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Des universitaires appellent à boycotter Le Monde

@si se penchait le 30 mars sur les relations difficiles qu'entretiennent les enseignants-chercheurs en grève avec les médias en général, et le journal Le Monde en particulier. Le traitement par le quotidien du soir de ce conflit, après avoir agacé de nombreux universitaires, a abouti à un véritable appel au boycott en ligne.

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A ceci près, toutefois, qu’il ne suffit pas de singer mai 1968 pour en avoir le souffle, la fraîcheur, la puissance et l’impact auprès de l’ensemble de la société. C’est une grosse réserve. Luc Cédelle, cité dans l'article.
Bizarre, cette référence à 68 ; c'est justement le type de commentaire très peu avisé qu'on peut reprocher à un journaliste du Monde, supposé capable d'aller chercher un peu plus profondément les raisons et la structure d'un mouvement sans se laisser happer par des comparaisons routinières, dignes du JT de TF1. Aucun des motifs de cette mobilisation n'est superposable à ceux de 68.
Nous avons ici, d'abord, tout un corps de professionnels inquiets à juste titre devant un ensemble de réformes hâtives et mal ficelées, susceptibles de produire des évolutions graves de nos métiers - recherche, enseignement, formation des maîtres ; réformes mal pensées, qu'on cherche à imposer de force au motif qu'"il faut réformer", vite et à fond... oui, mais pas n'importe comment. Cela risque de créer beaucoup de dégats. Ce n'est pas simple de faire comprendre de quoi les chercheurs et les enseignants se méfient, ce qu'ils dénoncent, ce qu'ils envisagent, parce qu'il faut réussir à expliquer simplement un enchevêtrement de dispositifs techniques, avec des conséquences très graves sur le fond, au bout du compte. Mais c'est le job des journalistes, non ? Et des explications claires par les universitaires, il y en a eu.

La réflexion sur 68 est à la fois mesquine, inappropriée et peu professionnelle. C'est peut être là le problème qui oppose les universitaires au Monde. Alors, bien sûr qu'il y a de la déception devant le peu d'intelligence des enjeux, de la part de notre quotidien de référence. Mais ce n'est pas une raison pour appeler au boycott, mesure extrême et injustifiée ici.
Bonjour,
Ha le monde, c'est un bon journal cependant :
-il vit avec essentiellement les abonnements internet.
or Les abonnements internet permetent de dialoguer sur le site du monde,
et c'est qui qui dialogue?
le plus souvent se sont des personnes proche politiquement de notre président!
alors il ne faut pas s'étonner des "possibles dérives du monde"
A vrai dire, il me semble que le problème qui inquiète les enseignants-chercheurs n'est pas pure et simple réaction corporatiste, c'est la reprise d'un certain nombre d'arguments qui ne sont pas du tout avérés.


L'exemple de la mauvaise réputation des universités représente bien le problème. C'est un discours d'idéologie, ça ne s'appuie pas sur des études mais sur des micros-trottoirs. On va dans une université bloquée, discuter avec les élèves qui passent, on retient le discours des élèves contre, on va interroger leur mère histoire de prolonger la doxa, et hop, tout d'un coup on donne la sensation d'un sentiment majoritaire anti-blocage.


Ce qui est d'autant plus curieux, c'est que cet argument est apparu à peu près partout dans la presse au même moment (même La Voix du Nord nous le sort, alors que c'est difficile de les faire sortir de leur bureau, c'est vous dire). Et, comme c'est étrange, c'est exactement "l'opinion" du gouvernement, qui espère bien, par effet de masse, arriver à faire se rétracter un maximum de gens. C'est purement et simplement une guerre des nerfs.


Toutefois, je m'étonne qu'on arrive à aller chercher une mère d'étudiant alors qu'on pourrait tout aussi bien parler des cours en plein air et des débats qu'organisent les bloqueurs sur le campus. D'ailleurs, aller chercher une mère signifie trouver un étudiant contre le blocage et prendre ses coordonnées pour contacter ses parents, c'est plus difficile que d'assister à une conférence à l'université. D'ailleurs il serait amusant de voir l'âge moyen des étudiants contre le blocage qu'on interroge. Les plus jeunes étant bien entendu les plus influençables, une bonne propagande pour instaurer l'angoisse d'un chômage incertain à cause d'un mouvement social, c'est le comble.


Quelque part, on essaie de nous dire : ne contestez pas, vous aurez des problèmes ensuite. C'est une forme de menace sur le ton de la bienveillance. Maintenant, les journaux propices à nous répéter cet argument, curieusement vont peu sur le terrain pour aller chercher un autre avis qui contrebalancera. Si c'est effectivement si dangereux de participer au blocage, pourquoi y a-t-il des étudiants pour bloquer?

Parce que ce sont de purs et simples extrémistes? Parce qu'ils sont simplement inconscients et sourds? C'est pas un peu facile comme argument? D'autant plus qu'il se décrète en implicite commme une raison pour justement ne pas aller vérifier s'il s'agit là d'un préjugé ou non.


Je suis étudiant à l'université Charles de Gaulle Lille III et président de l'association des étudiants en philosophie. Je suis régulièrement les assemblées générales et les votes pour ou contre le blocage, histoire de tenir au courant les apprentis philosophes. Qu'est-ce qui pose problème? C'est assez simple : plus personne n'a d'idée. Il y a certes les syndicats qui nous répètent que la LRU c'est mal (et sur ce point ils ont sans doute raison, à Lille III le président commence déjà à refuser des créations de laboratoire en psychologie sous prétexte que ça ne lui semble pas utile). Mais ils ne voient pas au-delà de la LRU, et le blocage n'est rien d'autre qu'une mesure de désespoir. Croyez-moi, les bloqueurs ne manquent pas de boulot pour essayer d'animer la fac rien que sur cette question.


Mais le fond du problème n'est pas la LRU. Le fond du problème, c'est précisément que l'université ne parvient plus à penser, que les étudiants n'y ont pas d'idées, que trop peu d'enseignants ne s'investissent et que parmi ceux-là, combien voient plus loin que le bout de leur nez?...


