Fichée illégalement, Camille Polloni ne connaitra pas ses fiches
Brève

Fichée illégalement, Camille Polloni ne connaitra pas ses fiches

C'est une décision de justice qui laisse un goût amer.

La journaliste Camille Polloni, qui écrit sur les sujets police-justice pour le site Les Jours, a appris mercredi 8 novembre que les services de renseignement militaire français l'ont illégalement fichée. Après six ans de procédure, le Conseil d’État a "enjoint la ministre des armées […] de procéder à l'effacement des données concernant Mme Polloni illégalement contenues dans les traitements de données nominatives de la direction du renseignement militaire", explique la journaliste sur le site des Jours, citant la décision de la plus haute juridiction administrative du pays. "Il y avait donc quelque chose, et quelque chose d'illégal, commente Polloni. En l'état actuel du droit français, ces données doivent disparaître, mais sans que j'apprenne de quoi il s'agit". Un décision "qu'on ne peut pas vraiment appeler une victoire", note-t-elle.

Les Jours, 10 novembre 2017

L'histoire commence en septembre 2011. La journaliste, reçue en février dernier sur notre plateau pour évoquer l'affaire Théo, décide de demander à la Cnil d'accéder aux éventuelles fiches de police et de renseignement que l’État pourrait avoir rassemblé sur elle. Par curiosité et pour s'assurer qu' "aucune surveillance n'a porté atteinte au secret de mes sources", explique-t-elle aujourd'hui à l'AFP. "Il m’est arrivé trois ou quatre fois de surprendre une filature ou d’être prise en photo pendant un rendez-vous professionnel avec des personnes vraisemblablement surveillées. Ces épisodes ont-ils laissés une trace écrite quelque part ? Laquelle ?", résume-t-elle sur le site des Jours.

En 2014, trois ans après sa première demande, elle racontait sur le site de Rue89 éprouver "une certaine méfiance" quant aux renseignements conservés par les services de renseignement de la police : "Un chiffre tournait beaucoup : seules 17% des fiches Stic (le plus gros fichier de police) contrôlées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) sont exactes. Soit 83% d’erreurs. Et la mienne ?".

Si elle arrive à obtenir des réponses en 2012 en ce qui concerne "les fichiers de police les moins «sensibles»", elle rappelle en 2015, toujours sur Rue89, que "le ministère de l’Intérieur et celui de la Défense refusent de me communiquer la moindre information sur ce qui figure à mon sujet dans les fichiers de renseignement – DGSI, DGSE, DRM, DPSD– au nom de la sécurité nationale."

Difficulté supplémentaire évoquée par la journaliste : la loi renseignement votée en 2015 "est venue donner une assise légale aux refus des ministères, devenus systématiques depuis une dizaine d'années". Impossible donc d'obtenir une réponse à ses demandes.

Audiences à huis clos pour cause de secret-défense

Après ce qui ressemble à une Odyssée judiciaire, Polloni se retrouve au Conseil d’État. Au cours d'une audition préalable où elle doit défendre sa démarche "«c’est un droit » ou «par curiosité» ne leur suffisant pas", les magistrats lui font savoir qu'ils "vont s'assurer pour moi que tout s'est fait dans les règles, mais ne me révéleront jamais le résultat de leurs recherches". Une réponse qui ne satisfait pas l'avocat de la journaliste, Camille Mialot: "Il demande aux magistrats si, dans le cas où ils découvriraient une surveillance illégale, ils dénonceront les faits au procureur de la République […]. En réponse, les magistrats jouent à ni oui ni non", raconte Polloni.

Après cette audition, deux audiences ont eu lieu cette année, tenues à huis clos pour cause de secret-défense. L'une en janvier dernier, pour la demande d'accès aux fichiers récoltés par la DGSI, les renseignements du ministère de l'Intérieur. "Sans surprise, le Conseil d’État a rejeté ma demande d'accès. C'est pourquoi j'ai saisi la Cour européenne des droits de l'homme", fait savoir Polloni. Après la décision du Conseil d’État concernant les fichiers du ministère de la Défense, qui seront donc effacés sans que la journaliste puisse y avoir accès, la journaliste explique qu'elle va "saisir une nouvelle fois la justice".

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