Bergé, Ledoux, et quelques caprices sans importance
Brève

Bergé, Ledoux, et quelques caprices sans importance

Il a, comme on dit, réussi sa vie. Sur ses vieux jours, avec deux amis, il s'est acheté un journal.

Et pas n'importe lequel : Le Monde. Il en préside le conseil de surveillance. Mais s'il surveille en effet, il ne contrôle pas grand chose. Et notamment pas les pages culturelles, lui qui aime tant la chose culturelle. Alors, comme il s'est ouvert -gratuitement- un compte Twitter, il se paie le luxe, de temps à autre, d'insulter les collaborateurs de son journal. C'est ainsi que Pierre Bergé vient de traiter de "connard" l'écrivain Eric Chevillard, qui avait écrit, sur Modiano, un article jugé trop dur. Pourquoi "connard" ? En référence à un autre journaliste du quotidien, Denis Cosnard, plus modiano-compatible. Les deux apprécieront.

A ce jour et sauf erreur, la direction du Monde n'a pas réagi aux éructations de Bergé. Seuls le président de la Société des rédacteurs, ès-qualités, et deux enquêtrices vedettes du journal, Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin (écoutez-les ici) lui ont répliqué sur Twitter. Deux. Pas dix, pas cinq, pas trois. Deux.

Quelle importance ? pourra-t-on demander. Après tout, Bergé peut éructer tant qu'il veut, Chevillard chronique toujours, et le journal écrit ce qu'il veut. Si Bergé, en achetant Le Monde, comptait acquérir respectabilité et influence, c'est raté. Il n'a gagné qu'un ticket pour une place d'honneur perpétuelle au dîner de cons.

Certes. De la même manière que le millionnaire excentrique Bruno Ledoux, nouveau copropriétaire de Libération, dont Le Monde racontait le week-end dernier comment il s'est payé Libé en collectionneur, entre le trône de Napoléon et la dernière chemise portée par Louis XVI avant de monter sur l'échafaud, n'influe pas sur le contenu du journal. Ces nouveaux actionnaires de presse diffèrent des oligarques plus traditionnels (Boussac, Dassault, Bouygues, Arnault, Pinault), qui se lançaient dans la presse pour la neutraliser, ou disposer d'un instrument de pression sur leurs concurrents ou sur l'Etat. Pourquoi se sont-ils acheté ces étranges entreprises, dont l'objet consiste théoriquement à éclairer les citoyens sur les grands enjeux politiques, géopolitiques ou environnementaux, et qui touchent pour celà de grasses subventions publiques ? On ne sait pas bien, et sans doute eux non plus. Par défi d'esthètes, pour se désennuyer, par caprice, parce que c'est rigolo, pour eux qui ont réussi, de tenter de rentabiliser ces machines à perdre de l'argent. Comme ils peuvent, sur simple caprice, décider un beau matin de les revendre. Ce qui n'est pas très rassurant pour la mission consistant, théoriquement, à éclairer les citoyens sur, etc etc.

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