Lactalis contre-attaque. Dans un reportage d'Envoyé spécial, diffusé le 13 octobre 2016 sur France 2, cinq producteurs laitiers sous contrat avec Lactalis dénonçaient le bras de fer intenable contre le numéro un mondial du lait. Le 13 janvier dernier, ils ont reçu une lettre de fin de contrat, mettant un terme à leurs relations professionnelles avec le groupe. La raison ? Ils auraient dénigré l'entreprise.

Envoyé Spécial, France 2, 13 octobre 2016.

"Au regard du contexte général ayant entouré vos déclarations, nous avons pris la décision de mettre un terme à nos relations", lit-on dans un courrier adressé à l'un des agriculteurs et dont l'AFP, reprise par plusieurs médias, s'est procuré une copie le 27 janvier. L'entreprise accuse le producteur de lait d'avoir tenu des propos portant atteinte au groupe. Or les contrats liant le géant du lait à ses producteurs spécifient à ces derniers qu'ils ont pour obligation de respecter l'image de l'entreprise. Sous peine d'éventuelle rupture de contrat, a déclaré le porte-parole du groupe, Michel Nalet, à l'AFP. Une clause également rappelée dans la lettre : "S'il vous appartient d'être en désaccord avec notre politique d'approvisionnement en lait, celle-ci reste cependant de notre ressort et ne peut en toute hypothèse faire l'objet d'un tel dénigrement."

"Je ne pensais pas qu'ils oseraient le faire", a déclaré l'un des producteurs, qui a choisi de garder l'anonymat par peur de ne pas retrouver de nouvelle laiterie pour vendre ses produits. Mais il n'est pas le seul. Quatre autres producteurs sous contrat avec l'entreprise, et ayant critiqué face caméra les prix trop bas imposés par Lactalis, sont eux aussi visés par cette fin de partenariat. Dans son courrier du 13 janvier dernier, Lactalis laisse aux cinq agriculteurs un préavis de douze mois. Ils ont donc jusqu'au 31 janvier 2018 pour retrouver de nouveaux revendeurs.

Dans le reportage intitulé "Sérieusement ? Lactalis : le beurre et l'argent du beurre ?", France 2  mettait en cause le poids de l'entreprise et de son PDG, Emmanuel Besnier, dans la crise des producteurs de lait. Une enquête qui n'avait pas plu au distributeur. En octobre dernier, ce dernier avait obtenu en référé qu'Envoyé spécial ne puisse pas rediffuser le reportage. Le groupe accusait la chaîne d'avoir porté atteinte à la vie privée du PDG, pour avoir filmé son château en vue aérienne. Mais la cour d'appel d'Angers a décidé en appel le 24 janvier d'annuler le référé interdisant la rediffusion. France 2 a indiqué au tribunal d'Angers que le programme n'était plus en ligne sur les sites du groupe "à la date du 26 octobre 2016 et qu'aucune rediffusion n'était établie".

Malgré cette décision, le combat judiciaire est loin d'être terminé. Besnier a lancé deux actions devant la justice : une assignation en atteinte à la vie privée, et une plainte pour diffamation.

(Par Valentin Etancelin)