Hier matin, Jean-Luc Mélenchon, invité de France Info, est remonté aux sources (très) anciennes de Total.
Interviewé sur la baisse du prix de l'essence de 6 centimes décidée par le gouvernement, Mélenchon critique la mesure et présente celle qu'il lui aurait préférée, à savoir "contraindre les pétroliers à baisser leur prix". Et ce, par exemple, en tenant à Total le discours suivant : "Ou bien vous baissez les prix séance tenante, ou je renationalise tout de suite Total". Et pour étayer son propos, Mélenchon apporte une précision historique curieuse : "la première société dont elle [Total] est héritière a été créée sous François Ier. C'est vous dire que ce n'est pas d'aujourd'hui que l'Etat se mêle de pétrole." Ecoutez la surprenante révélation |
Total sortie du berceau au XVIe siècle ? L'information a intrigué un @sinaute. Elle a en effet de quoi surprendre, puisque l'entreprise pétrolière est née en 1924 sous le nom de "Compagnie française des pétroles" avant de prendre son nom actuel en 1991. Pas davantage de trace de la Renaissance dans l'histoire de Elf, rachetée par Total en 2000, dont l'origine la plus profonde remonte à 1939. Quant à Petrofina, pétrolier belge également englouti par le gourmand français en 1999, elle a été créée en 1920.
D'où vient cet obscur épisode de l'histoire évoqué par Mélenchon ? D'une note de blog rédigée par lui-même, comme l'explique à @si son conseiller Eric Coquerel, qui dévoile au passage un "petit lapsus historique". La société dont Total aurait héritée est en fait une manufacture pétrolière de l'époque de... Louis XV.
"On peut remonter à 1750 pour voir l’Etat royal [en la personne de Louis XV] accorder des patentes à la 1ère manufacture pétrolière du monde pour produire huiles et asphaltes à Péchelbronn", raconte Mélenchon dans son billet. Histoire qui a perdu deux bons siècles sur le chemin de Radio France...
Péchelbronn est effectivemment l'une des plus vieilles sociétés pétrolières au monde, ayant commencé ses activité d'exploitation de gisements dès 1735, comme l'indique cette chronologie du CNRS. Mais que diantre faisait-on de l'or noir en une époque si peu automobile ? Des lampes à pétrole, mais aussi du bitume raffiné, employé pour graisser les roues des chariots ou protéger le fer de la rouille, entre autres utilités décrites par le musée français du pétrole (ça ne s'invente pas) qui relate l'histoire de la vieille compagnie d'asphalte .
Tout ceci n'explique toutefois pas de quoi Total est "l'héritière". Car Péchelbronn, fermée en 1964, n'est pas vraiment l'ancêtre de Total, ni son embryon.
Sur son blog, Mélenchon utilise en fait les "patentes" de Louis XV pour expliquer que si la France, "dépourvue de véritables ressources pétrolières en métropole", a tout de même pu développer la quatrième industrie pétrolière mondiale, "c’est en partie grâce à l’impulsion publique". Et donc que Total est "le fruit de l'investissement public privatisé". D'où l'image de l'héritage, maladroitement formulée sur France Info, pour justifier l'intervention de l'Etat dans les affaires du géant pétrolier français.
(Par Antoine Machut)
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