Les films dont le sujet est un musée deviennent à la mode, semble-t-il. En octobre dernier paraissait National Gallery de Frederick Wiseman, une soporifique bobine longue de trois heures qui permettait de découvrir les coulisses du musée londonien. Celle d'aujourd'hui explore, à la faveur de la réorganisation de l'une de ses ailes, le Musée de l'Histoire de l'Art de Vienne. L'affiche de National Gallery était un peu curieuse :

On pouvait y voir une partie du dos de la Vénus au miroir de Velázquez combinée à l'image d'une restauratrice contemplant un tableau, une marine.

Sauf que celle de la restauratrice était inversée. Voici l'image originale extraite du film…

…et voici le tableau examiné tel que nous le présente la National Gallery, une Scène de plage avec des marins peinte par Ludolf Bakhuizen vers 1665 :

On remarquera que sur l'affiche, la Vénus de Velázquez est un tantinet saturée en couleurs par rapport à l'oeuvre originale visible sur le site du musée :

«Bah ! s'exclame alors le publicitaire de service. Il fallait bien qu'elle ressorte un peu sur l'affiche, la Vénus ! Et puis quelle idée de peinturlurer avec des couleurs aussi ternes, vraiment ! Ces Espagnols, il faut toujours qu'ils en fassent des tonnes dans la tristesse, comme s'ils venaient tout juste d'enterrer leur beau-frère. »

Ce qui est ennuyeux, c'est qu'on retrouve cette même propension à saturer les couleurs sur l'affiche du Grand Musée. Une propension poussée à la puissance 1000 :

Car voici la Tour de Babel de Bruegel telle qu'elle apparaît dans le film…

…et telle qu'elle apparaît sur le site du musée :

On admettra qu'il y a comme une légère différence :

« Oui mais vous comprenez, réplique aussitôt le publicitaire de service, une affiche doit être visible au premier coup d'oeil, il faut que les gens qui traversent les couloirs du métro ou qui l'aperçoivent placardée sur un abri-bus la perçoivent immédiatement et reconnaissent aussitôt la Tour de Babel, notoire chef-d'oeuvre conservé au Kunsthistorisches Museum. Dans la communication, tous les moyens sont bons. Y compris la saturation à outrance des couleurs. En même temps vous reconnaîtrez avec moi que la palette de Bruegel était un peu terne, hein. Un tantinet morose, lui aussi. M'est avis que ce gars-là avait du sang espagnol dans les veines… »

Et si les distributeurs, chargés de vendre ces deux bobines que sont National Gallery et Le Grand Musée, faisaient confiance aux peintres dont les oeuvres géniales ont traversé les siècles alors que leurs affiches ont peu de chances de survivre dans les mémoires au-delà de samedi prochain ? Et s'ils faisaient confiance aux spectateurs potentiels de ces deux films, qui ne risquent guère de les confondre avec La Nuit au musée 3, Le secret des Pharaons ?

L'occasion de lire ma série de trois chroniques consacrées aux maisons-musées d'artistes à Paris :

La bâtisse kitsch et moche de Moreau le mystique

Dans l'atelier d'Antoine Bourdelle

Le musée zen de Zadkine