Le problème de l'université est qu'elle ne dispose plus de son savoir. L'université est universelle, c'est étymologique. L'université est censée être la représentation de la société du savoir. C'est un savoir qui n'appartient à personne, qui se nourrit régulièrement dans le but du savoir lui-même et non au service d'une industrie quelconque. Aujourd'hui, l'université produit. Elle produit des étudiants diplômés, c'est-à-dire formatés, au service de l'industrie. L'université est au service des entreprises. Voilà le fond du problème, parce que la connaissance n'existe pas en ce but. L'argument des gens qui n'auront pas leur diplôme, c'est exactement le jeu d'une société industrielle qui mesure tout selon son utilité pour l'industrie. Et aujourd'hui, nous en sommes au point critique où l'université elle-même ne dispose plus de son propre savoir.


Les étudiants sont sur la sellette parce qu'ils doivent obéir et apprendre des conneries pour avoir un diplôme stupide. Les enseignants sont sur la sellette parce qu'ils doivent étudier ce qu'on leur demande d'étudier pour avoir le droit de continuer à étudier, à chercher, à créer du savoir.


Un peu d'étymologie : savoir vient du latin sapere, qui a aussi donné le mot sapide. C'est ce qui donne de la saveur à l'existence. La connaissance, co-naissance, revient à naître avec. Si je connais quelque chose, c'est qu'une part de moi va naître avec cet objet, avec ma connaissance de cet objet. Le fait de com-prendre, de prendre avec moi cet objet, de l'emmener dans ma conscience, dans mon esprit, fait naître quelque chose en moi-même, en mon propre esprit. Comme le soulevait Michel Foucault, il n'y a pas de connaissance sans une transformation dans l'être même du sujet connaissant. Le savoir nous transforme, le savoir n'est pas qu'un savoir-faire, le savoir n'est pas qu'une simple possibilité de production.

Le savoir est pratique, au sens grec du mot. Les grecs distingaient praxis et poiesis. La poiesis, c'est la production, c'est le faire, l'agir, mais il se définit par le fait qu'il laisse derrière lui un objet. C'est par l'objet qu'elle produit qu'on reconnaît la poiesis. La praxis au contraire, c'est l'agir qui ne laisse aucun produit derrière lui, c'est l'être moral, le devenir moral.

Et bien le savoir est pratique, et il n'est pas nécessairement poiétique. C'est ce que soulevait Hannah Arendt, notre société ne distingue plus les deux, pourtant il y a toujours une différence qui existe.


Si j'en reviens donc au discours qu'on essaie de nous faire gober, à savoir que l'important pour l'université c'est de produire des diplômés chaque année, ce discours est un tissu de mensonges. Si l'université produit des esprits, ce sera déjà beaucoup plus utile à la société, et au-delà, à la civilisation. Notre camembert président national était très fort pour parler de civilisation à l'extérieur, il serait temps d'en produire une intra muros, on aura peut-être l'air moins cons quand on ira en parler à l'extérieur.



Quant à ma position : je ne suis pas à proprement parler pour le blocage, je suis pour les rencontres qu'il peut permettre, la pause qu'il force l'institution à prendre. La question n'est pas d'imiter un 68 mythique qui n'a d'ailleurs rien à voir avec ce qu'on en dit aujourd'hui. Il est temps que l'université reprenne conscience de son savoir avant qu'elle ne le perde. Et si l'université venait à devenir définitivement, complètement, irrémédiablement un outil de pouvoir, cela aura deux conséquences :

1) une fuite définitive des cerveaux à l'étranger (ce qui se déroule déjà énormément aujourd'hui)

2) l'agrandissement d'une conception subversive de la société qui augmentera le désordre social que le gouvernement actuel prétend combattre


L'université n'a pas de tout temps produit du savoir. Au 17e siècle, la Sorbonne était le repère des théologiens qui refusaient les théories des plus grands esprits de l'époque. C'était la grande époque des autodafés de l'inquisition. Au 18e siècle, les Lumières prônaient le droit au savoir et à son accès libre. Et il a fallu se battre. Diderot a dû désobéir aux lois pour pouvoir produire son Encyclopédie. Mais quelle invention! C'était là une des premières formes de la société du savoir, un savoir accessible à tous pour produire une vie meilleure.

Nous avons eu la chance, depuis les années 40 jusque les années 80, d'avoir quelques grands universitaires avec une véritable pensée qui ont eu le loisir d'enseigner et les moyens de chercher. Cette richesse intellectuelle ne s'est pas éteinte avec la crise des années 70. C'est l'investissement récent d'une pensée de rentabilité économique appliquée aux universités qui pose problème. Elle a d'abord touché les ingénieurs, les médecins, les biologistes, les juristes. Désormais elle touche les sciences humaines, la littérature, la culture, les langues. Et on se demande pourquoi les politiques n'y voient que du feu? Simplement parce qu'ils ont besoin de penseurs, de théoriciens, de créateurs de savoir pour eux-mêmes se rendre compte. N'allez pas croire que les politiques ont une indépendance intellectuelle. On leur a expliqué le monde et désormais ils mettent en application ces explications.


Cela se nomme théorie au départ. Mais si le temps passe et qu'aucun chercheur n'a le droit de critiquer ces théories, alors cela se nomme idéologie. La démocratie est une idéologie. nous avons intégré qu'il n'y avait pas de meilleur système politique. Mais nous n'en savons simplement rien, puisque nous n'avons idéologiquement parlant pas le droit de critiquer la démocratie. Et ce n'est qu'un exemple simple.


Pour conclure, le problème n'est pas universitaire. Il est sociétaire. Ce n'est pas l'université qui se bat contre une réforme. Ce sont des visions de la société qui s'affrontent. Et il n'y en a pas deux, il y en a des dizaines, des centaines, peut-être des milliers. Et si l'heure est grave, ce n'est pas parce que l'université est réformée, c'est parce que l'université n'est plus capable de présenter un projet de société allant au-delà de la simple idéologie syndicaliste ou gouvernementale.



Que cela soit dit.
Merci Farfadet pour cette analyse que je trouve plutôt pertinente.

