Le CSM propose des sanctions contre deux magistrats tweetos
Brève

Le CSM propose des sanctions contre deux magistrats tweetos

Deux magistrats se moquaient des témoins sur Twitter pendant une audience de la cour d'Assises. Le Conseil Supérieur de la Magistrature, devant lequel ils comparaissaient, a proposé un déplacement d'office et un blâme.

Seul le condamné à dix ans de prison pour tentative de meurtre peut se réjouir de cette affaire. Il sera rejugé suite à la décision du parquet général de Pau de faire appel de l'arrêt. Pourquoi un tel revirement ? Car durant son audience du 21 novembre 2012, l'avocat général de l'affaire conversait sur Twitter avec l'un des assesseurs. Et tout le monde en prend pour son grade : la présidente de la cour, la "directrice du greffe" (?), et même un témoin.

"On a le droit de gifler un témoin ?" demande @Proc_Gascogne avant d'ajouter : "Bon, ça y est, j’ai fait pleurer le témoin... #Oranginarouge" (hashtag faisant référence à une pub mettant en scène une cruelle bouteille de soda). Une vingtaine de messages de cet ordre ont été envoyés par l'avocat général et le juge pendant l'audience. Mais pourquoi sont ils si méchants ? L’enquête a en effet mis à jour qu’un témoin avait effectivement pleuré lors de son audition. L'un de leurs confrères, à l'extérieur du procès, était même intervenu : "C'est quand même un peu limite de tweeter pendant l'audience, non ?" Ce a quoi l'un des deux magistrats-twittos avait répondu : "Si ça se voit, je suis d'accord". Dommage, ça s'est vu.

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Les comptes Twitter de @Proc_Gascogne et @Bip_Ed ont été fermés peu après les révélations de Sud Ouest (capture d'écran réalisée par l'équipe de Sud Ouest avant la fermeture)

Il voulait "faire connaître la justice de l'intérieur"

C'est un journaliste de Sud Ouest couvrant le procès qui avait fait le rapprochement entre ces tweets et l'affaire à laquelle il assistait. Il avait alors révélé l'affaire. @Proc_Gascogne et @Bip_Ed ont reconnu l'envoi de messages, mais pendant des suspensions d'audience ou entre des auditions de témoins. Le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) a rendu mercredi un avis de huit pages relatives au jugement de l'avocat général (Proc_Gascogne), que Le Monde a consulté : le CSM y propose le déplacement d'office du magistrat ; c'est ensuite la garde des sceaux (Christiane Taubira) qui déterminera sa sanction définitive. Les membres de la formation disciplinaire du CSM ont estimé que "l'usage des réseaux sociaux pendant ou à l'occasion d'une audience est à l'évidence incompatible avec les devoirs de l'état d'un magistrat".

Pour sa défense, l'avocat général avait affirmé vouloir " faire connaître la justice de l'intérieur". "J'ai toujours été blessé par les critiques qui sont faites sur les magistrats, les représentant comme isolés dans leur tour d'ivoire, fonctionnant comme des robots. J'estimais utile de montrer que ce n'était pas que ça". Il concède cependant que malgré ses précautions quant au devoir de réserve, le caractère public du réseau social lui avait "un peu échappé".

blogueur sur le blog d'eolas, et défendu par eolas

L'homme a affirmé qu'il pensait s'adresser à une trentaine de personnes en publiant ses messages. Raté, il comptait plus de 4000 abonnés. De fait, les deux magistrats-internautes font partie des twittos judiciaires très influents sur la toile. @Proc_Gascogne écrivait d'ailleurs des billets pour le blog de Me Eolas, avocat aux 136 000 abonnés sur Twitter (et qui le défendait devant le CSM). Ces trois twittos font partie d'une sphère qui utilise les réseaux sociaux pour communiquer de façon souvent drôle et ironique sur la justice. @Proc_Gascogne avait choisi l'image de Dark Vador comme avatar sur twitter. @Bip_Ed avait pour sa part choisi le juge de Lucky Luke, un magistrat qui finit par se condamner lui-même. Bien anticipé : l'assesseur, pour sa part, a été blâmé par le CSM, qui a retenu plusieurs circonstances atténuantes, relevant notamment que l'enquête n'avait pas établi que le magistrat avait twitté pendant l'audience, ni qu'il avait eu connaissance des messages de mise engarde adressés à son collègue par des abonnés à son compte.

Elisabeth Denys

Mise à jour 2 mai : @Bip_Ed n'a pas nié les faits mais a nié avoir envoyé des tweets pendant l'audience.

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