Le "mystère" Dati : Le Point dit tout, sans rien dire
C'est entendu, Rachida Dati est enceinte. La Garde des Sceaux a elle-même éventé le secret hier matin. Dernier rebondissement que Le Point ignorait encore à l'heure de son bouclage.
L'hebdo paru aujourd'hui, qui a eu droit à un "entretien exclusif" avec la ministre, a donc adopté une prudence de Sioux pour aborder le terrain sans brusquer la principale intéressée... et appâter tout de même le lecteur. Premier cas de conscience : la couverture. Comment tout dire, sans rien dire ? Dilemme résolu avec un classique "Le mystère Rachida Dati", surmontant la photo de la Garde des Sceaux arborant un demi-sourire. Un modèle d'ambiguïté... ... sur le thème : "Ceux qui savent comprendront" |
Dès l'introduction de la première page ouvrant le dossier du magazine, le magazine annonce la couleur : "La ministre de la Justice mène tout de front. Elle réforme la carte judiciaire, sans flancher. Elle fait face aux polémiques, sans ciller. Et elle attend un heureux événement, sans rien dire. Un cas, cette Rachida."
Elle attend un heureux événement, mais n'en dira rien. Au Point de s'en débrouiller. Ce qu'il fait docilement, affirmant qu'on n'avait
encore jamais connu "une ministre sans compagnon officiel laissant
s'arrondir sa silhouette sous l'œil mi-sidéré, mi-intimidé de ses collègues. La
voilà félicitée pour un heureux événement attendu, mais pas officialisé."
Rien d'officiel, donc. Tant pis pour ceux qui espérait la
voir lâcher un franc "Oui, je suis enceinte".
La journaliste Anna
Bitton (qui s'est rendue célèbre en accouchant une certaine Cécilia de propos
anti-Sarko) sort donc de très délicates pincettes pour rédiger son portrait. Et
avouons notre admiration devant ce travail de dentellière.
Jugez plutôt. Dès l'attaque, Bitton assène qu'"avant
l'été", Rachida Dati arborait encore "son charmant visage
émacié". Fin août, dans son bureau, en revanche elle "a
retrouvé bien plus que sa féminité d'égérie Dior des soirées mondaines et des
séances photos glamour. Une féminité nouvelle. Plus sobre Plus paisible. Pour
un peu, on la dirait rajeunie. Les traits se sont détendus, adoucis, arrondis.
Le corps aussi. Assez pour compliquer joliment la tâche des boutonnières de son
chemisier ivoire. Elle le sait bien, elle en rit, même, ce soir-là que tous et
toutes peinent à la regarder dans les yeux."
Admirez la pudeur de l'arrondi compliquant "joliment" la tâche des boutons. Tout de même mieux qu'un vulgaire "Ses seins ont
grossi".
Plus loin encore, le magazine justifie sa réserve : "Ce
jour-là, elle a opportunément mis des volants, sur le ventre. Et des ellipses,
sur les lèvres. Elle se préserve. Du mauvais œil et des ultimes incertitudes. «Dans mon parcours de femme, j'ai eu tellement d'expériences douloureuses
relatives à la maternité, et je n'ai plus 25 ans...», confie-t-elle au Point."
Sur les huit pages que courent les articles consacrés à
Dati, une seule fois est évoqué le "désir d'enfant", mais ce
n'est pas Dati qui parle. C'est "une amie". La Ministre, elle,
parle au conditionnel : "Bien sûr, ce serait le plus beau moment de ma
vie."
Mais ne soyons pas chien. Le Point affirme bien que Dati attend un enfant.
Une seule et unique fois, en l'enrobant de compliments et d'un détail
attendrissant : "Dati est une affranchie. Une musulmane croyante qui a
le courage de faire un enfant hors mariage. Même si elle craint la réaction de
son père..."
Si vous voulez savoir comment le mystère Dati a été dissipé par Le Monde, reportez-vous à notre enquête sur la fin de l'insoutenable rumeur.
Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.
Déjà abonné.e ? Connectez-vousConnectez-vous