Partant de : Si l'université produit des esprits, ce sera déjà beaucoup plus utile à la société, et au-delà, à la civilisation., j'ajouterais que l'Université (ou au-delà, toutes les filières de formation) ont également a mon sens vocation a éduquer. Plus que de "produire des esprits", l'Université peut apprendre aux étudiants a penser par eux-même. En ce qui me concerne, c'est le plus grand bien que j'ai acquis de ma formation scientifique.


Mais la pensée critique (puisqu'il s'agit de cela) semble difficilement admissible dans notre société, ou la marchandisation a pris le pas sur (presque) tout le reste. De plus, comment concilier esprit critique et répression (admise ou non) de toute forme de contestation ? (je pense par exemple a l'affaire Coupat, et aux soutiens des sans-papiers)

Je crois sincèrement que l'évolution proposée (imposée ?) des universités est une des étapes (consciente ou non, volontaire ou pas) visant a établir un totalitarisme Orwellien. On (la société occidentale) n'en n'est pas encore la, mais on s'en rapproche doucement.

Merci Farfadet pour cette analyse que je trouve plutôt pertinente.

Partant de : "Si l'université produit des esprits, ce sera déjà beaucoup plus utile à la société, et au-delà, à la civilisation.", j'ajouterais que l'Université (ou au-delà, toutes les filières de formation) ont également a mon sens vocation a éduquer. Plus que de "produire des esprits", l'Université peut apprendre aux étudiants a penser par eux-même. En ce qui me concerne, c'est le plus grand bien que j'ai acquis de ma formation scientifique.


Mais c'est précisément ce que j'entendais par "produire des esprits", éduquer. Mais l'amalgame que porte en germe le terme d'éducation, c'est la règle. L'université se doit de produire des esprits libres, qui n'auront pas peur de critiquer jusqu'au fondement de ce qui a pu leur sembler juste auparavant. Des esprit capables de distance autant que de précision. Des esprits qui ne s'enferment pas dans un ou des modèles.

La science par exemple, est un modèle critiquable. non pas parce qu'il n'en serait sorti rien de bon, plutôt parce que la définition que nous en faisons tend à nous cacher ce qu'est le savoir. Qu'est-ce que la science dans sa conception actuelle, si ce n'est une méthodologie de mathématisation du phénomène?

Qu'est-ce que ça veut dire? C'est une méthode, nous considérons la science comme devant suivre certains procédés rigoureux de retraitement de l'information, de mode de recherche de faits, de retraitement, etc.

C'est aussi en lien avec le phénomène. Phénomène vient du grec, to phainomena, ce qui apparaît, ce qui nous parvient, ce que nous percevons. Nous étudions ce que nous percevons, et ce que nous envisageons (parce que les électrons, par exemple, nous ne les percevons pas).

C'est enfin une mathématisation. Nous nous servons des mathématiques comme d'un langage univoque et précis capable de rendre compte de concepts et de déduire tout un tas de prévisions.

En clair, la science classe, la science ordonne, la science déduit, la science prévoit.


Or, ce modèle scientifique date plus ou moins du 17e siècle, les premières tentatives de méthode (avec Descartes) et de mathématisation du sensible, de la nature qui nous fait face (Gallilée, Descartes, Leibniz, Newton, etc). Et ce qui pose problème, c'est qu'il est devenu LE canon de la connaissance dans la culture occidentale. On n'imagine pas connaître autrement. Et voilà le véritable problème. Nous recensons des civilisations depuis 4000 ans à peu près, ces civilisations ont toutes produit du savoir, et certains de ces savoirs ont été perdus et nullement retrouvés. Et voilà que subitement l'Europe prétend avoir inventé LE savoir, LA méthode infaillible pour savoir! Quelle arrogance...

Il est temps de se demander si ce modèle est le seul envisageable, si nous ne pouvons pas l'enrichir avec d'autres méthodes (les débats des deux derniers siècles quant au statut des sciences humaines a soulevé déjà beaucoup de questions sur le sujet).

Un esprit libre doit pouvoir envisager que d'autres modèles sont possibles. Ne serait-ce que l'envisager. Par ouverture. Ce qui n'empêche pas la rigueur. Et ce mode de fonctionnement n'existe pas à l'université aujourd'hui.




Mais la pensée critique (puisqu'il s'agit de cela) semble difficilement admissible dans notre société, ou la marchandisation a pris le pas sur (presque) tout le reste. De plus, comment concilier esprit critique et répression (admise ou non) de toute forme de contestation ? (je pense par exemple a l'affaire Coupat, et aux soutiens des sans-papiers)


De nombreuses questions peuvent se poser. Mais ce n'est pas uniquement la démarche critique. La démarche critique est un mode de pensée (la critique, c'est techniquement un tribunal, une pensée juridique, autrement dit une forme de mathématisation de la langue naturelle). Autrement dit, nous nous devons d'envisager les approches qui existent déjà, mais également celles qui n'existent pas encore.




Je crois sincèrement que l'évolution proposée (imposée ?) des universités est une des étapes (consciente ou non, volontaire ou pas) visant a établir un totalitarisme Orwellien. On (la société occidentale) n'en n'est pas encore la, mais on s'en rapproche doucement.



A vrai dire, ce n'est pas un projet politique. C'est un projet économique. Il fut un temps où le projet général de la société était religieux. Aujourd'hui nous nommons cela théocratie. Puis le projet est devenu exclusivement politico-juridico-dynastique. Nous appelons cela absolutisme, parfois despotisme. Quand ce pouvoir s'enrichit d'une administration suffisamment raffinée et effective, nous nommons cela totalitarisme. Et le plus curieusement du monde, lorsque le projet devient exclusivement économique, des théoriciens viennent nommer cela liberté?!


Le fond du problème est là. Notre échelle de mesure est faussée. Il nous faut en inventer une autre, plus pertinente. Et pour cela, il va falloir penser.

Mais c'est précisément ce que j'entendais par "produire des esprits", éduquer. Mais l'amalgame que porte en germe le terme d'éducation, c'est la règle. L'université se doit de produire des esprits libres, qui n'auront pas peur de critiquer jusqu'au fondement de ce qui a pu leur sembler juste auparavant. Des esprit capables de distance autant que de précision. Des esprits qui ne s'enferment pas dans un ou des modèles.



