Belattar : "J'ai invité Pujadas à boire un verre au bar de Sevran"

Arrêt sur images

Valls, Macron, CCIF, Printemps Républicain : Yassine Belattar parle

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L'émission
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  • Avec
    Yassine Belattar
  • Presentation
    Daniel Schneidermann
  • Préparation
    Adèle Bellot et Juliette Gramaglia
  • Réalisation
    Antoine Streiff
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Mais pourquoi tant de haine ? Depuis de longs mois, un humoriste en France est objet de la vindicte vigilante de quelques twittos bien organisés, et aussi de certains responsables politiques alors que tout de même d’autres responsables politiques, parfois même très éminents, le protègent discrètement. Pourquoi tant de haine contre Yassine Belattar, alors qu’il pratique un humour, somme toute, bienveillant, ou chacun en prend pour son grade. Est-ce que ça veut dire que décidément, certains ne supportent pas la réussite en France d’un artiste surnommé Yassine, ou alors cette aversion contre vous est elle aussi provoquée par votre propre désir de vous instituer en symbole des victimes de l’islamophobie en France. Grand entretien avec l’humoriste Yassine Belattar, animateur des "30 Glorieuses" sur Radio Nova, en tournée avec son spectacle "Ingérable" et animateur du podcast "Indéfendable".

De la Nomination de Belattar au conseil présidentiel des villes

Retour sur la dernière polémique en date : le 13 mars, le Bondy Blog révèle que Yassine Belattar (déjà reçu en juillet 2016 sur notre plateau) a été approché, parmi d’autres personnalités, pour faire partie du nouveau conseil présidentiel des villes d’Emmanuel Macron. Une décision qui déplaît fortement à l’ancien premier ministre, Manuel Valls, qui la qualifie de "faute". Mais qu’est-ce donc que le conseil présidentiel des villes ? Il s’agit de réunir des membres de la société civile pour évoquer leurs expériences liées à la banlieue, explique Belattar. "Ce qui m’inquiète vraiment, c’est l’islamisation des quartiers", confie l’humoriste : "Le fait qu’on les a tellement appelés musulmans qu'aujourd'hui, beaucoup de gens dans les quartiers se considèrent davantage comme musulmans que comme Français".

Mais quelle efficacité pour ce conseil, alors qu’une mission est déjà menée par l'ancien ministre Jean-Louis Borloo, à laquelle collabore également Belattar, pour faire des propositions pour les quartiers et leurs habitants ? Un rapport, prévu au départ pour mars, n’a pas encore été rendu. Et la mission ne se déroule pas sans accroc, au vu de la démission, mardi 27 mars, du maire de Sevran Stéphane Gatignon. La goutte d’eau ? Une réunion avec Borloo, le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard… et le chien de ce dernier, qui a aboyé. "Le ministre, quand il vient avec son chien, il n’est plus ministre", note Belattar. "Ça montre qu’il y a des maires qui n’en peuvent plus, et qui tentent de parler avec un Etat qui, parfois, ne s’en rend pas compte". Comment changer cela ? "La vraie question c’est : qu’est-ce qu’un Français peut faire aujourd'hui pour aider l’Etat ?", insiste Belattar, qui précise qu’il n’est pas payé pour participer au conseil présidentiel des villes. "Nous on est juste des médecins, on pose des diagnostique, mais c’est pas moi qui opère, c’est le rôle de Macron".

Belattar investit dans le bar "interdit aux femmes"

Retour sur la ville de Sevran : Yassine Belattar a annoncé avoir investi dans le "Jockey Club". Le fameux bar "interdit aux femmes" (selon le JT de France 2 en décembre 2016) – et qui ne l’était pas, comme l’avaient prouvés le Bondy Blog et notre propre émission. "Le but c’est que ça ne soit pas le bar de Sevran, mais un bar à Sevran". Pourtant, aucun journaliste ne l’a contacté pour rencontrer le patron du bar, regrette l’humoriste. "Quand on fait une erreur journalistique, qu’est-ce que ça nous coûte de s’excuser ?". Il explique avoir même invité David Pujadas, ancien présentateur du JT de France 2, à "boire un verre" dans le fameux bar. Invitation renouvelée sur notre plateau. Pujadas a-t-il admis que ce reportage sur le bar de Sevran était erroné ? "Pour lui c’est pas un histoire de faux, parce qu’il a pas tous les bons interlocuteurs – il a qu’une moitié de la vérité", modère Belattar.

Un article outrancier de marianne contre Belattar

Retour maintenant sur "l’affaire Marianne". Mi-décembre, l’hebdomadaire publie un article au vitriol, qualifiant Yassine Belattar de "faux clown et vrai danger", faisant dans le "déni de l’islamisme" et "shooté au néo-racisme". Au cœur de ces reproches : une citation tronquée et modifiée. A cette occasion, on a appris qu’Emmanuel Macron avait envoyé des SMS de soutien à Belattar.

