux est de lire d'urgence cette enquête d'@si.

C'est aussi l'occasion de lire ma chronique intitulée Le bateau ivre, où il est question de nuages magrittiens.