"Il y a une dimension transgressive dans Pokémon GO"

Arrêt sur images

Véritable phénomène ou création médiatique ? Le débat

L'émission
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C'est la deuxième panique de l'été, après la polémique sur le burkini. Il paraît que des milliers de jeunes envahissent l'espace public pour... jouer. Pour chasser des petites bêtes virtuelles de toutes catégories. Le jeu Pokémon Go est-il le dernier piège virtuel dans lequel est tombée la jeunesse décérébrée des pays occidentaux ? Ou bien, au contraire, le support inédit de socialisations sophistiquées ? A moins que que ce ne soit simplement qu'un jeu. Ces questions, nous les posons à Mélanie Christin, co-fondatrice du studio indépendant Atelier 801, Mathieu Triclot, philosophe, auteur de La philosophie des jeux vidéo (2011 - Editions Zones) et Ambroise Garel, rédacteur en chef de Canard PC. Autour de la table également la nouvelle chroniqueuse d'@si, l'humoriste Océanerosemarie.

Le résumé de l'émission, par Robin Andraca :

[Acte 1] L'été terminé, que retenir du "phénomène" Pokémon Go, qui a poussé des milliers de jeunes en France à descendre dans les rues, équipés de leur téléphone portable ? "En terme de nombre d'utilisateurs, c'est un phénomène", estime Garel. "Mais c'est aussi un phénomène médiatique, parce que ça fait des images. Quand des dizaines de millions de personnes jouent à Call of Duty, elles jouent dans leur salon. On ne les voit pas et on va pas envoyer une équipe de TF1 casser la porte de chez eux pour aller les filmer". Pour Triclot, "on a vu des choses ahurissantes cet été dans les rues, sur les places. Une espèce de mini-émeute joyeuse un peu partout".

Une "mini-émeute" joyeuse qui désespère Alain Badiou, interrogé sur France Inter. Le philosophe, ex-maoïste, préfèrerait en effet que les jeunes descendent dans la rue pour faire la révolution. Pour Triclot, ce n'est pas incompatible. "Là où je peux me reconnaître avec Badiou, c'est qu'effectivement il y a des choses plus sérieuses dans la vie que Pokémon Go. Mais là, on crée une fausse alternative. Dans le discours de Badiou c'est : «ou vous jouez à Pokémon Go, ou vous faîtes la révolution». Depuis quand cette alternative-là est-elle sérieuse ?". Pour Triclot, le jeu de Niantic aurait même des vertus... émancipatrices : "On redécouvre l'environnement autour de soi, de manière différente, on va dans des lieux dans lesquels on n'allait plus. On a des relations sociales avec des gens avec qui on n'aurait jamais parlé d'habitude".

[Acte 2] Peut-on faire la révolution et jouer à côté à Pokémon Go ? Oui pour Océanerosemarie, qui n'évacue jamais la question politique dans ses spectacles. "Ça ne change rien. C'est un temps de jeu que je prends. Je fais quelque chose qui ne sert à rien. Ça marche dans un système hypercapitaliste, mais c'est un moment où l'on peut jouer". Inutile ou émancipateur ce jeu qui utilise le principe de réalité augmentée ? Et si c'était les deux ? Pour Triclot, c'est le caractère contradictoire de Pokémon Go qui le rend si passionnant. "D'un côté, vous avez ce truc extraordinaire, où des gens se réapproprient l'espace public par le jeu et par l'esprit du jeu. D'un autre côté, tout cela est capté dans un dispositif qui est celui de Google, de Niantic, qui est celui de la captation de données".

[Acte 3] Comme le rappelle Christin sur le plateau, "Niantic est issu de Google". Initialement créée en 2010 comme une start-up interne du groupe Google, l'entreprise, dont l'objectif était d'inventer de nouvelles formes d'interactions en lien avec les services de cartographie du groupe, est devenu indépendante en août 2015, au moment de la réorganisation du géant américain pour constituer le conglomérat "Alphabet". Mais pas pour très longtemps : en octobre 2015, Google est entré (aux côtés de Nintendo et de The Pokémon Company) au capital de... Niantic pour un montant de 20 millions de dollars, avec une rallonge de 10 millions de dollars prévus "si certaines performances sont atteintes". Que va faire Niantic de toutes ces données ? On n'en sait rien pour l'instant.

Une autre preuve de la fameuse "indépendance" de Niantic ? Comme le montre la capture d'écran ci-dessous, réalisée aujourd'hui sur le téléphone de notre webmaster Sébastien Bourgine, l'application Google Maps propose désormais à ses abonnés... d'ajouter l'activité "Chasse aux Pokémons" dans leurs trajets.

Aspect commercial toujours : alors qu'au Japon, Niantic vient de signer un partenariat avec McDonald's pour transformer les fast-food en pokéstops, en France certains commerçants jouent aussi, non pas pour attraper des Pokémons, mais pour attirer des clients. "Pour l'instant, il n'y a pas de démarche de partenariat de Niantic en France. Les commerçants profitent juste de l'espace de jeu qui leur est offert", précise Christin.

[Acte 4] Mais au fait, Pokémon Go va-t-il durer ? "On ne reverra clairement plus les foules qu'on a vues à La Villette", pour Christin. "Pokémon Go, c'était peut-être l'affaire d'un été", selon Triclot. Enfin, Garel revient sur la dimension "intime" de Pokémon Go : "Quand on joue à Pokémon, surtout quand on arrive dans les gros repères de joueurs, quand on arrive seul avec son portable, c'est une pratique extrêmement solitaire, parce qu'on a l'impression d'être seul à jouer, et en même temps on se rend compte que tous les gens font la même chose. Il y a une sorte de connivence, de secret partagé avec une foule". La contradiction, encore.



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