Bettencourt : comment le parquet a changé d'avis sur le cas Woerth (Le Monde)
L'affaire remonte à 2008. Cette année-là, Eric Woerth, alors ministre du budget, remet la légion d'honneur à Patrice De Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt. Une manière de remercier Patrice de Maistre d'avoir embauché, un an plus tôt, Florence Woerth (femme de), dans la société Clymène qui gère la fortune Bettencourt ? C'est ce que soupçonne la justice, qui a mis en examen Eric Woerth pour trafic d'influence en février 2012. Ces soupçons s'appuient notamment sur les fameux enregistrements réalisés par le majordome de Bettencourt et diffusés sur Mediapart. Dans une conversation d'avril 2010 au domicile de la milliardaire, De Maistre explique, à propos de l'embauche de Florence Woerth : "J'avoue que quand je l'ai fait, son mari était ministre des finances, il m'a demandé de le faire. (...) Je l'ai fait pour lui faire plaisir..."
Mais après des mois d'enquête des juges d'instruction, le parquet considère que les preuves manquent : "Le parquet estime que le lien de corrélation entre les deux faits – condition nécessaire à la caractérisation du délit – n'est pas formellement démontré", indique un communiqué du parquet en date du 10 mai.
Sauf que la vice-procureure, chargée de rédiger les réquisitions, souhaitait bien renvoyer Woerth en correctionnelle comme l'explique Le Monde. Dans un document de 70 pages, la magistrate avait conclu que les charges étaient suffisantes pour renvoyer Woerth et De Maistre devant le tribunal correctionnel. Ce projet de réquisitoire a ensuite été transmis au procureur de la République, Claude Laplaud. Le Monde raconte la suite : "M. Laplaud décide alors de soumettre ce projet de réquisitoire à son supérieur hiérarchique, le procureur général près la cour d'appel de Bordeaux, André Ride. Or, ce dernier, selon plusieurs sources au tribunal de Bordeaux, aurait signifié à M. Laplaud que les conclusions de la vice-procureure ne lui convenaient pas, et qu'il fallait requérir un non-lieu en faveur des deux hommes". La vice-procureure a refusé de modifier son document, c'est donc le procureur de la République qui a repris lui-même le réquisitoire pour en changer les conclusions. |
Joint par Le Monde, André Ride confirme : "On a discuté collectivement avec mon avocat général et M. Laplaud. Nous n'étions pas d'accord avec l'analyse de la magistrate du parquet". Simple désaccord entre confrères ? Le Monde glisse en fin d'article que Ride, classé à droite, "a été conseiller justice d'Alain Juppé à Matignon, en 1995" et a "côtoyé brièvement dans le même cabinet M. Woerth, alors conseiller parlementaire du premier ministre". Il revient désormais aux juges d'instructions de suivre les réquisitions ou de renvoyer quand même Woerth devant le tribunal.
Un nouvel épisode dans notre longue série : "Bettencourt : Sarkozy et la vieille dame"
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