Mélenchon l'antisémite, acte 25. "Ruth Elkrief. Manipulatrice, tweete Jean-Luc Mélenchon dimanche 3 décembre, à 12 h 56, à peine terminée une émission de LCI  L'événement du dimanche. Si on n’injurie pas les musulmans, cette fanatique s'indigne. Quelle honte ! Bravo Manuel Bompard pour la réplique. Elkrief réduit toute la vie politique à son mépris des musulmans".

Immédiatement, c'est la ruée "Efface !" ordonne l'écologiste Marine Tondelier. C'est surtout la ruée des confrères et consoeurs. Pascal Praud (CNews) : "attaque inadmissible". Françoise Laborde (ex-France 2, ex-CSA) : "tweet immonde".  Anne Rosencher (directrice de L'Express, chroniqueuse à France Inter) : "La période que nous vivons est décidément glaçante. Des politiques jadis républicains cherchent à provoquer l’angoisse et la terreur chez ceux qui n’ont pas l’heur de leur plaire. Car c’est ce que cherche JL Mélenchon avec son tweet si terriblement lesté de notre histoire récente." 

Mais de la même manière que BFM avait rajouté à une citation de Dominique de Villepin le mot "juif" pour lester son procès en antisémitisme, Judith Waintraub (Le Figaro Magazine) interprète le sous-texte de l'attaque de Mélenchon : "Sans compter qu'elle appartient au lobby juif, n'est-ce pas ?" Et Apolline de Malherbe (BFM), de rapprocher cette attaque contre Ruth Elkrief de la campagne des médias Bolloré contre Patrick Cohen (France 5) à propos de la mort du jeune Thomas: ". P. Cohen ciblé par l'ext droite, R. Elkrief par l'ext gauche. Des journalistes qu'on cherche à intimider parce qu'ils seraient juifs? Ils ne seraient donc pas objectifs?" Elle n'est pas la seule. Dominique Seux (Les Echos, France Inter) : "Patrick Cohen et Ruth Elkrief ciblés cette semaine par l’extrême droite pour l’un, l’extrême gauche de JL Mélenchon pour l’autre… Qui sera surpris ? » Françoise  Degois (Sud Radio) : "Je note qu’en une semaine , l’ultra droite et ses relais (...) ont ciblé Patrick Cohen et l’extrême gauche de LFI ont ciblé Ruth Elkrief. Et de pointer "la drôle de coïncidence des patronymes juifs". Conclusion logique de Sylvain Attal (ex-Europe 1, LCI etc), dans un tweet non retiré à l'heure où j'écris : "Là, il devient urgent de mettre ce type hors d’état de nuire. Ses tweets sont des incitations au meurtre".

Que s'est-il passé ? Une passe d'armes entre Elkrief et son invité du dimanche Manuel Bompard (voir l'intégrale ici), à propos du thème décidément inusable de la nature, terroriste ou non, de l'attaque du 7-0ctobre, et de l'absence "d'empathie particulière"  de LFI pour les victimes israéliennes. 

Le journalisme d'opinion est légitime. Encore faut-il, s'agissant de télévisions bénéficiant de fréquences publiques qu'un certain pluralisme leur soit imposé. Le groupe TF1 a tout à fait le droit de maintenir à l'antenne une Ruth Elkrief défenseuse d'Israël jusqu'à se prendre les pieds dans sa calomnie d'Amnesty International, mais on préférerait entendre, à égalité, un défenseur tout aussi militant de la cause palestinienne. 

Quant aux politiques, leur parole est libre. Mélenchon a le droit de parler de "prémisses de génocide" à Gaza, il a même le droit de s'écrier à propos du Hamas, dans un extrait de discours diffusé par L'événement du dimanche "Gloire éternelle à ceux qui résistent !" Il a même le droit de critiquer Ruth Elkrief comme en face, on a le droit de la défendre. Les éditorialistes des chaînes d'info ne sont pas de simples spectateurs. Ce sont des acteurs politiques. Ils forment avec les politiques une "petite Cour" (voir notre petit livre de fin d'année. Vous ne l'avez pas encore commandé ? C'est là) dans laquelle on peine parfois à distinguer les uns des autres- cf, entre autres, le cas Roselyne Bachelot.

Ce qui reste irréductiblement détestable, pour les uns comme pour les autres, c'est l'insinuation. L'insinuation de l'imputation d'antisémitisme, à base de "je note une drôle de coïncidence" ou de "si terriblement lesté de notre histoire récente", est tout aussi détestable que l'insinuation antisémite à base d'attaques sournoises contre les "élites mondialisées", entre autres trouvailles. Ni plus, ni moins, et même si j'adorerais pouvoir enfin parler d'autre chose, je le répèterai autant que nécessaire.