Alors nous sommes d'accord. J'ai simplement (mal) compris "produire des esprits" comme une manière de former l'intelligence "toute mathématique" diriez vous. Par ailleurs, j'emploie le terme éduquer à dessein. En effet, l'éducation est (à mon sens, mais vous me reprendrez si je me trompe) le moyen de rendre possible le "vivre ensemble" car elle permet de prendre conscience de son environnement. Par l'éducation, on dépasse de l'enfant égocentrique (moi je) pour se projeter vers les autres.



La science par exemple, est un modèle critiquable. non pas parce qu'il n'en serait sorti rien de bon, plutôt parce que la définition que nous en faisons tend à nous cacher ce qu'est le savoir. Qu'est-ce que la science dans sa conception actuelle, si ce n'est une méthodologie de mathématisation du phénomène?
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Or, ce modèle scientifique date plus ou moins du 17e siècle, les premières tentatives de méthode (avec Descartes) et de mathématisation du sensible, de la nature qui nous fait face (Gallilée, Descartes, Leibniz, Newton, etc). Et ce qui pose problème, c'est qu'il est devenu LE canon de la connaissance dans la culture occidentale. On n'imagine pas connaître autrement. Et voilà le véritable problème. Nous recensons des civilisations depuis 4000 ans à peu près, ces civilisations ont toutes produit du savoir, et certains de ces savoirs ont été perdus et nullement retrouvés. Et voilà que subitement l'Europe prétend avoir inventé LE savoir, LA méthode infaillible pour savoir! Quelle arrogance...


Ce que vous oubliez, c'est que la méthode scientifique ne se limite pas à cela. En effet, avant même d'aborder la question mathématique, la science est (comme vous l'indiquez) une question de modèle. C'est à dire une représentation supposée de la réalité. Et la force de la démarche scientifique, c'est justement d'accepter (bon gré, mal gré, je vous l'accorde) que le modèle soit remis en question. On peut citer justement le rejet de la notion d'espace-temps figé, avec la construction de la théorie de la relativité par Einstein.

C'est très important, car c'est la seule chose qui distingue la science de la croyance ! le dogme est par définition infaillible, alors que la théorie scientifique ne demande qu'à être détrompée, pour que puisse se bâtir d'autres modèles.


Il est temps de se demander si ce modèle est le seul envisageable, si nous ne pouvons pas l'enrichir avec d'autres méthodes (les débats des deux derniers siècles quant au statut des sciences humaines a soulevé déjà beaucoup de questions sur le sujet).
Un esprit libre doit pouvoir envisager que d'autres modèles sont possibles. Ne serait-ce que l'envisager. Par ouverture. Ce qui n'empêche pas la rigueur. Et ce mode de fonctionnement n'existe pas à l'université aujourd'hui.


Oui, oui. C'est d'ailleurs criant en médecine : la médecine occidentale est très forte pour les "interventions" et les "réparations". Par contre, faire de la prévention et de la médecine "douce" avec des médicaments, bof... la médecine orientale propose d'autres modèles, justement, et peut être parce qu'elle pense autrement.

Mais je crois qu'il est contre-productif d'amalgamer l'enseignement (ou fonctionnement) de l'université (d'une université en particulier ?) et la science (et ce qu'elle propose) en général.


De nombreuses questions peuvent se poser. Mais ce n'est pas uniquement la démarche critique. La démarche critique est un mode de pensée (la critique, c'est techniquement un tribunal, une pensée juridique, autrement dit une forme de mathématisation de la langue naturelle). Autrement dit, nous nous devons d'envisager les approches qui existent déjà, mais également celles qui n'existent pas encore.


Pas d'accord. Sans démarche critique, comment est-il possible d'envisager d'autres approches ? Ne confondons pas la critique et la démarche critique, qui consiste à prendre du recul, mettre en perspective, et dégager le fond de la forme. C'est en ce sens, et pour pouvoir percevoir la complexité du monde qui nous entoure, que "l'esprit critique" devrait être enseigné. Critiquer de manière non constructive est effectivement d'un intérêt limité sans faire proposition d'autres points de vue.

Par ailleurs, je ne comprends pas ce que vous voulez dire par "pensée juridique". Idem pour "mathématisation de la langue naturelle".


A vrai dire, ce n'est pas un projet politique. C'est un projet économique. Il fut un temps où le projet général de la société était religieux. Aujourd'hui nous nommons cela théocratie. Puis le projet est devenu exclusivement politico-juridico-dynastique. Nous appelons cela absolutisme, parfois despotisme. Quand ce pouvoir s'enrichit d'une administration suffisamment raffinée et effective, nous nommons cela totalitarisme. Et le plus curieusement du monde, lorsque le projet devient exclusivement économique, des théoriciens viennent nommer cela liberté?!

Le fond du problème est là. Notre échelle de mesure est faussée. Il nous faut en inventer une autre, plus pertinente. Et pour cela, il va falloir penser.


Tout à fait d'accord ! Mais pas pour les mêmes raisons. Je crois qu'il faut dissocier les choses. Notre société actuelle (et c'est effectivement un héritage profond, qui vient du 17eme siècle, des Lumières) est basée sur la notion de progrès. Et plus précisément sur le progrès technologique (ce qui s'appuie sur, mais est fondamentalement différent de la science !) et libéral. Toute amélioration technique est forcément perçue comme un mieux. Toute amélioration des libertés (quelles qu'elles soient = libéralisation) est un mieux.

Je crois que le projet de société actuel est avant tout libéral. La notion de croissance infinie est ancienne (18eme siècle ?), la notion de libéralisme sociétaire (qui va de pair avec le libéralisme économique, mais c'est un autre débat) aussi. Si ce libéralisme nous donne des conditions d'existence intellectuellement satisfaisantes (les libertés sociales), on voit (aujourd'hui) où cela mène, écologiquement et économiquement parlant. Ce libéralisme est tellement enraciné dans notre culture qu'il sera difficile de s'en détacher ou de le transformer.

Comme vous dites, il va falloir penser (autrement).
Alors nous sommes d'accord. J'ai simplement (mal) compris "produire des esprits" comme une manière de former l'intelligence "toute mathématique" diriez vous. Par ailleurs, j'emploie le terme éduquer à dessein. En effet, l'éducation est (à mon sens, mais vous me reprendrez si je me trompe) le moyen de rendre possible le "vivre ensemble" car elle permet de prendre conscience de son environnement. Par l'éducation, on dépasse de l'enfant égocentrique (moi je) pour se projeter vers les autres.


