Bonnette de "Mediapart" : le mépris de Carla Bruni-Sarkozy
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Bonnette de "Mediapart" : le mépris de Carla Bruni-Sarkozy

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Nicolas Sarkozy est condamné pour "association de malfaiteurs" à cinq ans de prison ferme, avec mandat de dépôt différé, dans l'affaire des financements libyens de sa campagne présidentielle de 2007. C'est une première historique pour la République française : jamais avant lui un ancien président n'avait été condamné à de la prison ferme.

Sarkozy s'avance face aux micros tendus, à la sortie de la salle d'audience, ce jeudi 25 septembre. Il sort libre : le mandat de dépôt différé signifie qu'il n'ira en prison que dans quelques semaines. C'est lui-même, et non ses avocats présents à ses côtés, qui s'adresse aux journalistes. Entouré de sa femme Carla Bruni-Sarkozy et de leur famille, il déclare que "cette injustice est un scandale" et clame son innocence, comme il le fait sans cesse dans les médias depuis les premières révélations de Mediapart, en 2011, sur l'affaire des financements libyens, mais aussi dans l'affaire Bismuth. "Je me battrai jusqu'à mon dernier souffle pour prouver ma complète innocence", dit-il avant de s'éloigner.

C'est alors que Carla Bruni-Sarkozy s'avance vers les micros. Nonchalamment, elle attrape la bonnette rouge de celui de Mediapart, et, sourire en coin, sans un mot, la jette au sol. Et s'en va, sur les talons de son mari.

Il y a dans ce simple geste - et, surtout, dans ce sourire poli, presque indifférent - un mépris gigantesque. Le dédain de Carla Bruni-Sarkozy n'a pas besoin de mots. Via Mediapart, c'est toute l'indépendance de la presse que piétine l'ancienne première dame. C'est un crachat au visage de la liberté de la presse, mais un crachat chic, voyez-vous.

Bien sûr, Sarkozy n'a jamais voulu répondre à Karl Laske et Fabrice Arfi, qui enquêtent depuis 2011 sur l'affaire des financements libyens. Bien sûr, il a été le premier à diffamer le média et ses journalistes depuis des années, les traitant de "voyous" qui travailleraient pour un "torchon" et publieraient une "fable" sur le financement de sa campagne. Bien sûr, ce geste ne nous apprend rien : la presse indépendante, celle qu'il ne contrôle pas, le clan Sarkozy la méprise et la maltraite depuis toujours. Mais il est le symptôme d'une dérive plus large, sur laquelle une grande partie des médias a préféré fermer les yeux lorsqu'ils n'y participaient pas directement : les attaques toujours plus directes et plus bravaches envers l'indépendance des journalistes qui enquêtent et révèlent les vérités qui dérangent, même et surtout lorsqu'elles concernent des élu·es ou ancien·nes élu·es.

C'est LCI (groupe TF1, propriété de Martin Bouygues, grand ami des Sarkozy) qui laisse libre cours aux hauts cris d'"injustice" à chaque nouvelle condamnation de l'ancien président, et embauche même son fils, filleul dudit Bouygues. C'est BFMTV qui s'est mise en ordre de bataille pour sauver "le boss" Sarkozy au moment de la fausse rétractation de Ziad Takieddine. C'est franceinfo - pourtant chaîne du service public - qui a choisi, au matin du jugement, d'inviter en plateau une avocate et ex-candidate... de l'UMP, parti de Sarkozy. Ce sont tous les médias qui ont laissé dire sans reprendre que l'affaire des financements libyens, "on n'y comprend rien", que "le document Mediapart était un faux" et qu'il "n'y a pas d'argent", ce qu'on a pu encore entendre sur CNews après le jugement et qu'a pu joyeusement répéter Nicolas Sarkozy, fraîchement condamné, à sa sortie d'audience, devant la bonnette-pas-encore-arrachée.

Mediapart a préféré en rire. Dans son direct sur la condamnation, le média en ligne a précisé que "la bonnette de Mediapart va bien" : "Ramenée indemne par nos vaillantes reportrices du palais de justice de Paris, notre bonnette à micro se porte bien, bien qu'encore un peu bouleversée d’avoir été jetée à terre par Carla Bruni-Sarkozy…" Plus humoristique encore, le média a choisi de repenser quelque peu son slogan, devenu, pour la journée : "Abonnette-vous !" Surtout, il a mis en page d'accueil son film documentaire Personne n'y comprend rien, qui revient en détails sur l'affaire des financements libyens et l'enquête de ses journalistes Karl Laske et Fabrice Arfi. Visionnage fortement recommandé à toute personne habituée des plateaux des chaînes d'info... et à toutes les autres aussi.

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