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Et si Antigone n'était pas celle que nous croyons ?

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Bonjour,              

Je me permettrai de commencer par dire que c’est non seulement courageux, d’entreprendre une chronique d’une petite vingtaine de minutes sur les transcriptions d’un mythe dans les discours act(...)

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Merci pour ce long exposé très pertinent.

 Même s'il n'est pas interdit de chercher les limites d'interprétation du mythe d'Antigone (exercice auquel se livre avec talent Mme Véron), il s'agit bien dans le cas présent (intervention de M Mélenchon(...)

Mélenchon parle d'aller tenir la main à ses parents mourants. 

Pas d'aller visiter des anciens en EHPAD.

Donc il s'agit bien du rapport à la mort d'un proche. 

Et d'ailleurs, sur son Blog, en relation avec cette intervention télé, il mont(...)

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Comme toujours une très intéressante mise en perspective de Laélia Véron.


Toutefois, il y a un point qui je n'ai vu relevé nulle part. Lorsque j'ai entendu la saillie de JLM j'ai aussitôt explosé d'un rire cynique ( hyène ) car j'y ai vu tout de suite une analogie avec Albert Camus lorsque, après la remise du prix Nobel, il a répondu cette fameuse phrase plus que tronquée et déformée " je préfère ma mère à la justice" lui valant une mise au pilori de toute cette gauche bien pensante et seule détentrice de la vérité puisque hégélo-marxiste. 

Comme quoi un cacique soumis à lui-même peut aussi dire des horreurs d'hier face à la réalité de la vie...

Pour le spectateur grec, les positions d'Antigone et de Créon se valent toutes les deux : oui, il est du devoir d'Antigone d'enterrer son frère, oui il est du devoir de Créon de séparer le bon frère du mauvais frère – la question de rendre les hommages à un ennemi de la patrie, qui a refusé de céder le pouvoir et qui a levé des armées contre sa propre ville n'est pas à prendre à la légère, il suffit de voir la polémique récente autour de la dépouille de Général Franco en Espagne pour s'en persuader.


Le débat n'est d'ailleurs pas qu'entre Antigone et Créon. Il est aussi entre Antigone et Isème. Et entre Créon et Hémon, son fils : ce dernier le supplie d'annuler la condamnation, mais Créon refuse parce qu'il dit au début de la pièce : je jure que la loi sera la même pour tous, qu'il n'y aura pas d'exception (même pour les membres de ma famille). Il a promis, il se tient à sa promesse, comment le lui reprocher ? 


En fait, ce que dit Jérôme Thélot dans son livre sur Sophocle, c'est : si on lit attentivement le texte grec, on se rend compte que chacun a ses raisons. A la fin le spectateur (et le spectateur grec du Ve siècle ACN en particulier) ne peut choisir entre la position de l'un et de l'autre parce que c'est indécidable. Et c'est parce que c'est indécidable que c'est tragique – c'est la définition même de la tragédie. Et c'est pourquoi Sophocle est grand.

D'une clarté éblouissante.

On attend la suite avec Electre, Oreste etc...

La philosophie est plus que jamais une nécessité.

passionnant et brillantissime , un vrai plaisir !


Encore un mythe grec qui, par sa complexité, confirme la difficulté à distinguer le bien du mal, la fragilité du terme "héros" et la certitude que le doute est un valeur sûre! Merci Laéla de nous obliger à nous interroger et à nous forger notre propre morale qui ne doit, peut-être, jamais s'imposer aux autres.

Qui sont les bons et les méchants, voila une question qu'on ne devrait jamais se poser en ces termes, mais en essayant de comprendre chacun. Il ne s'agit en aucun cas de les renvoyer dos-à-dos mais de se décaler dans la réflexion pour aller plus loin...

Impeccable

Intéressante analyse. Cela m'a donné envie de relire les Antigones de Sophocle et Anouilh. J'ignorais que Yourcenar avait elle-même écrit sur ce thème. 


J'étais complètement passé à côté de l'extrait de Mélenchon et je me reconnais assez bien dans sa réaction. Sans invoquer Sophocle, Anouilh ou les contradictions entre droits naturel et positif, je m'imagine aboutir aux mêmes conclusions. 


