que ce que je vous disais dans les matinautes d' hier matin. Vous avez encore en mémoire les rodomontades de Hortefeux, "ami de trente ans", comme l'appellent les radios du matin, ministre en partance, expliquant qu'il avait pulvérisé son objectif chiffré de reconduites à la frontière ? Eh bien évidemment, ces chiffres sont totalement trafiqués. Patrick Weil, chercheur et spécialiste de l'immigration, expliquait dans une double page du Monde d'hier que les "vraies" reconduites, celles des étrangers que l'on ramène hors d'une zone de libre circulation vers la France, ne représentaient, sur les cinq premiers mois de 2008, que...46% du total.

Cette double page fourmille de révélations du même ordre. Des exemples ? Contrairement à ce que l'on avait pu redouter, les obtentions de droits d'asile ne sont pas en nette diminution. "Raison de l'accalmie", selon Weil: l'administration se concentre sur l'un des autres objectifs chiffrés fixés par Sarkozy: la proportion de 50% d'immigration du travail dans l'immigration totale. Les réfugiés n'étant pas comptabilisés dans l'immigration totale, peu importe d'en faire baisser la statistique. Vous apprendrez aussi comment l'administration s'y prend pour freiner, sans le dire, les procédures de naturalisation: dans une préfecture du Sud Est, un postulant s'est vu fixer en 2008 un rendez-vous en 2011, pour...déposer son dossier.

Je ne vous résume pas cette double page: elle est irrésumable. Il faut la lire entièrement, en se pinçant parfois pour vérifier que l'on a bien lu, devant ce qu'elle révèle de soumission de l'administration à des objectifs politiques contradictoires et ubuesques, en France, en 2009. Il y a peu de chances que cette enquête bénéficie de larges reprises. Révélant la supercherie des chiffres de Hortefeux, elle est évidemment dérangeante pour les médias sarkozystes. Mais elle est tout aussi dérangeante pour la nébuleuse anti-sarkozyste de la Toile, puisqu'elle laisse entrevoir, derrière le dragon du 20 Heures, le tigre de papier aux moulinets désordonnés. L'enquête est ici. Un autre article l'accompagnant est disponible. Mais vous pouvez aussi courir au kiosque, au vieux kiosque, et acheter Le Monde. Si les journaux publiaient tous les jours des enquêtes comme celle-ci, bien des questions sur l'avenir de la presse se trouveraient, d'un seul coup, résolues.