La thématique du vivre ensemble est une conception morale qui ne peut absolument pas être généralisée comme étant "l'éducation". Cela sous-tend une conception holiste de la société, ce qui n'est absolument pas sérieux dans des Etats-nations qui regroupent des millions de personnes. Les grecs et les romains ont tenté une société holiste, par regroupement des hommes libres, des concitoyens. Seulement ce regroupement lui-même a eu une limite par le nombre.

La thématique du vivre ensemble est un dérivé de la nouvelle pensée juridique du 19e siècle, où le criminel a été considéré comme un traître à la société, face auquel la société doit faire front. Il faut protéger la société, donc préserver un vivre ensemble. C'est une conception qui mélange une moralité chrétienne à un institutionnalisme industriel.

Il y a une différence entre ce que l'on nous a dit être juste et ce qui le serait véritablement.

Cela dit, effectivement, un esprit libre se battra autrement qu’en incendiant des bagnoles à l’aveuglette ou en tabassant des gens dans les transports en commun. Mais ce n’est pas exactement un vivre ensemble.


C’est un point essentiel : la valeur qui protège une société holiste (mais qui par conséquent peut aussi l’empêcher d’évoluer), c’est la vertu. Mais dans une société individualiste, il y a aussi une valeur qui protège (avec la même réserve à l’égard de ce mot), c’est l’honneur. Le problème n’est pas une absence de valeur, d’ailleurs aujourd’hui il existe encore la valeur du progrès. La question, comme le soulèverait Nietzsche, serait d’évaluer « la valeur des valeurs ». Travail pour un esprit libre. L’enjeu n’est pas de retomber dans un carcan a priori, mais précisément d’apprendre aussi à s’adapter, au-delà de tout carcan. Savoir peser les choses.

Pour rappel, d’ailleurs, la philosophie à coups de marteau de Nietzsche n’emploie pas le marteau seulement pour détruire, mais également afin de faire résonner les idoles, les valeurs, savoir entendre ce qu’elles font entendre plus profondément.





Ce que vous oubliez, c'est que la méthode scientifique ne se limite pas à cela. En effet, avant même d'aborder la question mathématique, la science est (comme vous l'indiquez) une question de modèle. C'est à dire une représentation supposée de la réalité. Et la force de la démarche scientifique, c'est justement d'accepter (bon gré, mal gré, je vous l'accorde) que le modèle soit remis en question. On peut citer justement le rejet de la notion d'espace-temps figé, avec la construction de la théorie de la relativité par Einstein.


Houlà, diantre. Beaucoup de sous-entendus sont présents ici qui ne sont pas nécessairement légitimes. Par exemple une conception réaliste de la science. Il est encore délicat de considérer que la science nous décrit la réalité. C’est d’ailleurs par ce genre de conviction qu’on accepte plus mal la critique des théories scientifiques. La valeur « réalité » peut-être prônée dans les deux sens. C’est au nom de la réalité qu’un esprit libre peut critiquer une théorie, mais c’est aussi au nom de la réalité qu’on peut refuser la théorie d’un esprit libre pour peu qu’elle soit trop abstraite ou qu’elle remette en cause trop de présupposés quant à notre conception actuelle de la réalité.

Penser que la réalité est une observation neutre est complètement faux. N’importe quelle science sociale saura en démontrer le contraire le plus aisément du monde. D’ailleurs les sciences expérimentales ne se contentent pas de décrire leurs résultats d’expérience, elles doivent les interpréter. Et selon les théories elle ne les interprètera pas de la même manière.

Par exemple, quand Einstein a remis en cause la théorie newtonienne, il a secoué les milieux de la physique, parce que précisément Newton représentait à l’époque la seule base vraiment solide qu’on pensait ne jamais remettre en cause.


Ainsi, dans la conception morale de la science, toute théorie peut et éventuellement doit être remise en cause. Mais les scientifiques ne sont jamais que des humains. Ils étudient avec un bagage social, individuel, ils étudient au sein d’une société et d’une civilisation, dans une période donnée. Le plus gros danger pour la science, c’est justement le fantasme de l’objectivité par la méthode. Et même cela, un esprit libre devrait savoir le considérer avec prudence.





C'est très important, car c'est la seule chose qui distingue la science de la croyance ! le dogme est par définition infaillible, alors que la théorie scientifique ne demande qu'à être détrompée, pour que puisse se bâtir d'autres modèles.


Attention aussi à ne pas employer le terme de croyance à tort et à travers. Croire que l’on sait est différent de savoir que l’on croit. La science est un dogme, socialement parlant. Lorsque les médias nous sortent qu’une étude quelconque prouve que ceci est comme cela ou que ceci est dangereux, blablabla, on se laisse naturellement convaincre. Un scientifique avisé ira consulter le paradigme expérimental employé, l’étudiera avec attention. Mais le citoyen lambda va le croire.

C’était la même situation, socialement, entre les prêtres face au public. Un prêtre pouvait revenir à l’écrit biblique et proposer d’autres lectures, ou même sortir de l’écrit pour dire ce qu’il pensait. Mais le croyant notoire n’allait pas remettre en cause la parole du prêtre. Seul un autre prêtre pouvait socialement se le permettre.

D’ailleurs, qu’est-ce que l’expérience de Milgram si ce n’est une preuve de la représentation sociale du scientifique ? Je signale que dans les variantes de l’expérience, on s’est amusé à habiller différemment celui tenant le rôle de scientifique. Dès qu’il retire la blouse blanche, les résultats d’obéissances chutent considérablement.

Le problème est donc plus complexe qu’une simple opposition entre théorie et idéologie (et non pas croyance). Et l’esprit libre doit aller encore plus loin que ce que tu proposes.