Sans me raconter que je serais dans mon bon droit, ou que je ferais un acte courageux ou pathétique, ou que je me montre grand, libre, rebel. A côté du deuil d'un être aimé (ce qui au passage n'implique absolument pas la famille pour moi), les interdits ne pèsent pas grand chose. 

Moi qui ne lis jamais, je suis allé me plonger dans l’émission d'Arte sur youtube pour savoir ce qu’était le mythe d'Antigone. On y apprend que Polynis revendiquait "seulement"  l’application d'un accord d'alternance à la tête du royaume une année sur l'autre.  Quand  Laélia Véron cite Hegel pour décrire la position de Créon : "unir une cité contre un traitre" elle occulte donc que la loi de la cité décidée par les homme est dès le départ injuste. 


Sinon je remercie Arrêt sur image qui m'a fait découvrir la chaine youtube de "Maitresse Fanny" car j'ai découvert pleins de lectures passionnantes comme Biboudé le petit pingouin ou Pas de panique petit crabe par maitresse Canelle.


Clair et passionnant comme d'hab.


Avec le petit plus d'entendre Daniel Schneidermann prononcer Antigone comme hexagone.


Bonjour,              

Je me permettrai de commencer par dire que c’est non seulement courageux, d’entreprendre une chronique d’une petite vingtaine de minutes sur les transcriptions d’un mythe dans les discours actuels, mais en plus que c’est très bien réussi. En cela, merci.


Après, je suivrais les réserves qui ont été exprimées sur le forum. Il me semble qu’il y a un trop grand décalage entre l’interprétation et le texte liée à une trop grande montée en généralité. Car la pièce n’illustre pas l’opposition entre deux formes de lois, mais l’opposition entre l’ensevelissement des morts et la possibilité d’y déroger. Il ne s’agit pas de n’importe quelle loi, et dévier la pièce vers une interrogation sur le rapport entre deux lois en général risque de nous faire basculer vers une opposition trop schématique entre deux types de lois qui ne sont d’ailleurs pas bien catégorisées : en face de la loi politique ou civile, se trouvent nommées tantôt la loi « sacrée », tantôt la loi « religieuse », tantôt la voix de la « conscience », ce qui n’est pas la même chose et produit des degrés très différents de légitimité de l’opposition. 

On s’en rend bien compte avec l’exemple de Florent Pagny qui vaut comme une démonstration par l’absurde : si la conscience était à elle seule une source de légitime contestation, on pourrait objecter à peu près n’importe quoi aux obligations civiles, et en s’abstenant, qui plus est, d’argumenter au nom de l’ordre qu’on veut défendre. Car il me semble que c’est bien ce dont il est question dans Antigone : il s’agit précisément de dire que l’obligation d’ensevelir les morts est trop fondamentale pour que la cité puisse tenir en transigeant avec elle. Antigone ne s’oppose à la loi civile que pour préserver l’ordre civil. La désobéissance civile n’aurait jamais aucune chance de pouvoir démontrer sa légitimité si elle ne pouvait argumenter en faveur de l’ordre qui la condamne. En fait, Antigone dit à Créon : si tu désobéis à cette loi, ta cité va foutre le camp bien plus sûrement que si tu la contournes. Précisément parce qu’il s’agit d’un impératif anthropologique dont on suppose qu’il est fondateur, chronologiquement et continuellement, des sociétés humaines (c’est-à-dire qu’on peut supposer, en tout cas c’est ce que fait Antigone, que les sociétés humaines ont commencé à être pour honorer leur mort et qu’elles doivent leur continuité à cet héritage qu’elles tiennent vivant). 

Bref, pour interroger l’applicabilité du mythe à la situation présente, c’est le sort fait à nos mort qu’il faudrait peut-être questionner, et non le simple principe de l’opposition à la loi civile. A ce sujet, le livre de l’historien Thomas Laqueur sur Le travail des morts est précieux.


