Shaoyao Liu / "Criminalisation" ? Les (mystérieux) réseaux mafieux chinois du Parisien
Brève

Shaoyao Liu / "Criminalisation" ? Les (mystérieux) réseaux mafieux chinois du Parisien

Les rassemblements en soutien de Shaoyao Liu gangrénés par la mafia ? Le Parisien évoque ce jeudi une note "ultra-confidentielle" de la DGSI qui prouverait que les manifestations en soutien à ce père de famille, abattu par la police dimanche dernier lors d'une intervention aux circonstances encore troubles, seraient noyautées par la mafia chinoise. Mais peu d'éléments précis semblent étayer la conclusion de la DGSI relayée par le quotidien.

Et voilà la mafia chinoise. Une "note secrète", "ultra-confidentielle" de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) révélerait, d'après Le Parisien, comment "des réseaux mafieux chinois sont à la manœuvre derrière les rassemblements en lien avec le décès de Shaoyo Liu et dans les violences qui les ont émaillés". Ce père de famille chinois est mort dimanche soir dernier, abattu par un policier alors que les forces de l'ordre intervenaient à son domicile. La version policière selon laquelle l'homme se serait précipité sur les policiers avec une arme est contestée par la famille de la victime, comme nous vous les racontions.

Le Parisien, 30 mars 2017

Depuis, plusieurs rassemblements en soutien à la famille ont été organisés, émaillés de heurts. Ce sont ces manifestations qui, d'après Le Parisien, seraient utilisées par des "réseaux mafieux [...] comme prétexte pour tenter d'étendre leur emprise sur cette communauté [chinoise]". Le quotidien évoque "des individus, défavorablement connus des services de police", et "parfaitement identifiés sur le terrain, tentant de noyauter les rassemblements à l'insu de la famille du quinquagénaire décédé". Parmi ces (mystérieux) individus, un "gros poisson d'Aubervilliers", "connu dans des affaires de jeux clandestins et de proxénétisme", explique le quotidien. Sans que l'on ait plus de détails sur ce "gros poisson", ou sur les autres "individus" - ni sur la manière dont ils noyauteraient les manifestations.

Les "bons relais" de Pékin dans le 13ème arrondissement de paris ?

Mais ce n'est pas tout, d'après Le Parisien. Le quotidien affirme qu'une "lutte d'influence se joue en sous-main" pour ces manifestations, entre les réseaux mafieux chinois et les autorités chinoises. Pourquoi ? "La note de la DGSI rappelle en substance que Pékin dispose de bons relais dans la communauté chinoise du XIIIème arrondissement parisien, où rien de ce qui s'y passe ne lui échappe, relate Le Parisien. En revanche, les Chinois installés dans le XIXème arrondissement de la capitale ou encore à Aubervilliers sont davantage menacés par l'emprise de réseaux mafieux". Encore une fois, on n'en saura pas plus sur les "bons relais" de Pékin dans le 13ème arrondissement de Paris – ni sur les liens entre 13ème et 19ème arrondissements. Ce qui n'empêche pas Le Parisien de relayer la conclusion de la DGSI : "Pékin surjouerait donc l'indignation depuis la mort de Shaoyo Liu et actionnerait ses propres relais afin de coaliser les communautés afin d'éviter de laisser le champ libre aux filières mafieuses et tenter de reprendre en main les jeunes réfractaires du mouvement".

Et Le Parisien de conclure, sur la base de la note de la DGSI : "L'ensemble des éléments relevés dans ce document secret tend à prouver que la mort de Shaoyo Liu fait l'objet de nombreuses récupérations, bien loin du désir de vérité affiché et réclamé par la famille du défunt". Une famille qui appelle depuis plusieurs jours au calme lors des manifestations.

Avant le Parisien, le Monde évoquait aussi des "figures du milieu chinois"

Avant même la publication de cette note "classée confidentiel-secret" diffusée par Le Parisien, Le Monde évoquait déjà, en passant, une implication possible de la mafia chinoise le 29 mars dernier. "Une partie de la communauté chinoise était plus ennuyée, mardi 28 mars, par d'autres acteurs de la mobilisation. Peu connus du grand public mais très influents. Trois personnages considérés, selon nos informations, comme des figures du «milieu» chinois, au casier judiciaire chargé".

Le Monde, 29 mars 2017

Quels sont ces trois personnages ? Le Monde évoquait un certain Cao Hua Qin, "notamment connu pour des affaires de proxénétisme, de jeux clandestins et d'association de malfaiteurs", qui "assure une forme de clientélisme dans le quartier des Quatre-Chemins à Aubervilliers, où il organise des milices d'autodéfense". Peut-être le "gros poisson" évoqué plus tard par Le Parisien ? Le Monde évoque également "une autre figure du «milieu»", dont on ne saura pas grand chose de plus. Le quotidien, contrairement au Parisien, n'évoquait jamais la possibilité que les autorités chinoises puissent "surjouer" leur colère pour contrer une éventuelle influence mafieuse sur les manifestations.

Criminaliser pour décrédibiliser ?

Ces fuites surviennent alors que des militants antiracistes, et contre les violences policières, ont exprimé ces derniers jours la crainte que les victimes de ces violences soient "criminalisées". Le Monde citait par exemple Assa Traoré, la soeur d'Adama Traoré, mort en juillet dernier lors d'une violente interpellation. Reçue sur notre plateau pour parler de son combat, Traoré est venue soutenir les manifestants et la famille, comme le racontait Le Monde : "«Ils vont criminaliser les victimes, ils vont dire que ce sont des fous !».

Criminaliser les victimes et les mouvements de soutien à la famille - la militante antiraciste Sihame Assbague a exprimé ce vendredi les mêmes craintes sur Twitter. S'en prenant directement à l'article du Parisien, elle s'agace notamment : "C'est un procédé classique de dépossession et de criminalisation des protestations contre la brutalité policière. On entend souvent ça." Elle continue : "A cela s'ajoute évidemment la criminalisation des victimes elles-mêmes et de leurs familles. «Salir» des mouvements pour les décrédibiliser." La militante établit un parallèle avec des événements plus anciens : "En 2005, par exemple, on avait accusé les «islamistes» d'être derrière les révoltes urbaines qui ont éclaté après la mort de Zyed et Bouna". A l'époque, des articles évoquaient la crainte soulevée par plusieurs responsables politiques que les "islamistes" ne récupèrent les émeutes de banlieues à leur profit.

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