Prison : documentaire interdit de diffusion
Le documentaire "le Déménagement" ne passera pas sur France 3. L'administration pénitentiare le refuse. Le film de Catherine Rechard raconte l'histoire des détenus de l'ancienne prison Jacques Cartier de Rennes. Fin mars 2010, la prison a fermé, et les personnes incarcérées ont été transférées dans une nouvelle prison à Vézin-le-Coquet dans l'Ile-et-Vilaine (35). Les détenus témoignent dans le film à visage découvert, comme la loi pénitentiaire le permet depuis novembre 2009.
Mais pour les autorités, cela ne passe pas. Le producteur Franck Delaunay, contacté par l'AFP, détaille leur position: "L'administration pénitentiaire a écrit mi-février: on nous autorise à diffuser dans les salles, dans les festivals mais on nous a demandé de maintenir l'anonymat physique et patronymique des personnes détenues pour la diffusion sur France 3."
La loi pénitentiaire, votée en novembre 2009, a pourtant donné la liberté aux détenus de témoigner, même à visage découvert. L'article 41 spécifie: "Pour les prévenus, la diffusion et l'utilisation de leur image ou de leur voix sont autorisées par l'autorité judiciaire", à condition que "les personnes détenues [consentent] par écrit à la diffusion ou à l'utilisation de leur image ou de leur voix lorsque cette diffusion ou cette utilisation est de nature à permettre leur identification". Mais la loi donne aussi le pouvoir de décision final à l'administration, "dès lors que cette diffusion ou cette utilisation est de nature à permettre son identification et que cette restriction s'avère nécessaire à la sauvegarde de l'ordre public, à la prévention des infractions, à la protection des droits des victimes ou de ceux des tiers ainsi qu'à la réinsertion de la personne concernée."
Le documentaire a été diffusé en avril dans le festival des Champs-Libres à Rennes, et dans une prison rennoise. Aujourd'hui, pour protester contre la "censure", la réalisatrice et les producteurs organisent une projection à Paris, à la Société civile des auteurs multimédia (Scam).
La diffusion sur France 3 aurait pu avoir lieu si les visages étaient floutés et les voix changées. Mais la réalisatrice refuse tout compromis dans une lettre ouverte qu'elle adresse au ministre de la Justice Michel Mercier: "Avez-vous le souvenir d’avoir déjà croisé le regard d’un prisonnier? Dans un journal ? À la télévision…? Dans notre société de l’image, les hommes et les femmes emprisonnés sont des personnes sans visages. Car 30 ans après l’abolition de la peine de mort, on coupe encore de manière symbolique les têtes des condamnés." Elle conclut: "Nous souhaitons que l’administration pénitentiaire (...) permette que les détenus dont elle a la charge retrouvent un visage."
(Par Aziz Oguz)
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