Un potager contre Panama
Le matinaute
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chronique

Un potager contre Panama

L'onde de choc des Panama papers, il est encore trop tôt pour en prédire les limites.

Mais il est peu probable qu'elle parvienne jusqu'à son débouché plutôt naturel : une insurrection mondiale des citoyens, obligeant l'oligarchie multiforme à mettre fin par tous les moyens au scandale de l'évasion fiscale. Je dis bien : des citoyens. De la base. Des sans-grade. Car le nombre de dirigeants politiques impliqués, d'Islande en Grande Bretagne, montre bien de quel côté ils pencheront mécaniquement, la palme (pour l'instant) revenant tout de même à Cameron, qui, selon le Financial Times, est intervenu auprès de l'UE pour que des mesures de transparence en préparation excluent les fonds analogues à celui de son père.

Combien représente l'évasion fiscale dans le monde ? Personne ne peut le chiffrer. Des milliers de milliards de dollars. Les Panama papers n'en donnent pas une idée plus précise, mais ils livrent une savoureuse galerie de portraits des évadés. Des chefs d'Etat et de gouvernement, en passant par Almodovar ou Vargas Llosa, une galerie de portraits qui pourrait bien cristalliser une prise de conscience terrifiante, que formule ainsi Anticor : "la crise a un nom : l'évasion fiscale. L'oligarchie financière a réussi à faire passer pour une "crise" ce qui n'est qu'un détournement accéléré de richesses dans de moins en moins de mains".

Cependant, l'ampleur même de cette prise de conscience, ses implications, pourraient être démobilisatrices. Devant la grande machinerie de l'évasion, devant ses complicités multiformes, ses raffinements technologico-juridiques, ses milliers de petites mains, le citoyen se sent irrémédiablement impuissant. Mettre à bas le système ? Il se reconstruira en une nuit. Que reste-t-il, alors, sinon en inventer un autre ? En hésitant. En tâtonnant. En tremblant. On peut rire, devant les interminables assemblées générales procédurières de Nuit Debout, devant leur allergie à tout ce qui pourrait ressembler à une tête qui dépasse, ou devant les quelques centimètres carrés de potager conquis sur le décor minéral. On peut rire, comme la polyphonie de défenseurs du système va commencer à s'y autoriser, la sidération passée. Riez donc. Mais cette recherche tâtonnante d'une démocratie des égaux, ce potager de la République, n'ont d'autre but que de chercher un chemin.. Ce potager n'est pas seulement un potager, c'est l'affirmation désespérée et tranquille qu'autre chose devrait, pourrait être possible, qu'il suffit de décider de creuser pour retrouver encore et toujours, sous les pavés, la terre. Qu'il n'est pas de dalle, si parfaite soit-elle, si lisse, si célébrée, si bien défendue, qui ne se démonte. Qu'il n'est pas de réappropriation qui ne se tente. Que rien n'est définitivement hors d'atteinte. Ce potager, c'est le premier aperçu fugace d'un autre monde. La seule réponse à portée de main aux Panama papers.

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