Merci, quoiqu’il en soit, pour vos chroniques toujours stimulantes et pleines de vie, justement.

Superbe intervention de Laélia Véron, comme à l'accoutumée. Il y a aussi l'ouvrage de George Steiner "Les Antigones" pour approfondir "les ambiguïtés du devoir qui dictent et l'amour et le droit".

dans le conflit autour de l'adieu aux proches mourants ou morts, Laélia Véron oublie tout simplement la dimension anthropologique. Il ne s'agit pas seulement d'une opposition entre le sacré et la loi, entre la religion et la société civile mais d'un rapport anthropologique avec nos parents, nos enfants, nos ancêtres qui nous constituent en tant qu'êtres humains. Ces rites mortuaires existaient bien avant l'apparition des religions.

Pas faux.

Cette loi biologique d’espèce précède et surplombe effectivement d’au moins quelques centaines de milliers d’années toutes les lois qui ont suivi, mythologiques, religieuses, sociales ou politiques.

Sauf que ça ne change rien :
 - Cette loi s’impose effectivement avec beaucoup plus de force que toute les autres,
 - Mais il est malgré tout possible de la transgresser (privilège propre à l’humain)
 - En cas de transgression, la mort n’est pas une sanction automatique,
 - En cas de non transgression, la mort n’est pas davantage évitable (nous sommes tous mortels…)  

En fait la résolution du dilemme d’Antigone est impossible à résoudre sans l’acceptation de cette mort inévitable, dont l’individu est le seul à pouvoir décider pour lui-même.  
Ce que devine très finement Tatanka (voir ses messages), en soulignant que le problème est inextricable si l’on ne prend en compte que les sociétés qui, comme les dieux, ne sont par nature pas mortelles.
Tatanka à raison, du temps des grecs, l’individu n’était dissociable de sa collective d’appartenance.

A mon sens, le premier penseur historique à avoir véritablement réalisé cette autonomisation de l’individu, c’est le rabbi Jeochouah ben Youssef (autrement dit, Jésus), quelques quatre siècles après Sophocle.
Le rabbi renvoie toujours à l’individu en le soustrayant au jugement collectif (cf. la lapidation de la prostituée, le percepteur de César, etc.)
Voici par exemple comment le rabbi résout la question Antigone-Créon, lorsqu’on lui demande comment trancher de la question des funérailles le jour du Sabah, la loi imposant d’inhumer les morts le jour même du décès.
Sa réponse est cinglante : « Laisser les morts enterrer les morts. »  

Pour en revenir à Antigone et selon ce principe, la seule à pouvoir décider du sort d’Antigone, c’est Antigone elle-même, surtout en connaissance des lois.
De même pour Créon, le seul à pouvoir décider pour lui-même, c’est Créon, y compris en connaissance du risque de poursuite en vendetta.
S'ils ont décidé de choisir la mort, c'est leur affaire, pas la nôtre.
Pour moi, j'aurais eu tendance à préférer la vie, même (et surtout !) en me sachant irrémédiablement mortel.

Personnellement, j’ai toujours préféré Racine à Corneille…

merci, très pertinent

Merci.

Le rappel à la pensée philosophique du Rabbi Jeochouah m'interpelle. Va falloir que je comble mon ignorance. :-)

Eh bien, la difficulté avec Jésus est assez similaire que celle avec Socrate. Ce que nous connaissons d’eux ne nous est parvenu que de manière indirecte, par leurs disciples.


Concernant Socrate, Platon est supposé avoir été fidèle, bien que l’on retrouve des écarts très importants entre la pensée du maître et de l’élève. Au point bien souvent d’observer des inversions complètes, comme si Platon n’avait décidément rien compris de Socrate. 

Autant Socrate était un inlassable destructeur des syllogismes et sophismes de ses interlocuteurs, autant la philosophie de Platon a été tout au contraire une accumulation de constructions en innombrables syllogisme et autres sophisme, érigés en systèmes et méthodes. 

Pour s’en convaincre, il suffit de lire La République au premier degré, sans interprétation. Sans ne vouloir choquer personne, pour moi (qui ne suis pas philosophe), c’est franchement de la daube, même pour l’époque…


On retrouve la même chose avec Jésus et Paul. 

