Kalachnikov : gros titres, chiffres vagues
Brève

Kalachnikov : gros titres, chiffres vagues

C'est la Une qui tue : "Marseille, la kalach ne fait pas de quartier". Libération a consacré sa Une et trois pages à l'insécurité à Marseille au lendemain de "fusillades à l'arme de guerre dans une ville violence qui a connu trois préfets". Une kalachnikov en une, un titre choc en page intérieure ("A Marseille, les armes descendent dans la rue"), suivi d'un chiffre non moins sensationnel ("une kalachnikov à partir de 750 euros"), il y a de quoi avoir peur. D'autant plus que Le JDD y est également allé de sa rafale en publiant une cartographie des faits divers de ces trois derniers mois impliquant des délinquants armés de Kalachnikov. Pourtant, les statistiques globales décrivant le phénomène manquent.


"En cinq jours, trois faits divers, trois morts, deux blessés graves". Faits divers à la Une de Libé avec en vedette, la Kalachnikov. C'est avec cette arme qu'un homme cagoulé "a vidé quasiment un chargeur entier (30 balles)" dans un quartier de Marseille Nord le 1er décembre. Deux jours plus tôt, deux jeunes de 21 et 22 ans avaient braqué un magasin de bricolage dans la ville avec une Kalachnikov. Le même jour, une fusillade a éclaté à Vitrolles. Des actes isolés ou une banalisation de l'utilisation de ces armes de guerre ? Les titres chocs de Libé sont à relativiser à la lecture des articles. Car sur les 11 premiers mois de l'année 2011, la baisse des homicides est l'ordre de 26,9% dans les Bouches du Rhône.

Et à Marseille ? Le chiffre est stable d'une année sur l'autre (31 victimes en 2011, 29 en 2010) mais en forte hausse par rapport à 2009 (19 victimes). La Kalachnikov a-t-elle envahi Marseille et tout le territoire ? Impossible de le savoir. "Celui qui vous lance un chiffre est un imposteur. Nous savons combien nous en trouvons, pas combien il y en a dans les cités. Je ne suis pas certain qu’il y en ait beaucoup. Une cinquantaine suffit à faire beaucoup de mal", explique un des patrons de la police de Marseille à Libération. En 2011, la sécurité publique et la PJ en ont trouvé une dizaine, "un total sensiblement égal à 2010" indique Libé qui précise que cette année-là, les saisies avaient fait un bond... sans que l'on sache le chiffre exact.

Les rafales du JDD

Sur ce sujet, Le JDD est plus catégorique : "la banalisation d'armes de guerre inquiète les spécialistes qui pointent l'amateurisme des nouveaux utilisateurs de fusils d'assaut". Et le journal de nous présenter une cartographie des faits divers garantis "avec Kalachnikov" au cours des trois derniers mois.... sans pour autant indiquer non plus de statistiques comparatives avec les autres années.

Que ce soit dans Le JDD ou Libération, un seul chiffre revient, celui du nombre d'armes saisies : "2 710 saisies d’armes à feu en France en 2010 (dont 3% d’armes de guerre)". Pas de statistiques précises sur les Kalachnikov donc, mais un nombre de saisies globales en forte augmentation (+79%) entre 2009 et 2010 selon la Direction centrale de la police judiciaire, citée par Le Figaro qui titre sur "l'explosion des saisies d'armes en France". Et cela n'irait pas en s'arrangeant, puisque d'après Le JDD, on en serait déjà à 3 405 armes saisies depuis le début de l'année 2011 (contre 2710 en 2010) avec des armes de guerre type Kalachnikov représentant "entre 3 et 4% selon les années" (ce qui ferait environ 150 Kalachnikov saisies chaque année).

Mais toutes ces statistiques restent bien vagues.

Car un article du Figaro publié en décembre 2009 donnait des chiffres pour les années précédentes encore plus élevés s'agissant du nombre total des saisies : "De 4 400 saisies par la police et la gendarmerie en 2005, le nombre est passé à environ 4 000 en 2006, 3 400 en 2007, puis 4 000 à nouveau en 2008". Des chiffres nettement plus élevés que les 2710 saisies de 2010 donc. D'ailleurs, Le Figaro reconnaissait à l'époque que sur ce sujet, "la statistique nationale reste assez floue". Jérôme Pierrat, un journaliste présenté par le site d'information de France Télévisions comme un spécialiste du crime organisé, évoque même un "fantasme"... sans pour autant citer des statistiques officielles. "C'est impossible de quantifier" le nombre de Kalachnikov en circulation reconnaît-il.

 

Si le nombre exact de Kalachnikov en circulation est inconnu, qu'en est-il des faits divers impliquant des déliquants qui font usage de cette arme ? Une petite recherche sur le site du Figaro indique bien une recrudescence des dépêches évoquant cette marque de mitraillettes : 8 dépêches Kalachnikov en 2011 (essentiellement pour des faits commis à Marseille), 8 en 2010, 2 en 2009, 0 en 2008 et 5 en 2007. Faut-il y voir une recrudescence des faits avec cette arme ou une nouvelle obsession journalistique ? Faute de statistiques précises, impossible de trancher.

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