« Il est temps de se demander si ce modèle est le seul envisageable, si nous ne pouvons pas l'enrichir avec d'autres méthodes (les débats des deux derniers siècles quant au statut des sciences humaines a soulevé déjà beaucoup de questions sur le sujet).
Un esprit libre doit pouvoir envisager que d'autres modèles sont possibles. Ne serait-ce que l'envisager. Par ouverture. Ce qui n'empêche pas la rigueur. Et ce mode de fonctionnement n'existe pas à l'université aujourd'hui. »


Oui, oui. C'est d'ailleurs criant en médecine : la médecine occidentale est très forte pour les "interventions" et les "réparations". Par contre, faire de la prévention et de la médecine "douce" avec des médicaments, bof... la médecine orientale propose d'autres modèles, justement, et peut être parce qu'elle pense autrement.

Mais je crois qu'il est contre-productif d'amalgamer l'enseignement (ou fonctionnement) de l'université (d'une université en particulier ?) et la science (et ce qu'elle propose) en général.


Mais la science en général n’est qu’une tradition et une série d’hypothèses théoriques sur la conception du savoir en lui-même. C'est-à-dire que la science en soi n’existe pas. C’est de la pensée, de la culture même pourra-t-on dire. Mais c’est une pensée restreinte déjà en soi. Une pensée qui n’a de valeur qu’enrichie par des penseurs.

Il est utopique d’envisager que la science existe aujourd’hui en dehors des laboratoires et des universités. La science existe socialement avant d’exister théoriquement. L’université n’est que le reflet d’une crise plus vaste qui touche tous les modes de savoir, y compris la science.



« De nombreuses questions peuvent se poser. Mais ce n'est pas uniquement la démarche critique. La démarche critique est un mode de pensée (la critique, c'est techniquement un tribunal, une pensée juridique, autrement dit une forme de mathématisation de la langue naturelle). Autrement dit, nous nous devons d'envisager les approches qui existent déjà, mais également celles qui n'existent pas encore. »


Pas d'accord. Sans démarche critique, comment est-il possible d'envisager d'autres approches ? Ne confondons pas la critique et la démarche critique, qui consiste à prendre du recul, mettre en perspective, et dégager le fond de la forme. C'est en ce sens, et pour pouvoir percevoir la complexité du monde qui nous entoure, que "l'esprit critique" devrait être enseigné. Critiquer de manière non constructive est effectivement d'un intérêt limité sans faire proposition d'autres points de vue.

Par ailleurs, je ne comprends pas ce que vous voulez dire par "pensée juridique". Idem pour "mathématisation de la langue naturelle".


La démarche critique consiste simplement dans le fait de faire un tribunal. Adoptée à la science, c’est un tribunal de cette science. C'est-à-dire qu’on étudiera ses méthodes, ses conceptions, ses approches, ses résultats, ses outils, ses traditions et qu’on les pèsera une à une, méticuleusement. Ce n’est pas la seule manière de penser et ce n’est d’ailleurs pas la seule chose dont la science ait besoin. Penser ainsi, c’est déjà émettre un préjugé.

Cela dit, tu sembles me faire dire que je suis contre la démarche critique. Et là tu te méprends sur mon propos. Elargir les méthodes ne signifie pas vouloir se débarrasser des « concurrents ». L’approche critique a fait ses preuves, elle peut être utile. Mon propos est de multiplier les approches, pas de remplacer un monopole par un autre.

Et encore une fois, historiquement, la méthode critique date de deux siècles (en tant que méthode dite scientifique). Il est impudent de considérer qu’on trouvera la le seul mécanisme pour savoir, ou encore un mécanisme de certitude. Je rappelle que cette obsession de la science pour la méthode correspondant à la peur profonde des européens de tomber dans l’erreur. La méthode scientifique traduit l’espoir de certitude de cette pensée. Or, la certitude n’est jamais loin du dogme. La science danse sur le fil entre dogme et théorie et tente d’éviter l’erreur du dogme tout en conservant la certitude. C’est dans ce jeu de concepts que vient s’inscrire l’esprit critique comme bascule, comme rouage censé préserver la science du dogme. Reste à voire si cet esprit critique la préserve aussi efficacement qu’on le suppose.



La pensée juridique, c’est quelque part la pré-science et la post science. Pour rappel, Aristote entend par science une simple démarche déductive. Autrement dit un processus logique d’ordre mathématique. Partir d’axiomes pour démontrer d’autres choses. Tout le problème de la science sera donc de trouver comment appliquer cette démarche à la nature –Aristote refusait de le faire et faisait une distinction entre le monde supra-lunaire qui peut se rattacher aux mathématiques et le monde sub-lunaire qui est changeant et donc absolument pas nécessaire et universel).

Or, le juridique passe aussi par la logique. C’est également un ensemble déductif (du moins à partir de Kant). C’est une logique qui part du langage. C’est ce qui prendra quelque part le relai de la métaphysique. C’est une pré-science dans le sens où cette pensée permettra de démêler un certain nombre de préjugés métaphysiques qui ralentissaient, voire empêchaient la science que l’on connaît aujourd’hui. C’est une post-science dans le sens où, historiquement, cette pensée apparaît après les premières grandes découvertes modernes.

Le juridique c’est l’application par le langage d’une méthode déductive d’organisation de la pensée. C’est l’abstraction théorique appliquée à la langue naturelle et non plus aux seules mathématiques (qui est une langue artificielle au sens où l’on a créé les mathématiques comme une retranscription logique, les math ne sont rien d’autre que cela). Et précisément ce qui limite le juridique, c’est le fonctionnement par postulat. Kant part du principe qu’il existe une raison, il ne va pas la chercher dans l’homme, il la postule d’amblée. Tout comme un tribunal correctionnel postule la liberté et la rationalité du criminel, d’où sa responsabilité et sa punition, etc.

La critique pèse par postulat.






Tout à fait d'accord ! Mais pas pour les mêmes raisons. Je crois qu'il faut dissocier les choses. Notre société actuelle (et c'est effectivement un héritage profond, qui vient du 17eme siècle, des Lumières) est basée sur la notion de progrès. Et plus précisément sur le progrès technologique (ce qui s'appuie sur, mais est fondamentalement différent de la science !) et libéral.