Tel qu’on peut le vérifier, si l’on fait l’effort de lire au premier degré, sans interpréter, Jésus est celui qui le premier a voulu que l’immanent témoigne du transcendant en s’incarnant dans l’individu. 

En clair, que ce soit les hommes qui témoignent de Dieu et non pas l’inverse. Ce qu’à très bien perçu Spinoza, quelques siècles plus tard. 

Mais pas Paul, qui s’est empressé de renvoyer Dieu dans des cieux inaccessibles, sous la forme d’une sainte trinité, divinisant au passage le crucifié, rendant son sacrifice totalement incompréhensible, comme s’il avait voulu l’annuler. 

C’est Paul le véritable refondateur du religieux, pas le Christ, qui a professé très exactement tout le contraire.


Mais bon, il n’est pas d’usage de considérer le Christ comme un philosophe. 

Je trouve ça dommage, parce que la puissance de sa parole est incomparable. 

Il est triste d’observer combien elle a été affadie par le religieux, au point de lui retirer toute substance.


Merci.

Je considère Jésus (utilisation du nom le plus connu) comme un philosophe. Et de fait j'ai souvent utilisé une fameuse phrase "Aime ton prochain comme toi même" en demandant à mes interlocuteurs ce qu'ils comprenaient de cette phrase d'une profondeur extraordinaire.

Je n'ai jamais entendu la "bonne réponse". :-)

En "bon taoiste" MDR :-) voici comment je la comprend: 


Comment aimer les autres, si on ne s'aime pas soi même?

Donc il faut commencer pas s'aimer soi même

Comment s'aimer soi même?

En se regardant dans la glace sans devoir détourner les yeux.

Ce qui revient à : connais toi, toi même; soit en harmonie avec qui tu es, ce que tu es, ce que tu fais pour pouvoir te traiter toi même tendrement et avec soin. 

Quand tu en sera là, tu étendra tout naturellement cette tendresse vers ton prochain...

En plus simple: soit en paix avec toi même et tu seras en paix avec les autres.

Ca signifie avoir une vie dont on n'a pas à rougir face à soi même.

Nous sommes dans une philosophie qui se retrouve partout, dans toutes les cultures.

Et Ismène, l'autre face d'Antigone ? Elle qui veut, face à la passion d'Antigone dont le résultat sera quand même une belle hécatombe, que la vie continue. Les deux soeurs sont pourtant le pendant des deux frères. Mais on résume toujours Antigone à une histoire d'hommes. Dans la société patriarcale d'hier et d'encore aujourd'hui, Ismène est finalement dégagée comme la bobonne qui ne pense qu'au mariage et à la reproduction. On ne s'intéresse qu'au face  face Antigone/Créon. Comme si une femme ne pouvait être intéressante que quand elle se confronte à un homme. 


Ismène veut que se poursuive la vie, elle n'est pas que le porte-voix de Créon, elle est aussi la vie têtue, la vie qui voudrait bien  se poursuivre pendant que s'affrontent les orgueils, tous les orgueils.

Ce qui est intéressant dans les propos de Laélia Véron, qui sont bien dans le modèle culturel dominant :-), c'est qu'elle parle d'identitéS, alors qu'il s'agit d'appartenance à différents Groupes Sociaux.

Et je ne suis pas sûr que les anciens Grecs se pensaient en individus singuliers quand il s'agissait de la vie de la Cité.

C'est là toute la différence d'appréciation qui fait aussi toute la différence Politique. Et c'est ce qui explique l'élection de Macron.

Si, si... laissez votre cerveau y penser...:-)

Mélenchon parle d'aller tenir la main à ses parents mourants. 

Pas d'aller visiter des anciens en EHPAD.

Donc il s'agit bien du rapport à la mort d'un proche. 

Et d'ailleurs, sur son Blog, en relation avec cette intervention télé, il montre bien que c'est du rapport à la mort le fond de son appel à Sophocle-Antigone et non du rapport à la Loi.

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