Bilger attaque Courroye, avec style
Brève

Bilger attaque Courroye, avec style

Philippe Bilger écrit comme personne les critiques assassines, habilement déguisées en compliments ou en expressions d'inquiétude sincère pour les personnes qu'il cible.

Exemple éclatant avec le plus récent billet de blog de l'avocat général de la cour d'appel de Paris (qui prend sa retraite dans quelques jours). Il est consacré à Philippe Courroye, le procureur de Nanterre, qui devrait être mis en examen pour avoir fait surveiller les communications téléphoniques du journaliste du Monde Gérard Davet.

Le titre du billet, "Philippe Courroye victime et présumé innocent" pourrait faire comprendre que Bilger le soutient. C'est très loin d'être le cas, mais c'est dit avec d'élégantes et savoureuses circonlocutions. Admirez la façon dont les attaques sont glissées parmi les compliments: "J'ai toujours considéré que Philippe Courroye appartenait, même s'il le sait et le dit trop, à la catégorie peu peuplée des très grands magistrats grâce à son intelligence et à sa passion pour la justice, du moins à une certaine époque, avant que l'encens du pouvoir vienne le troubler. Je n'oublie pas qu'il a été le premier juge d'instruction qui à Lyon a permis l'irruption dans notre espace d'une affaire politico-financière gravissime et la condamnation d'Alain Carignon."

Autre modèle d'éloge et de reproche mêlés : "Ses qualités exceptionnelles, son énergie, sa compétence, son ambition longtemps légitime ne pouvaient, si on avait bien voulu le laisser mener seul sa barque sans le tenter par des perspectives de gloire facile et d'amitié présidentielle, que le conduire naturellement au plus haut d'un destin judiciaire." En d'autres termes, si Courroye est une "victime", c'est surtout, assure Bilger, de lui-même. Ou plutôt, de Nicolas Sarkozy, qui l'a laissé seul face à son égo et son appétit de pouvoir démesuré. Bilger accuse l'Elysée d'avoir "favorisé l'exercice solitaire et impérieux d'un pouvoir qui, vite abusif, l'a incité à ne plus percevoir les limites, la décence professionnelle et les obligations banales qu'impose la justice". "On lui a facilité le chemin entre soi et le pire de soi", fait mine de regretter le magistrat-blogueur. Avant de frapper encore une fois : "Il y a non assistance à magistrat éperdu de vanité."

Vive les juges d'instruction !



Et Bilger prend prétexte de cette attaque en règle pour confesser une faute personnelle : il a soutenu un temps la suppression du juge d'instruction, voulue à toute force par Nicolas Sarkozy, et enterrée depuis. "J'ai pensé que même dans un Etat de droit imparfait, une République guère exemplaire, le juge d'instruction pouvait être supprimé au bénéfice d'un parquet qui découvrirait organiquement en quelque sorte (…) les charmes et l'honneur de l'indépendance. (…) A l'évidence, c'était un voeu pieux, une généreuse mais naïve utopie. Je me suis totalement trompé."

Le billet se termine donc sur un éloge des juges d'instruction : "Je n'ose imaginer ce qu'aurait été la justice actuellement si nous n'avions pas des juges d'instruction à Bordeaux et quatre au moins à Paris qui, grâce à leur pratique, nous rendent fiers de la magistrature." C'est à Bordeaux que des juges d'instruction enquêtent sur l'affaire Bettencourt. Et dans le décompte parisien de Bilger, on imagine trouver Sylvia Zimermann, la magistrate qui veut mettre Courroye en examen, et, peut-être, Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, qui enquêtent sur le volet financier de l'affaire Karachi, ainsi que Marc Trévidic, qui travaille sur l'attentat lui-même et a été le premier à pointer un possible financement illégal de la campagne de Balladur en 1995.

Bilger s'était expliqué sur notre plateau sur sa pratique du blog, et son style si particulier : écoutez-le !

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