Navré de te contredire mais la conception de l’histoire comme d’un progrès n’est pas d’origine scientifique mais religieuse. Et c’est une croyance qui s’est appliquée à la science par la suite (ce qui prouve bien d’ailleurs que la science n’est pas vide de croyances et qu’elle peut en charier elle aussi). Elle provient de la réforme au 16e siècle. Elle sera développée plus explicitement par Pascal et reprise par Condorcet pour finalement atterrir chez Comte et les positivistes. C’est au fond plus une tradition politique que scientifique.

Le libéralisme, d’ailleurs provient de la même source religieuse et politique. Le libéralisme à la fois social (parce qu’est libéral aussi celui qui remet en cause des valeurs morales) et économique est considéré comme un progrès au 18e siècle. On y voyait un moyen de préserver la paix des peuples et une évolution sociale progressiste.




Toute amélioration technique est forcément perçue comme un mieux. Toute amélioration des libertés (quelles qu'elles soient = libéralisation) est un mieux.

Je crois que le projet de société actuel est avant tout libéral. La notion de croissance infinie est ancienne (18eme siècle ?), la notion de libéralisme sociétaire (qui va de pair avec le libéralisme économique, mais c'est un autre débat) aussi. Si ce libéralisme nous donne des conditions d'existence intellectuellement satisfaisantes (les libertés sociales), on voit (aujourd'hui) où cela mène, écologiquement et économiquement parlant. Ce libéralisme est tellement enraciné dans notre culture qu'il sera difficile de s'en détacher ou de le transformer.

Comme vous dites, il va falloir penser (autrement).


Le danger vient en fait du progressisme. C’est cette conception qui envisage l’histoire comme une ligne droite vers un mieux. C’est cela qui laisse entendre un infini. Tandis que Montesquieu ou Hegel considéraient une évolution dialectique considérant que chaque pas en avant nous fera rebrousser chemin pour un temps avant de réavancer de nouveau. Et cela à condition de préserver « l’esprit » de cette démarche. Encore une fois, l’esprit comme mesure (qui est d’ailleurs lui aussi une valeur chrétienne que nous héritons).


Nos outils de pensée sont en cause, d’où la nécessité de repenser en profondeur la société, la civilisation et le savoir. Commençons par l’université.
le gouvernement, lui, n´a pas besoin de boycotter le monde l´intelligence, ça fait longtemps qu´il l´a quitté.
Bien fait pour ce journal
Dans l'appel de Valluy, cette fameuse "Charte", il y a - de mon point de vue bien sûr - une dangereuse confusion entre militant et enseignant.
Que le militant, engagé à fond dans le mouvement universitaire, estimant que ledit mouvement est mal traité par tel organe de presse, appelle les autres militants à boycotter ce journal, pour quoi pas ?
Mais que dans cet appel il soit écrit : "6) Ne dupliquer aucun article provenant du quotidien /Le Monde/ dans les instruments pédagogiques ; éviter de conseiller ces références aux élèves et étudiants.
7) Eviter de citer les articles du quotidien /Le Monde/ en références bibliographiques dans les travaux de recherche ;
" me semble, dans une conception sans doute très ringarde de la distance "scientifique" que devrait avoir un professeur du supérieur par rapport à ses emportements personnels fondés ou pas, déplacé pour employer un euphémisme.
2 semaines de vacances feront un grand bien à nos étudiants, contestataires par essence. Leurs "profs .." vont pouvoir enfin souffler apres de saines ,homériques et..ringardes batailles contre l'évolution positive de la fac.
Dommage qu'ils ne déploient pas autant d'énergie lorsqu'ils "travaillent.."
Bien vu, chachoumiaou. On ne fait jamais grève pour le plaisir, contrairement à ce que disent les imbéciles. Un grève, c'est pénalisant, la lutte c'est fatiguant. Pour ma part, je comprends les réserves quant aux actions un peu dures (mais pas très méchantes pour autant), comme les occupations, mais je comprends leur nécessité. Un mouvement social qui veut gagner doit savoir que ce gouvernement n'entend que le rapport de forces.
Moi non plus je ne suis pas trop d'accord avec l'idée de boycott.
Je comprends que les enseignants-chercheurs en aient marre qu'on ne parle pas de leur mouvement. Comme je l'ai dit ailleurs, je pense aussi que le fait d'utiliser le blocage et donc les mêmes "bloqueurs" qui sont prêts à mettre le bazar sous n'importe quel prétexte depuis des années n'est pas très malin, à mon avis ça dévalorise leur mouvement plus qu'autre chose. Cependant je sais que beaucoup de profs en grève sont contre le blocage, et que certains sont aussi devenus pro-blocage uniquement cette année parce qu'ils estimaient que la situation était pour une fois suffisamment grave pour justifier un tel moyen d'action.

Mais bon, déjà, oui, chercher à punir un journal pour ses opinions ce n'est pas très chouette de la part d'intellectuels (cela dit, j'imagine qu'ils vous répondraient que c'est ce que fait le pouvoir en permanence et ils n'auraient pas tort, mais c'est pas une raison pour se mettre au niveau de Sarko & Co).
Et puis ensuite, c'est vrai ce que dit Le Monde. Alors peut-être que c'est agaçant dans le sens où ils ne couvrent qu'un côté du problème, mais l'impact désastreux du blocage sur l'image des facs qui est déjà catastrophique, c'est un vrai problème, que refusent de voir beaucoup de "bloqueurs". Il est vrai que les facs sont de toute façon méprisées en France et sous-financées, mais il faudrait faire attention à ne pas les couler définitivement en croyant les sauver.

Bon par contre, la remarque sur le fait que "ce sont des gens qui ont visiblement beaucoup de temps", elle est mesquine et complètement stupide. Ils sont en grève... Et même si certains bossent tout en étant en grève, il y a des gens qui sont suffisamment à fond dedans pour passer tout leur temps libre à organiser le mouvement... Ces insinuations ne font que renforcer les soupçons de préjugés de la part du Monde à l'égard des universitaires, voire une collusion avec Sarkozy (puisqu'en effet, ça rappelle bien certains passages de son discours immonde...) Donc il aurait vraiment mieux fait de s'abstenir sur ce coup-là.
J'ai été frappée depuis qqs temps par les échanges entre amis enseignants chercheurs (les "meneurs" de la protestaion en fac) accusant le Monde de partialité contre eux.

