Dure fin de trimestre dans la petite cour
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Dure fin de trimestre dans la petite cour

Rude fin de trimestre. Au conseil de classe, les sanctions sont tombées. Le député Antoine Léaument s'est livré à une assimilation entre d'une part le RN et d'autre part les nazis et les "descendants de Vichy" (l'envolée est là) ? Sanctionné.  Et pourtant, Elisabeth Borne avait estimé sensiblement la même chose, en qualifiant le RN "d'héritier de Pétain". Mais elle n'avait pas crié. Le député Bernalicis, lui, a crié trop fort et trop longtemps en commission, pour contester l'organisation du travail parlementaire ? Sanctionné, avec privation partielle d'indemnité.

L'écologiste Sandra Regol a rappelé, également en commission, que "au Rassemblement national, de nombreuses affaires concernant des pédophiles et des violeurs n’ont jamais été prises en compte" ?  Sanctionnée. La maitresse Yaël Braun-Pivet, assistée du bureau de l'Assemblée, a eu la main lourde en fin de trimestre (liste complète des sanctions ici), comme tout au long de l'année. Il est vrai qu'elle venait d'être gravement chahutée par une courte majorité de sa classe, RN compris, qui avait refusé d'emblée un débat sur l'immigration pourtant offert à eux par la minorité présidentielle, "sur un plateau d'argent". Elle-même avait eu beau transgresser les bonnes manières, et participer personnellement au vote, cela n'avait pas suffi.

Tout au long de l'année, dans notre chronique de La petite Cour, je me suis amusé (sur le mode, hâtons-nous d'en rire, de peur d'avoir à en pleurer) à analyser les péripéties médiatico-parlementaires sous l'angle purement moral et disciplinaire. Cette salve de sanctions vient ratifier ma petite blague.  La présidente Braun-Pivet, la vraie, est plus maîtresse débordée que Yaël dans nos chroniques. 

Léaument, Regol et les autres sanctionnés ont été excessifs (Regol l'admet elle-même) ? Ils ont crié trop fort ? Ils ont été injustes ? Oui, peut-être, sans doute, sûrement, et alors ? Les élus, pardon pour le gros mot, sont des responsables et des militants politiques. Et l'affrontement politique n'exclut certes pas, mais n'impose pas non plus, ni une exquise courtoisie, ni une pertinence historique incontestable, ni une irréprochable bonne foi. Toute violence physique exclue, bien entendu, au nom de quoi l'Assemblée impose-t-elle aux élus leur mode d'expression ? Les avocats bénéficient, dans leurs plaidoiries, d'une large immunité. Celle des représentants, dans l'exercice de leur mandat, doit-elle être plus limitée ? L'assimilation du RN au pétainisme et au nazisme, toute discutable qu'elle soit historiquement, doit-elle être interdite à des élus politiques ?

Plus largement, les éditorialistes bien-pensants, qui ont découvert un nouveau mot doux, reprochent en boucle à Mélenchon sa stratégie de "conflictualisation" universelle, comme si c'était lui et lui seul, alchimiste diabolique, qui "conflictualisait" des débats par ailleurs parfaitement sereins.  Comme si, avant Mélenchon, le débat parlementaire s'épanouissait au jardin d'Eden. Comme si, plus harmonieusement qu'entre les BravM et les manifestants, ou entre les BAC et les jeunes des quartiers populaires, il était possible entre élus de trouver des ententes, des compromis, autour de la recherche d'un racisme, d'une xénophobie acceptables. 

La recherche de compromis entre adversaires politiques pouvait être une stratégie entendable, avant que se précisent la perspective de l'accession du RN au pouvoir, et la "lepénisation" subséquente des partis de la droite traditionnelle, comme l'a montré l'épisode du débat avorté sur l'immigration. C'était une autre époque.

Pour revivre l'année de Yaël, Elisabeth, et de la terrifiante bande de cancres de Jean-Luc, la petite Cour est devenu un petit livre de fin d'année, illustré par Vincent Mahé, en vente exclusivement par correspondance, à un prix dérisoire. En l'achetant et en l'offrant, vous soutenez Arrêt sur images, toutes ses enquêtes scandaleuses, et toutes ses pensées subversives. Pour le feuilleter et l'acheter, c'est par ici.


Le blog Obsessions est publié sous la seule responsabilité de Daniel Schneidermann, sans relecture préalable de la rédaction en chef d'Arrêt sur images.

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