Tableaux de bord et âme humaine
Brève

Tableaux de bord et âme humaine

Une sorte de grand remplacement télévisé : en un instant, les spécialistes de l'âme humaine

remplacèrent sur les plateaux de l'info continue ceux de la sécurité aérienne. L'instant d'avant, on parlait cockpits, trajectoires, météo, on calculait en milliers de pieds, on faisait du rase-mottes sur les tableaux de bord. Dès que le procureur de Marseille eût raconté dans le détail, dans une conférence de presse-happening assez inédite dans les annales de la communication judiciaire, l'acte fou du copilote de l'A320 Andreas Lubitz, confirmant les fuites dans la presse le matin même, le Suicide s'installa en maître sur les plateaux, avec sa longue traine d'éternelles questions sans réponses. "Professeur Machin, vous êtes chef du service psychiatrique de l'hôpital Bidule, est-il fréquent qu'un suicidaire entraîne avec lui cent cinquante personnes ?"

Les deux catégories de spécialistes, psychiatres et pilotes retraités, se croisèrent-elles au maquillage ? Sciences dures et sciences molles échangèrent-elles des considérations croisées sur les pathologies mentales spécifiques des pilotes ? Ont-elles seulement un langage commun ? Dans les explications embarrassées des compagnies aériennes, depuis hier, sur la difficulté de déceler la tendance dépressive chez un aspirant pilote, on croit bien deviner que non. Chacun son sillon. Chacun son couloir.

Mais l'histoire n'est pas finie. Car la boîte noire ne dit pas tout. Si elle a capté la respiration de Lubitz jusqu'au bout, elle ne nous dit rien sur son cheminement mental dans les dernières minutes. Fallait-il se livrer, si vite, à tant d'extrapolations ? Les piques à répétition lancées par le procureur, dans sa conférence de presse, contre le Bureau d'Enquêtes et d'Analyses (BEA), qui n'a pas informé assez vite la Justice des résultats de l'écoute de la boîte noire, laissent deviner une féroce bataille en coulisses, entre défenseurs du secret de l'enquête, et ceux de la transparence immédiate. A l'instant où écrit le matinaute, un syndicat de pilotes, le SNPL, vient d'annoncer son intention de porter plainte contre X pour violation du secret professionnel. Etrange plainte, a priori. Entre le risque de la surinformation sur le dossier médical de Lubitz (voir comment Bild, depuis hier, multiplie les révélations sur ses lourds antécédents dépressifs non décelés par la Lufthansa), et celui de la sous-information, quel est le plus considérable ? Ne tranchons pas trop vite.

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