Radio France : l'orchestre et les top models
Brève

Radio France : l'orchestre et les top models

"Vous gagnez combien ? Donnez votre salaire !" Une salariée hélant la n°2 de Radio France à propos de sa paie, ou un musicien racontant comment l'Orchestre national subit la politique de locations de salles et studios à des entreprises extérieures : autant d'instantanés de la grève à Radio France que l'on peut entendre, commentés par deux sociologues du travail, dans un document sonore de cinquante minutes diffusé sur SoundCloud par des grévistes.

La grande "rue" qui traverse de bout en bout la Maison de la Radio

De sa voix assurée, la directrice générale déléguée de Radio France Catherine Sueur avance ses arguments : "crise des finances publiques", situation "compliquée pour tout le monde",... Une salariée l'interpelle, rompant le flot du discours bien rôdé : "Vous avez fait des choix, c'est votre boulot, vous êtes payée assez cher pour ça... Donnez votre salaire, tiens ! Non mais si, pourquoi pas, après tout, merde !" C'est l'un des extraits sonores issus d'assemblées générales des grévistes de Radio France compilés par le collectif "Le Meilleur des Ondes" et commentés par les sociologues du travail Vincent de Gaulejac et Danièle Linhart :

Ce document sonore de cinquante minute donne à entendre les "petites mains" de Radio France. Y est raconté le sentiment d'humiliation des employés de sécurité à qui on a retiré leur poste de travail, et ont été contraints de travailler debout, "plantés devant les portiques"– jusqu'à ce qu'ils obtiennent de haute lutte quelques chaises où s'asseoir. On y entend également l'inquiétude de cette employée du service du courrier, qui relève que la direction cible "les petits" : le personnel de sécurité, les plombiers, ceux qui "n'ont pas de forces" pour protester contre leurs conditions de travail :

Les deux sociologues commentent ces extraits, décrivant les effets des "nouvelles sciences de gestion", dont l'un des piliers est l'externalisation de certaines tâches– dans le cas de Radio France, les employés de ménage ont été touchés par cette externalisation, avant que les négociations ne reviennent sur cette réforme.

Journalistes, petites mains, mais également musiciens. Lors de l'une des assemblées générales, le corniste de l'Orchestre national (et délégué Sud Radio France) Jean-Paul Quennesson rapporte une anecdote étonnante : il explique comment une répétition de l'orchestre a été bouleversée pour laisser passer des... top models :

Des top models ? Contacté par @si, il explique : "Un jour, on a reçu ce mail du service de la diversification [chargé, entre autres, de louer des salles de la Maison ronde à des entreprises afin de diversifier les revenus de Radio France] pour nous expliquer qu'on devait décaler nos pauses pour ne pas être gênés par les top models qui défilaient sur la Galerie C, au-dessus de nous. Ça peut paraître anecdotique, mais j'étais furieux. Les gens de la diversification sont fiers de nous montrer qu'ils louent à Pernod Ricard et Givenchy. Nous, les formations permanentes, on comprend qu'on dérange."

Les orchestres et le chœur de Radio France seraient, en effet, dans le collimateur de la direction de la radio publique, qui estime qu'ils sont concurrents et coûtent trop cher : "Radio France n’a pas les moyens de financer deux orchestres symphoniques, un chœur et une maîtrise pour un coût de 60 millions, ne générant que 2 millions de recettes de billetterie", estime ainsi Mathieu Gallet. "Nous sommes face à une direction qui estime que la musique a un auditoire de "vieux". Mais nous avons une volonté farouche de nous renouveler ! Oui, en l'état, l'orchestre national et l'orchestre philharmonique n'ont pas des identités suffisamment différenciées. Mais la solution n'est pas de les fusionner : elle est justement de faire en sorte qu'on ne joue pas le même répertoire. Le National pourrait se recentrer sur la musique française, et le Philharmonique avoir un programmation plus audacieuse", détaille le délégué Sud.

L'occasion de relire notre article (avec bande-son) sur l'AG mouvementée entre Mathieu Gallet et les grévistes.

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