Rétrocommissions : l'Elysée impliqué par un témoin (Mediapart)
Brève

Rétrocommissions : l'Elysée impliqué par un témoin (Mediapart)


Coup dur pour Nicolas Sarkozy. Le président répète depuis plusieurs mois qu'il n'a rien à voir avec le financement illégal, de plus en plus probable, de la campagne électorale d'Edouard Balladur en 1995. Pourtant, un témoin important vient de révéler que l'Elysée suivait de près jusqu'en 2009 le devenir des sociétés créées (avec son aval) pour faire circuler l'argent issu de rétrocommissions dans le cadre de ventes d'armes au Pakistan.

C'est Mediapart qui révèle le contenu de l'audition de ce témoin, un ancien haut gradé de la DGSE Alain Juillet, par le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke la semaine dernière. Nous avions expliqué longuement sur notre plateau (dans le dernier acte) ce qui liait Nicolas Sarkozy et ces deux sociétés-écrans, basées au Luxembourg, Heine et Eurolux. Le dirigeant de ces sociétés, Jean-Marie Boivin, a obtenu en 2009 la promesse de se voir verser 8 millions d'euros, apparemment suite à des menaces de chantage sur le rôle de Heine dans le financement politique français.

Dans son témoignage de première main, Juillet confirme ce qui avait été subodoré dans notre émission : l'Elysée a supervisé les négociations avec Boivin. "Début juin 2008, Bernard Delpit, adjoint de François Pérol à l'Elysée (Pérol était alors secrétaire général adjoint de la présidence, ndlr) me téléphone et me dit: «On a un problème. Quelqu'un nous a écrit en nous demandant des indemnités très importantes. Est-ce que vous pouvez voir ce qu'il y a derrière tout cela?»", indique Juillet, qui était à l'époque "haut responsable à l'intelligence économique (HRIE) à Matignon, auprès du premier ministre. C'est-à-dire un spécialiste des affaires réservées", écrit Mediapart.

"Je me suis aperçu (...) qu'il y avait des histoires dont personne ne voulait parler mais qui existaient en dessous et qui faisait que Boivin se sentait très fort (...) En effet, dans la société Heine, il y avait des quantités de mouvements financiers", glisse le témoin. Mais il affirme qu'"à l'époque, ces commissions étaient légales". En effet, jusqu'en 2000, verser des commissions à divers intermédiaires pour emporter un contrat était autorisé pour les industriels français. Sauf que les sociétés luxembourgeoises sont fortement soupçonnées d'avoir servi à "faire revenir" une partie de cet argent vers des responsables politiques français, ce qui a toujours été interdit. Et pourquoi trouver un accord à 8 millions d'euros si tous les agissements de ces sociétés étaient légaux ?

"Je pensais qu'il n'était pas de l'intérêt général que toutes ces histoires sortent dans les médias luxembourgeois ou ailleurs. (…) J'étais convaincu qu'il avait des archives et qu'il valait mieux les récupérer et négocier avec lui une indemnité de départ raisonnable", indique Juillet. Il affirme avoir obtenu le feu vert de l'Elysée pour négocier avec Boivin. A noter : malgré l'accord de janvier, le paiement de 8 millions d'euros n'a pasencore  été effectué.

Cependant, détail important, Boivin précise n'être arrivé à conclure aucun accord. Il aurait seulement appris par la presse qu’un deal avait bien été passé avec Boivin, en janvier2009, alors qu'il négociait encore avec lui : "Je n’en suis pas revenu, pour moi ce n’était pas possible, affirme-t-il. (...) Je me suis demandé si, en parallèle, il n'y avait pas eu une autre négociation. Et si je n'avais pas, en définitive, été une espèce de paravent."

Mise à jour - 24/12 : Interrogé par Guillaume Dasquié dans Libération, Juillet ne met pas en cause directement Nicolas Sarkozy, notamment dans la création de Heine : elle aurait bien été "«validée par l’administration des finances, comme c’était le cas à l’époque pour toutes les sociétés de ce genre, quand c’était légal», mais cette validation «se passait à un niveau bien inférieur à celui du ministre des Finances»". Ce n'est pas la première fois qu'un témoin atténue dans Libé la portée de ses déclarations devant le juge, reprises par Mediapart : c'était déjà le cas pour Michel Mazens, dont Mediapart assurait qu'il avait fait le lien entre l'arrêt du versement des commissions et l'attentat du 8 mai 2002 à Karachi, qui a tué quatorze personnes, dont onze Français. Interrogé par Libé, il avait démenti.

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