A ce propos, Mme Gindensperger et Aikoa, cela ne date pas de l'article sur "Les facs mobilisées voient leur image se dégrader", mais de bien avant.

J'ai du mal à suivre ce "conflit" avec le Monde : je ne lis plus le monde en entier depuis deux ans. Mais que des chercheurs, des intellectuels reprochent au Monde un manque de sérieux, de rigueur et de neutralité devrait sérieusement faire réfléchir son équipe éditoriale.

Chercher aussi du côté du conflit de génération : les 50-60 et + ans du Monde confis dans leurs certitudes vs des enseignants-chercheurs recrutés selon un modèle fort différent depuis 1990.
Bien, camarades !!! Le Monde, c'est bien connu, roule sur l'or comme tous ses confrères de la presse quotidienne. Alors enfoncez-lui un peu plus la tête sous l'eau, au nom de la liberté d'expression, sans doute ?
C'est vrai que ces pauvres universitaires ont peu de contacts avec le monde réel. Croire que LE MONDE est encore un journal sérieux! Pourquoi pas LIBERATION un journal de gauche?
à propos d'auto évaluation, qui a décidé de noter et d'évaluer les ministres par un ....ministre ?
Et voilà, la dictature de la bien-pensance parachève son oeuvre. Maintenant, c'est à coup de chantage ignoble qu'on dicte aux médias ceux qu'ils sont en droit ou pas de publier. Les premiers à critiquer Nicolas Sakozy sont aussi les plus aptes à l'imiter.

Je lis le monde. Régulièrement. Tous les jours même.

C'est un nouvel article, publié dans l'édition du 1er avril et intitulé "Les facs mobilisées voient leur image se dégrader" qui a, semble-t-il, mis le feu aux poudres. Il s'intéressait au cas de trois universités : Toulouse-II-Le Mirail (UTM), Rennes-II et Paul-Valéry-Montpellier-III. Des "universités éruptives", signale l'article, qui s'intéresse avant tout aux "victimes" de la mobilisation.

J'étais tombé sur cette article qui m'avait fortement étonné. Je m'étais dit: tiens"le monde fait un article plutôt (contre) les grèves et les manifestations étudiantes !".

Surpris que j'ai été, car ce n'est vraiment pas leur genre. Le monde est même plutôt pro-étudiant.

Mon lycée perds des centaines d'inscriptions chaque année au profit du privé. Mon lycée est un lycée public, les adeptes du blocus ne connaissent rien à rien aux réformes et ce sont les premiers à se foutre de l'éducation public

Il faut se taire hein ? Il faut les féliciter, se féliciter de la jeunesse qui apprend "à avoir des opinions public" alors qu'elle apprend à être manipulé par des berges peu scrupuleux.
Il faut se féliciter du fait que les lcyéens/étudiants parvienne à démantèler l'éducation public aussi rapidement que le fait Darcos. La fermeture de science Po Paris était exemplaire, oui elle était symbolique, c'était une attaque de la méritocratie.

Et bah non. Si on a un tant soit peu d'idéaux pour l'éducation public, alors on est contre les réformes, oui.
Mais on est aussi, et surtout, contre ce genre de blocus contre-productifs. Car aucune réforme ne vaut ce sacrifice.

Quand on bloque les portes du public, on ne le sauve pas. Quand on bloque les portes du public, les gens vont dans le privé.
Un peu hors-sujet mais pas tant que ça : le programme de la Nuit Blanche proposée par ma fac m'a semblé une façon originale et souriante de poursuivre la mobilisation (parmi les déjà mobilisés, s'entend) :

# > 19h15 : Séquence 1 - Grand amphi

* Bernard Lahire (ENS-LSH, Sociologie, Directeur du GRS/CNRS), L'anti-intellectualisme d'État et "le plaisir de la connaissance"
* Sarah Al Matary (ENS-LSH Lyon, Lettres), Anti-intellectualisme et identité nationale : les racines du discours sarkozien sur l'éducation.
* René Roussillon (Université Lumière Lyon 2, Institut de psychologie, psychologie clinique et psychopathologie/CRPPC), Clinique de la créativité humaine.
> Débat
(...)
# > 22h15 : Séquence 4 - Grand amphi

* Hugues de Chanay, Frédérique Gayraud et Catherine Kerbrat-Orecchioni (Université Lumière Lyo 2, Sciences du langage, DDL, ICAR-CNRS Lyon 2), Qui veut noyer son chien... Stratégie nationale pour la recherche et l'innovation & autres discours.
* Jean-Christophe Pitavy (Université Jean Monnet de Saint-Étienne, Sciences du langage/ParLAnCES et CIEREC), Essai de Bling-blinguistique : le discours du 22 janvier ou la forêt qui cache les arbres.
* Viviane Leroux-Vernay, Sophie Chauveau et Patrick Rozenblatt (Université Lumière Lyon 2, sociologie), Attention au travail
> Débat
(...)
# > 1h15 : Séquence 7 - Grand amphi

* Jacques Gerstenkorn (Université Lumière Lyon 2, arts du spectacle, Vice-président chargé de la culture), La scène médiatique et la fabrique de l'opinion : poisons et contrepoisons d'avril
* Franck Rebillard (Université Lumière Lyon 2, Institut de la communication, Icom/Elico), Pluralisme de l'information et propriété des médias
* Domonique Lagorgette (Université de Savoie/Institut université de France, lettres), "Casse-toi, médiocre !" Les insultes en français, de la Chanson de Roland au journal de 20 heures.
> Débat
(...)

Et tout ce remue-méninges contestaire et nocturne devra s'achever vers 8h du matin.

On a peut-être pas l'estime du Président, mais on a des idées, chez les chercheurs !
Je pense que ça fait longtemps que se produit une rupture entre Le Monde et son lectorat universitaire; cerécente opposition à la ligne éditorial du journal ne fait que rendre visible et manifeste une désaffection d'une partie du public du Monde qui est en fait une tendance de fond —si l'on se base sur les chiffres de vente du quotidien qui fut de référence, en chute (et c'est pas avec la crise que ça va s'arranger).

Merci pour cet article.
"en tout cas, ce sont des gens qui ont visiblement beaucoup de temps"

il aurait du dire: c'est chauffé, y a de la lumière.....

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