C'est un déjeuner qui fait jaser. Le 17 janvier, Emmanuel Macron reçoit à sa table dix journalistes et éditorialistes du Monde, de BFMTV, du Figaro, bref les grands médias sont là. Avec une consigne, le président va parler, mais c'est off. En clair : les journalistes peuvent raconter ce qui s'est dit, mais sans citer directement Emmanuel Macron, qui joue la distance et le retrait en pleine contestation de son projet de réforme des retraites. Et c'est comme ça que vous avez pu lire dans les jours suivants des citations attribuées à "l'entourage du président", à des "proches du chef de l'État", ou même, à "l'Élysée". 

D'un côté, on étrille une pratique réservée à des happy few, quelques journalistes triés sur le volet (comment d'ailleurs ?). De l'autre, on défend une pratique omniprésente en politique, et une hypocrisie : tous les journalistes et tous les politiques pratiquent le off. Mais un président peut-il parler en off ? Comment l'encadrer, comment le pratiquer ? Un député insoumis va jusqu'à réclamer une commission d'enquête… alors qu'il se murmure que même Jean-Luc Mélenchon déjeune avec des journalistes… en off bien sûr. Autour de la table pour en discuter, Olivier Pérou, journaliste politique à l'Express, Stéphane Vernay, directeur de la rédaction parisienne d'Ouest-France qui était présent au fameux déjeuner, et Ilyes Ramdani, journaliste politique chez Mediapart.

"Le off est indispensable"

Stéphane Vernay était le seul représentant de la presse régionale autour de la table avec Emmanuel Macron. Il défend sa présence au déjeuner, et explique, agenda à l'appui, qu'il déjeune avec les représentants de tous les partis, régulièrement. Il indique également qu'il a choisi d'expliquer à ses lecteurs que le président Macron faisait passer ses éléments de langage lors de déjeuners en petit comité.

Les journalistes perdent du terrain face à la Macronie

Les journalistes tolèrent-ils trop facilement les règles du off imposées par les politiques ? Ilyes Ramdani craint une perte de terrain dans le rapport de force, alors qu'Olivier Pérou concède une "faillite collective" : celle de n'avoir pas compris assez vite que la macronie ne jouait plus dans la même cour en terme de communication.

"Olivier Dussopt refuse de déjeuner avec «Mediapart»"

Pour Ilyes Ramdani, le problème que posent ces déjeuners à la discrétion du politique est démocratique. Depuis que Mediapart a publié une enquête sur lui, le ministre du Travail Olivier Dussopt refuse tout contact avec les journalistes du site. Les empêchant ainsi d'avoir accès au principal ministre concerné par la réforme des retraites.

Guerre au PS, "L'Express" craque le off

En pleine guerre pour la présidence du PS entre Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol, Olivier Pérou se voit proposer, par le camp Mayer-Rossignol, un enregistrement d'une réunion censée rester secrète. Le journaliste, comprenant qu'il a là un élément plus important par son existence même que par son contenu, décide de révéler à ses lecteurs que la fuite est orchestrée, et que les deux camps ne s'interdisent aucun coup bas. 

Pour aller plus loin

- Notre enquête sur les éléments de langage distillés par Emmanuel Macron pendant le fameux déjeuner du 17 janvier, un article de 2020 sur le "destin contrarié" d'un précédent off de Macron.
- L'article de Stéphane Vernay dans lequel il raconte qu'Emmanuel Macron organise des déjeuners avec des journalistes.
- Le récit d'Olivier Pérou sur les coups bas au Congrès du PS.
- L'enquête de Mediapart qui a fâché Olivier Dussopt.