Années 30 : arrêt sur la couve qui n'avait pas lieu d'être
Brève

Années 30 : arrêt sur la couve qui n'avait pas lieu d'être

Crise de 29, années 30 : nous vivons une époque difficile où la presse regarde beaucoup dans le rétroviseur, tentant de nous faire accroire que l'Histoire repasse les plats. Il en est ainsi de la une du Nouvel Observateur de cette semaine qui titre Crise, chômage, scandales, xénophobie, extrême droite…C'ÉTAIT LES ANNÉES 30… Sont-elles de retour ?


Si le point d'interrogation final atténue le propos, le photomontage, les couleurs noir-rouge-beige typiques des années 20-30 et la typographie à l'intérieur du magazine sont un tantinet plus affirmatifs. Les différents titres de ce dossier sont en effet composés en caractères d'époque :


Le Bifur d'abord :


Le Peignot gras ensuite :


Deux caractères créés en 1929 et 1937 par le célèbre affichiste Cassandre, de son vrai nom Adolphe Mouron.

Revenons maintenant vers la une, identifions les différents personnages qui la composent.


La partie gauche de l'illustration est dévolue au passé, aux années 30. À l'extrême gauche, Stavisky :


Alexandre Stavisky était un escroc qui, en 1933, détourna 200 millions de francs émis en faux bons du Crédit municipal de Bayonne. Découvert, il s'enfuira et se suicidera de deux balles dans la tête dont au moins une tirée à trois mètres de distance (très vite, on pensa qu'il avait été un peu aidé…).


Stavisky, escroc notoire poursuivi par la justice, avait bénéficié de l'aide et de la protection de nombreux politiciens. Son "suicide" entraînera un scandale politique qui mènera à la chute du gouvernement de l'époque, un gouvernement de gauche. Escroquerie, corruption, plus une petite touche d'antisémitisme en prime en raison des origines juives de Stavisky.


Ensuite vient Pierre Laval, homme fort du maréchal Pétain pendant l'Occupation :


Vice-président du Conseil au gouvernement de Vichy du 10 juillet au 13décembre1940, (date à laquelle il sera limogé par Pétain) c'est lui qui mettra en oeuvre la politique de collaboration avec les nazis. Il sera fusillé en 1945.


Sous Stavisky se tient Léon Blum :


Suite aux élections législatives de 1936 qui virent la victoire de la gauche, Léon Blum sera désigné président du Conseil, autrement dit chef du gouvernement (et ce, de 1936 à 1937 ; il reviendra ensuite brièvement aux affaires entre mars à avril 1938). C'est l'époque du Front populaire.


Sous Léon Blum, des manifestants au poing levé :


Ce sont les ouvriers de l'usine Renault de Boulogne-Billancourt, en 1936. On retrouve cette célèbre photo, dans son intégralité, à l'intérieur du magazine ; elle a également servi à la couverture d'un livre :


Sous Pierre Laval sont visibles d'autres manifestants :


On pourrait penser qu'il s'agit de militants d'extrême droite, membres de ces fameuses ligues qui participèrent, suite à l'affaire Stavisky, à la manifestation du 6 février 1934 qui se solda par quinze morts :

Manifestation des ligues d'extrême droite, le 6 février 1934


Sauf que les manifestants de L'Obs n'ont pas le bras droit tendu, mais le poing levé. S'agit-il de partisans du Front populaire ?

Mise à jour, 16h30 : il suffit de poser la question pour que les lecteurs répondent ! L'homme au premier plan est Maurice Thorez, le "fils du peuple" ; celui de derrière, avec une petite barbiche, est Léon Jouhaux, le patron de la CGT d'alors.

♦ ♦ ♦

La partie droite de l'illustration est dévolue au présent.



On y voit François Hollande (rappel de Blum ?) entre Mélenchon à sa gauche (rappel des communistes qui lâchèrent Blum quand il refusa d'aider les républicains espagnols ?) et Le Pen (rappel de Laval ?) à sa droite. Derrière, celui que Hollande n'avait pas vu venir : Jérôme Cahuzac, le Stavisky du Lot-et-Garonne. En bas à droite une foule de manifestants CGT - probablement ceux de la grande manifestation qui eut lieu le 9 octobre 2012 - fait le lien avec les ouvriers Renault de 1936 :


Alors, est-ce à dire que 2013 = 1936 ? Les articles du Nouvel Obs sont plus nuancés que sa couverture puisque le premier d'entre eux, signé François Reynaert, se termine quasiment par ces mots : « Tout ce que nous enseigne l'histoire, c'est qu'on ne parvient jamais à comprendre le monde d'aujourd'hui avec les lunettes d'hier. »Le même François Reynaert, dans une vidéo publiée sur le site de L'Obs, raconte le climat des années 30. Et conclut, au bout de huit minutes, que la situation actuelle n'a rien à voir avec le passé.

De là à penser que cette une n'avait pas lieu d'être sous cette forme, il n'y a pas loin…

 

L'occasion de lire une de mes chroniques intitulée Ça sent si bon la France.

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