La vérité rétablie, l'histoire est-elle finie ? "Je peux faire 700 émissions de bon sens, ça ne vaudra jamais le bad buzz qu’a enclenché Marianne". Belattar explique souffrir encore aujourd'hui de l’insinuation d’antisémitisme véhiculée par Marianne. "Qu’est-ce que c’est que cette connerie de journalisme d’opinion, où on peut insulter quelqu'un et dire « mais j’ai juste donné mon point de vue »", s'énerve l'humoriste. "Sur le service public, on a remplacé des émissions comme Arrêt sur images par des gens comme Eric Zemmour".

Le Printemps Républicain contre Belattar

Mais qui est derrière ces attaques et accusations répétées contre Belattar ? Parmi ses détracteurs, le Printemps Républicain, un mouvement politique lancé en mars 2016. Il a été co-fondé par le politologue Laurent Bouvet, récemment nommé au "Conseil des sages" du ministre de l’éducation, et Gilles Clavreul, à l’époque délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Dilcra), placé sous l’autorité de Manuel Valls, à l’époque premier ministre. Ils se présentent comme un mouvement de défense de la laïcité, mais leurs détracteurs leur reprochent d’en avoir une vision trop radicale. Le Printemps Républicain s’est distingué ces deux dernières années par les multiples batailles et polémiques Twitter déclenchées au fil des semaines sur des sujets se rapportant très souvent à l’islam et la laïcité. Dernière grosse polémique en date : ils ont été accusés d’avoir poussé au départ de la jeune chanteuse Mennel Ibtissem de The Voice.

Parmi les reproches principaux faits à Belattar : celui selon lequel celui-ci serait proche du CCIF, le collectif contre l’islamophobie en France. Le CCIF existe depuis une quinzaine d’années, et est très actif médiatiquement depuis une petite dizaine d’années. Il est notamment à l’origine d’un rapport annuel recensant les actes d’islamophobie En 2015, l’humoriste a animé leur gala annuel. "A ce moment-là, je n’ai aucun problème à animer ce gala", se souvient Belattar. "Ça raconte quelque chose en France, le CCIF". Mais les contacts avec le CCIF s’arrêtent là, ajoute l’humoriste. "Depuis maintenant trois ans, la ligne dans laquelle a pu aller le CCIF, a pu ne pas être la mienne". Concernant par exemple la non-sélection de Karim Benzema en coupe de l’Euro, dénoncée par le CCIF. "Je n’aime pas qu’on racialise tout, d’un côté comme de l’autre". Yassine Belattar dénonce les campagnes menées par le Printemps Républicain, contre Mennel Ibtissem ou encore Rokhaya Diallo (nommée puis évincée du Conseil national du numérique).

Belattar dénonce une forme de radicalisation de la laïcité. "Pendant trente ans, on m’a volé le mot patriote, c’était le mot du FN. Je suis très fier de dire que je suis patriote. Maintenant j’enclenche un nouveau combat, c’est le mot laïcité". Malgré les conséquences néfastes que cela peut avoir : Belattar rappelle que sept de ses dates de spectacle ont été annulées"Si je n’avais pas fait partie de l’espace médiatique, j’aurais été balayé", maintient l'humoriste. Cette entreprise de "dieudonnisation" n’est-elle pas contrebalancée par le soutien de Macron ? Non, pour l’humoriste.

En novembre 2017, Yassine Belattar qualifiait Manuel Valls de "premier ministre sordide". Y aurait-il un Belattar sur scène, et un autre sur les plateaux ? "Je parle avec mon cœur, avec mes tripes", se défend Belattar, quel que soit le lieu. "Le terreau de la haine n’était pas celui sur lequel je voulais m’appuyer pour faire des blagues", admet-il. Pourtant, des événements comme le meurtre de Mireille Knoll ne peuvent que l’inquiéter.

"Je ne soutiens pas aveuglément Emmanuel Macron"

N’est-ce pas gênant d’être proche de présidents de la République, que ce soit François Hollande ou Emmanuel Macron, quand le travail d’un humoriste est aussi de se moquer des politiques ? Comment Yassine Belattar perçoit-il le projet économique macronien ? "Je pense que l’ubérisation de la société est extrêmement préjudiciable", répond l'humoriste. "Oui je suis indigné qu’on ait pris 5€ sur les APL, sur la façon dont on traite les migrants". Même ton sur le projet de privatisation de la SNCF : "Je ne soutiens pas aveuglément Emmanuel Macron"

"Toute l’actualité me touche, évidemment". Mais "si je commence à m’engager sur la cause des migrants, je vais mal le faire, je ne suis pas légitime". Yassine Belattar, donc, se concentre sur les banlieues. Avec un nouveau projet, notamment : il a aidé Théo Luhaka, agressé il y a plus d’un an par des policiers (nous avions consacré une émission à cette affaire), à fonder une association. L’idée : demander à des footballeurs français de reverser 1% de leur salaire pour que cet argent soit reversé dans la construction d’équipements culturels. "Mon rôle, c’est de construire des ponts : si les gens aujourd'hui arrivent à rire avec moi d’eux-mêmes, ce sera une belle victoire". 

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