Donner le pouvoir au FN pour le lui retirer
Brève

Donner le pouvoir au FN pour le lui retirer

Je vous en parlais ici : la dernière interview de Jean-Luc Godard au

Monde -"je trouve que Hollande devrait nommer Marine Le Pen premier ministre, pour que ça bouge un peu"- ne cesse de faire des vaguelettes. Dans Libé de ce matin, un jeune chercheur et un doctorant, Juan Branco (nous le recevions ici) et Alphonse Clarou, s'en prennent aux lyncheurs du cinéaste sur Internet, en tentant de donner un sens à sa cryptique parole. "Nous n’avons jamais été aussi libres que sous l’Occupation, disent-ils. Nous ne le serons jamais autant que sous le FN, ce FN qu’à force de faire semblant de fuir, nous ne faisons que renforcer (...) Il ne semble y avoir aujourd’hui plus d’autre façon de retirer le pouvoir au FN que celle de le lui donner". Autrement dit, il faudrait que Marine Le Pen soit élue, pour être débarrassés de l'influence monopolisitique sur la vie politique, que lui confère son statut d'opposante. Même si les deux jeunes exégètes extrapolent un peu -le Maître n'a pas explicitement formulé cet audacieux raisonnement- il faut l'examiner.

Pour ne prendre que l'exemple français, un certain nombre de faits historiques semblent lui donner raison : les exemples sont nombreux, de mouvements politiques ayant exercé une forte influence intellectuelle, laquelle s'est ensuite dissoute à l'épreuve des compromis du pouvoir. Porté au pouvoir en 58 par les militaires français en Algérie, De Gaulle a finalement, quatre ans plus tard, accordé l'indépendance à l'Algérie. Arrivé à l'Elysée avec les communistes en 81, Mitterrand a opté deux ans plus tard pour la politique de rigueur dont la France n'est plus jamais sortie. On lui doit aussi la négociation avec l'Allemagne de l'euro, qui a définitvement dépossédé le pays de toute possibilité de décision économique et monétaire. Le gouvernement Jospin-DSK de 1997 a davantage privatisé que tout autre avant lui. Et à droite ? Au-delà des gesticulations, Sarkozy, par exemple, n'aura pas davantage expulsé de sans-papiers que les gouvernements qui l'ont précédé -et suivi.

D'autres précédents historiques militent évidemment en sens inverse -et pardon d'avance pour le point Godwin. Il ne manquait pas de gros malins, en Allemagne, en 33, pour s'imaginer qu'en nommant Hitler à la chancellerie, on allait "lever l'hypothèque" nazie au cours d'une divertissante expérience de quelques mois, après laquelle le jeu normal des partis reprendrait son cours. C'était notamment le calcul d'un des chefs de la droite, Franz von Papen. Il est possible, à en croire la tribune de Libé, que des amateurs de paradoxes post-modernes commencent aujourd'hui à jouer avec l'idée de tenter une expérience identique. C'est un pari. On est libre de le tenter. Ou pas.

Roxy, comédien godardien

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