Handicapés et super-héros : les vidéos de la discorde
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Handicapés et super-héros : les vidéos de la discorde

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Selon le dernier rapport du CSA, 0,7% des personnes qui défilent sur le petit écran sont perçues comme des "personnes en situation de handicap". Un chiffre toujours bas, mais qui masque un autre problème : la représentation des handicapés en super-héros dans les vidéos des nouveaux médias, type Brut ou Loopsider. Enquête.

"Si j'arrive à mettre un masque, alors vous aussi". Il s'agit du slogan d'une campagne américaine sur le port du masque, où l'on voit défiler des personnes en situation de handicap poser la protection sur leur visage. "La meilleure promo du port du masque" souligne Loopsider qui a réalisé une vidéo à ce sujet, dans laquelle le média présente les participants à cette campagne : l'initiateur, un athlète paralympique, "la première pilote sans bras au monde", "un marathonien aveugle"... Bref, des super-héros. Dans la séquence suivante, Loopsider nous décrit un autre "exploit", celui d'un petit garçon de cinq ans qui a perdu ses jambes, et a parcouru 10 kilomètres pour récolter de l'argent pour son hôpital. "Des milliers de gens ont été impressionnés par le courage du petit Tony", peut-on lire dans l'extrait.

Ces vidéos qui mettent en scène des performances exceptionnelles de personnes en situation de handicap alimentent les nouveaux médias tels que Loopsider ou Brut (voir montage ci-dessous).

"Inspiration porn"

Une adolescente dansant dans un fauteuil roulant, une jeune femme atteinte de tétraplégie réalisant le plus haut saut en élastique au monde... Ces images sont souvent émouvantes pour les valides. "À leur rencontre, tomber d’admiration semble relever du régime de l’évidence. Quelle source d’inspiration pour nous ! Ce sont eux les albatros, alors que nous nous en amusions", décrit le chercheur Stéphane Amato au sujet des représentations médiatiques des personnes en situation de handicap, dans un article publié en 2018

Ces récits héroïsés seraient liés au concept de "handicap positif", terme utilisé par Philippe Croizon, figure médiatique qui, amputé des quatre membres, a traversé la Manche.  "Il s’agirait de s’élever au-dessus de son handicap, par diverses pratiques sportives ou culturelles. Cette formule est parfois incarnée dans le paysage médiatique par des sortes de surhommes nietzschéens qui ont survécu grâce à l’espoir et vivent de leurs exploits, médiatiquement propagés",  explique Amato. Cette narration contraste avec le "misérabilisme" qui consiste à voir les personnes handicapées comme malheureuses, ce qui a souvent été reproché aux vidéos du Téléthon. (Voir l'émission d'Arrêt sur images de 2004 à ce sujet ici). Mais la vision héroïsée du handicap fait aussi l'objet de critiques.

Les athlètes paralympiques, par exemple, apparaissent davantage comme des donneurs de "leçons de vie" dans les médias, comme l'analyse le sociologue Pierre Dufour. Le portrait de Brenna Huckaby, première athlète paralympique à poser dans Sports Illustrated, le récit sur Franceinfo du "combat" de Michaël Jeremiasz, devenu champion de tennis après avoir perdu l'usage de ses deux jambes... C'est ce que l'on appelle l'"inspiration porn", un terme  inventé par Stella Young, militante des droits des personnes handicapées, qui le présente avec humour dans une conférence TED. "Les personnes handicapées ne sont qu'une source d'inspiration pour les personnes valides", explique à Arrêt sur images Cécile Morin, porte-parole du CLHEE, Collectif Lutte et Handicaps pour l'Egalité et l'Emancipation. 

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